FILIÈRE OVINE
La laine : un produit d’avenir

Véronique Gruber
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RENCONTRES NATIONALES / Les acteurs de la filière laine se sont retrouvés les 18 et 19 septembre à Saugues (Haute-Loire) pour leurs premières Rencontres nationales. Éleveurs, transformateurs, artisans, scientifiques, représentants de parcs naturels, ont parlé de la laine et de sa valorisation.

La laine : un produit d’avenir
Saugues, qui abrite la dernière unité semi-industrielle de lavage de la laine en France, a été choisie comme lieu des premières Rencontres nationales sur la laine, les 18 et 19 septembre.

Il y a environ 40 ans, la laine a perdu ses lettres de noblesse et sa valorisation. Considérée en Europe comme un sous-produit des ovins, la laine est pourtant pleine de qualités et mériterait un bien meilleur traitement. C’est dans cet état d’esprit que la FNO (Fédération nationale ovine) en partenariat avec le pôle laine de Saugues, l’Atelier Laines d’Europe, le Parc naturel régional de Lorraine, la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques et l’Union des industries textiles, a organisé les premières rencontres nationales sur la laine à Saugues. Pour parler de la laine, les organisateurs avaient convié plusieurs experts et acteurs de la filière laine qui sont intervenus durant la première journée.

Et si on parlait laine ?

Pierre Réveillac, président de l’Atelier Laines d’Europe a tracé les grandes lignes de l’histoire de la laine : « Dans les années 1970, la laine avait encore une valeur (12 francs le kg), ce qui représentait un petit complément de revenu. à l’époque, beaucoup d’éleveurs, qui connaissaient le minimum de soins à apporter aux toisons, tondaient eux-mêmes. Dans les années 1980, les cours de la viande ovine ont chuté d’année en année. Ce qui a conduit les éleveurs sur la voie de l’intensification pour compenser les baisses de cours. Conséquences pour la laine : la professionnalisation de la tonte ». C’est à partir de là « qu’une distance s’est installée entre la laine et l’éleveur. La qualité de la laine n’était plus importante pour ce dernier, elle devenait une charge », ajoute-t-il. Il ne s’agissait donc plus de valoriser la laine mais bien de s’en débarrasser ! Totalement dévalorisée, la laine française standard est aujourd’hui achetée à l’éleveur à un prix compris entre 0 et 2 €/kg. C’est dans ce contexte que des initiatives autour de la valorisation de la laine sont nées récemment en France : c’est le cas du pôle laine de Saugues ; de l’atelier Laines d’Europe ; de Mérilainos autour du Mérinos d’Arles ou encore d’Ardelaine (Ardèche) ou de Tricolor… Ces rencontres ont donné la parole aux acteurs aval à travers la voix de Jean-Louis Brun, responsable de l’Union des industries textiles-Sud et à la tête de la manufacture familiale Brun de Vian-Tiran dans le Vaucluse. Fervent défenseur des laines de France, Jean-Louis Brun travaille en partenariat étroit avec les éleveurs (en particulier du Mérinos d’Arles) pour valoriser au mieux les belles fibres. Pour lui, « Une belle fibre est celle qui est adaptée à un produit ». Après la mise en place de la marque « Mérinos d’Arles Antique® », la manufacture entend proposer des laines de France qui collent aux attentes de ses clients en matière de qualité et d’éthique (sur la bientraitance animale tout au long de la filière). Jean-Louis Brun a par ailleurs confirmé son intérêt pour des laines lavées et peignées en France.

La laine : un produit des plus complets

Ce fut ensuite au tour de Jean Roch Lemoine, secrétaire général adjoint de la FNO, de prendre la parole pour casser les idées reçues sur la laine. « Au fil du temps, la qualité de la laine s’est détériorée et les industriels lainiers se sont détournés de la laine française. Pourtant notre laine est un produit des plus complets qui puissent exister. C’est une matière écologique, naturelle, locale, renouvelable, biodégradable, peu énergivore, durable et qui participe au bien-être de la brebis qui façonne nos paysages. C’est une matière performante, isolante, résistante au feu, dépolluante, solide, légère, déperlante, hydrorégulatrice, protectrice des ultraviolets, antistatique, hypoallergénique et saine. La laine est aussi une matière polyvalente (habillement, décoration, accessoire, literie…) et agréable. Avec toutes ces qualités, je ne comprends pas pourquoi les éleveurs sont rémunérés à si bas prix, entre 0 et 1,50 € le kg de laine ? » La laine n’est pas un produit du siècle dernier : « C’est un produit d’avenir si nous y portons un peu d’attention », ajoute Jean Roch Lemoine qui préconise de porter une attention particulière dans le tri de la laine et de procéder à la recherche de nouveaux débouchés. Deux recommandations qui devraient, selon lui, permettre aux éleveurs d’obtenir une meilleure valorisation de la laine. Le secrétaire général adjoint de la FNO reste persuadé que chaque type de laine peut avoir son débouché : « Les quantités seront certes limitées mais la rareté peut être une opportunité ». Après une journée d’échanges en salle, ces rencontres sur la laine se sont poursuivies sur le terrain avec la visite des laines du Gévaudan, du musée conservatoire « La lainerie du Gévaudan » et de l’espace feutrage des Ateliers de la Bruyère.

Véronique Gruber

ZOOM SUR / Les projets de la FNO
Michèle Boudoin et Claude Font, présidente et secrétaire général adjoint de la FNO.

ZOOM SUR / Les projets de la FNO

À l’occasion des Rencontres nationales de la laine, les responsables de la FNO la présidente, Michèle Boudoin et le secrétaire général adjoint, Claude Font ont confié leurs priorités pour la filière laine. « On ne peut pas se contenter d’une fixation des cours de la laine en fonction du marché mondial, ni se contenter du seul marché chinois (qui importe la majeure partie du volume de laine). Ici, en Haute-Loire, la FDO récolte 30 à 35 tonnes de laine par an, malheureusement c’est un volume trop important pour les unités de lavage et de transformation situées à Saugues. » Pour améliorer la valorisation de la laine récoltée en France, la FNO et différents partenaires de la filière textile, dont des marques réputées ont lancé le projet « Tricolor » dans lequel la FDO s’est récemment engagée. « À présent, notre travail consiste à tester la qualité de notre laine en vue d’appréhender ses possibilités de transformation. Une tonne de laine collectée sur la Haute-Loire est en phase de test à Saugues. À terme, les éleveurs pourront ainsi compter sur une valorisation en fonction des capacités de transformation de leur laine », a expliqué Claude Font. À l’occasion des nombreux échanges en salle, le vendredi 18 septembre, Michèle Boudoin a fait le point sur les intentions de la FNO à l’égard de la filière laine. « La laine a été l’essence même de la FNO lors de sa création il y a 50 ans et depuis elle s’est toujours préoccupée du devenir de la laine et de la valorisation de toute la chaîne du produit. Aujourd’hui, on peut développer la laine sur tous les territoires avec des races adaptées, mais il faut réapprendre à la société civile à se réapproprier ce produit noble. »

« À ce jour, nous devons recenser les besoins des acteurs de la filière et les objectifs à atteindre. Il reviendra ensuite à la FNO de porter l’ensemble des dossiers auprès des ministères, du syndicalisme et des Chambres d’agriculture. C’est ensemble que nous arriverons à susciter un vrai développement de cette filière lainière en France et en Europe », a ajouté la présidente de la FNO.

V.G.