RÉFORME
Gestion des risques climatiques : pas de temps à perdre !

À compter du 1er janvier 2023, le dispositif des calamités agricoles pour pertes de récolte va disparaître pour laisser place à un nouveau système de gestion des risques climatiques. Avec cette réforme, qui vise à améliorer la couverture des risques, les agriculteurs ont tout intérêt à s’assurer. Explications.

Gestion des risques climatiques : pas de temps à perdre !
Irrigation, aspersion, diversification, protection... La meilleure assurance contre les risques climatiques reste l'adaptation et la protection des cultures.

Dès le 1er janvier 2023, le dispositif des calamités agricoles pour les pertes de récolte sera remplacé par un nouveau dispositif privé-public qui incite les agriculteurs à contracter une assurance multirisques climatiques.

Un système à trois étages

Concrètement, ce nouveau dispositif s’appuie sur un mécanisme d’intervention à trois étages entre l’agriculteur, l’assureur et l’Etat.

-          les risques les moins importants (pertes jusqu’à 20 %) seront à la charge des agriculteurs

-          l’assurance couvrira les pertes entre 20 et 30% ou 50 % (selon les filières)

-          au-delà, pour les sinistres d’ampleur exceptionnelle, c’est l’État qui intervient via le fonds de solidarité national (FSN), que l’on soit assuré ou non. Toutefois, les agriculteurs bénéficieront d’une protection plus importante s’ils ont souscrit une assurance récolte, en cumulant l’indemnisation de l’Etat et celle de l’assureur.

Prairies et arbo : solidarité nationale dès 30 % de pertes

Le contrat doit assurer la perte de rendement sur la base d’une moyenne olympique. Au-delà de 20 % de pertes, l’assurance indemnisera les agriculteurs ayant souscrit un contrat. Lorsque les dégâts dépassent les 50 % en viticulture et grandes cultures, c’est la solidarité nationale qui est activée. Ce seuil d’intervention est fixé à 30 % pour l’arboriculture, les prairies et les secteurs « non-assurables » (lire ci-après).

Cette différence s’explique par le faible taux de pénétration de l’assurance dans ces deux filières. Autrement dit : les arbo et les éleveurs étant jusqu’à présent peu assurés, ce seuil de déclenchement vise à les y inciter avec des coûts modestes.

La moyenne olympique conservée

Pour toutes les filières, le niveau de pertes sera calculé en comparant le rendement de l’année au rendement moyen triennal, sur la base des cinq années précédentes, et en excluant la valeur la plus élevée et la plus faible (moyenne olympique).

L’assurance rendue plus attractive

Le but de cette réforme est de rendre l’assurance plus attractive, sans être obligatoire pour autant. Le coût de l’assurance est donc plus incitatif avec un taux de subvention de 70 % sur la base d’une franchise de 20 % de pertes (contre 65 % et 30 % jusqu’à présent).

Les agriculteurs assurés avantagés

Si s’assurer n’est pas obligatoire, la couverture reste moins importante pour l’agriculteur non-assuré. En effet, les agriculteurs assurés bénéficieront via le FSN d’un taux d’indemnisation des pertes de 90%, tandis que les non assurés seront indemnisés à hauteur de 45% seulement. Ce taux doit passer à 40% en 2024 et à 35% en 2025, à l’exception des productions non-assurables pour lesquelles le taux sera maintenu à 45%.

Cultures « non assurables » : la solidarité nationale

Certaines cultures ne sont pas prises en charge par les assurances : plantes à parfum aromatiques et médicinales (Ppam), maraichage diversifié, horticulture, pépinières, apiculture, aquaculture héliciculture. Pour ces cultures, la solidarité nationale s’appliquera. Le seuil de déclenchement de cette solidarité est fixé à 45 % de pertes. C’est la direction départementale des territoires (DDT) qui gèrera les indemnisations pour ces cultures non-assurables.

