3 QUESTIONS À /
GMS : « Jouer le jeu du local »

3 QUESTIONS À / Benoit Claret, président de la FDSEA de l'Ardèche et vice-président de la Chambre d'agriculture.

GMS : « Jouer le jeu du local »
Benoit Claret.

Depuis la mise en place des mesures de confinement, les circuits de commercialisation des produits agricoles sont vivement perturbés. Comment expliquer un tel détournement ?

Benoit Claret : « Cet épisode nous confronte à quelque chose de particulier car toute l'architecture économique de notre département est portée sur la recherche de valeur ajoutée, des réseaux de vente directe à travers les marchés de plein air notamment, ou des schémas de commercialisation et de restauration hors domicile pour les petites et moyennes entreprises. Être en dehors des schémas simples de la vente en GMS1 fait notre force d'habitude et favorise des prix plus soutenus, la mise en avant de la qualité de nos produits en lien avec le terroir, la diversité de goûts et de valeur, les appellations... Aujourd'hui, nous nous retrouvons confrontés à la fermeture de tous ces axes de marché où l'Etat décide de laisser seulement à la GMS la possibilité d'être acteur de la commercialisation des produits alimentaires. Ils ont entre les mains une mission de très grande importance et une immense responsabilité sur la vente de produits d'abord français puis de région et, tout particulièrement pour notre département, de produits locaux et de saison. Dans ce contexte, chaque représentant de GMS a la responsabilité de se rapprocher de l'ensemble des structures départementales telles que D'Ardèche & de Saison mais aussi de toutes les petites et moyennes entreprises agricoles qui ont besoin de trouver des réseaux de commercialisation. »

Quelles conséquences directes engendre cette situation pour les exploitants ?

B.C. : « Les petites et moyennes entreprises de transformation se retrouvent d'ores-et-déjà face à une baisse de vente, voire la disparition totale des marchés. Elles demandent donc de baisser leurs volumes de production très rapidement pour essayer de limiter les stocks quand cela est possible, ce qui perturbe les prix et leurs rendements. Si cette situation continue, c'est la pérennité de leurs outils et de leur savoir-faire qui sont en jeu. Sur des denrées périssables, telles que les légumes ou les fruits bientôt disponibles, les marchés pourraient devenir très critiques. Nous appelons les consommateurs et les acteurs de la distribution à jouer le jeu du local, du régional et du national sinon nous allons nous retrouver avec des contraintes terribles. Les difficultés sont déjà présentes sur la gestion de la main d'oeuvre salariale qui va être complexe à mener très prochainement. Elles le sont aussi en matière de connexion entre producteurs et consommateurs qui ont, eux-aussi, un peu perdu leurs repères. Les dernières études montrent que les consommateurs sont davantage à la recherche de produits de longue conservation alors que nous pourrions croire que la seule possibilité de se faire plaisir dans cette période de confinement serait de passer un moment à table, en famille, quand on peut, avec une bonne bouteille et des produits du terroir de qualité. L'état d'esprit actuel n'en est rien. C'est de la responsabilité de chacun de voir à quel point il est important d'avoir une souveraineté alimentaire dans ces moments-là, des outils et des principes de précaution en matière de santé sur notre territoire. C'est d'autant plus vrai pour l'alimentation où il faut garder le tissu indispensable d'une agriculture locale et présente partout. Elle limite le déplacement des populations, garantie des produits diversifiés et de la qualité, mais aussi la possibilité à chacun de pouvoir se nourrir avec les plus grandes précautions. »

Les marchés de plein vent sont interdits depuis le 24 mars. Des dérogations ont permis d'en maintenir un grand nombre en Ardèche. Que représentent-ils pour un territoire comme le nôtre ?

B.C. : « Les marchés peuvent être maintenus sur demande de la mairie et avec dérogation de la préfecture. Je tiens à souligner tout particulièrement la responsabilité qu'ont su prendre les maires ardéchois ainsi que le travail très précis et précautionneux qui est conduit par la préfecture, et le préfet Françoise Souliman en tête, afin de mettre tout en œuvre pour le maintien des marchés dans la mesure des règles sanitaires indispensables à tenir. Un guide pratique a été réalisé par la FNSEA, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, et l'APCA2. En pointe d'organisation, la Chambre d'agriculture de l'Ardèche a centralisé toutes les informations concernant ces mesures de protection. Le syndicalisme, comme il sait le faire, est présent aussi pour appuyer les demandes de dérogation. Dans une bonne collaboration, chacun a pris ses responsabilités et a su mettre en oeuvre très rapidement les mesures « barrières » sur les marchés afin que la sécurité de la clientèle et des vendeurs directs y soit assurée. Ce sont des réseaux de commercialisation indispensables pour de nombreux producteurs, parfois les seuls. »

Propos recueillis par A.L.

1. Grande et moyenne surface.
2. Assemblée permanente des Chambres d'agriculture.

A lire aussi sur le même sujet :

Magasin U d’Alissas : « Une démarche de main tendue aux producteurs »