Assuré ou non, déclarer votre « interlocuteur privilégié » est obligatoire 

Désormais, il n’y a plus qu’un seul interlocuteur pour déclarer ses sinistres et toucher une indemnisation. Chaque producteur doit ainsi désigner un interlocuteur unique, y compris ceux qui ne sont pas assurés. Cet interlocuteur peut être Groupama, Pacifica (Crédit Agricole) ou d’autres assureurs. Il sera à indiquer sur la prochaine déclaration Pac. C’est via cet interlocuteur que tous les dossiers seront traitées, assurance et solidarité nationale. La désignation de cet interlocuteur sera à faire obligatoirement du 1er janvier au 31 mars sur Télépac.

Rendez-vous vite en agence !

Chaque assureur proposant différentes offres, il convient de se rapprocher de son agence pour connaître plus de précisions sur la réforme, les taux d’indemnisation, le capital assurable…La réforme entrant en vigueur dès janvier, il est urgent, si vous ne l’avez pas fait, de vous rendre dans vos agences d’assurance ! C’est déjà fait pour un grand nombre de producteurs en grandes cultures d’hiver. Il reste jusqu’au 28 février pour faire ses démarches.

M.C.

A droite, la prise en charge pour un agriculteur non-assuré ; à gauche, celle d'un agriculteur assuré

« Cette réforme était nécessaire »
Bernard Habauzit
TROIS QUESTIONS À

« Cette réforme était nécessaire »

Bernard Habauzit, élu à la chambre d’agriculture et responsable du suivi des calamités agricoles.

Cette réforme est-elle une bonne chose ?

Bernard Habauzit : « Elle était en tous les cas nécessaire. Le dispositif des calamités agricoles a été créé il y a 60 ans et il était à bout de souffle. Ces dernières années, le changement climatique a provoqué des sinistres quasiment tous les ans, mettant en exergue le fait que le fonds des calamités n’était plus adapté, puisqu’il n’était censé couvrir que les épisodes exceptionnels. Le nouveau dispositif doit aussi inciter à s’assurer, en rendant l’assurance plus accessible. Le prix était un gros frein pour beaucoup de producteurs, en arboriculture notamment. Lorsqu’on s’assure, on a désormais une prise en charge dès 20 % de pertes, contre 30 % auparavant. »

Quel sera le mode de calcul de pertes pour les prairies ?

B.H. : « Jusqu’à présent, des bilans fourragers et des expertises terrain permettait d’estimer les pertes. Désormais, le dispositif reprend celui déjà effectif en assurance prairie, à l’indice de pousse de l’herbe relevé par satellite. Cela fait débat car on sait bien que ce système n’est pas toujours efficace à 100 % et peut passer à côté de particularités, en zones de montagne par exemple. Des discussions ont lieu à ce sujet. Mais même s’il y a des progrès à faire, les modèles satellites s’améliorent et devraient être de plus en plus précis. »

Quid de la moyenne olympique ?

B.H. : « La moyenne olympique, établie sur cinq ans, n’a plus de sens quand on subit plusieurs années successives d’aléas climatiques ! C’est pourquoi on demande qu’il y ait des adaptations. Il y a encore des points à préciser sur ce sujet. De manière générale, réforme ou pas, il faut qu'on trouve des formes de résilience pour s'adapter au changement climatique ! »

Propos recueillis par M.C.

Assurance : contrat par culture ou par exploitation, deux possibilités

La réforme distingue deux types de contrats d’assurance, à savoir le contrat « par groupe de cultures » et le contrat « par exploitation ».

Le contrat « par groupe de cultures » : un groupe de culture désigne par exemple l’arboriculture, la viticulture, les grandes cultures ou encore les prairies… Si l’on choisit ce type de contrat, 95 % des parcelles de ce groupe doivent être engagés dans l’assurance. Ce taux de couverture est fixé à 70% pour le groupe de culture « grandes cultures, cultures industrielles et légumes » (hors maraîchage diversifié).

Un exemple : Si on cultive des abricots, des cerises et des pêches et qu’on choisit le contrat « arbo », il faudra assurer toute la sole (à 95 %) ; en revanche, cela peut être à des niveaux de capitaux différents d’une culture à l’autre.

Pour le contrat « par exploitation », l’agriculteur devra assurer au moins 80% de la superficie en cultures de vente de l’exploitation (hors prairies et jachères), et au moins deux natures de récolte différentes. En ce qui concerne les taux de franchise, la subvention de 70% est conditionnée à un taux de déclenchement compris entre 20% et 25%.