SANITAIRE
La réduction des antibiotiques, un enjeu majeur pour la filière avicole

Amandine Priolet
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Bien connue de la filière avicole, l’antibiorésistance fait aujourd’hui l’objet de nombreux travaux visant à réduire l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire et à trouver des alternatives.

La réduction des antibiotiques, un enjeu majeur pour la filière avicole
©DR

« La lutte contre l’antibiorésistance est un sujet d’actualité pour la filière avicole. Les infections dues à des agents infectieux résistants pourraient devenir en 2050 l’une des premières causes de mortalité dans le monde si l’on ne fait rien pour lutter contre l’antibiorésistance. Heureusement, beaucoup de mesures ont été prises pour accompagner les éleveurs à réduire leur utilisation d’antibiotiques », a indiqué Anne-Christine Lefort, vétérinaire santé et protection animale à l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), lors d’un webinaire sur la réduction des antibiotiques en élevage. « En 2018, les infections avec des bactéries résistantes étaient équivalentes à celles de la grippe, de la tuberculose et du virus du Sida cumulées, avec plus de 670 000 infections et 33 110 décès », a poursuivi Nathalie Rousset, responsable santé et hygiène à l’Itavi. En France, le premier plan EcoAntibio, lancé en 2012, avait un double objectif : réduire de 25 % les usages d’antibiotiques en médecine vétérinaire en cinq ans et réaliser des efforts particuliers sur les antibiotiques « critiques », utilisés également en médecine humaine. Le second plan (2017-2021) visait à inscrire dans la durée la baisse de l’exposition aux antibiotiques mais aussi de réduire de 50 % l’usage de colistine en cinq ans.

Une exposition aux antibiotiques en baisse

Globalement, les ventes d’antibiotiques ont baissé de 44 % en France entre 2018 et 2011 (- 35 % dans l’Union européenne, source : Esvac 2020). De ce fait, l’exposition des animaux aux antibiotiques a été considérablement réduite : - 60,5 % en volailles, - 45,3 % toutes espèces confondues. Dans cette lutte, il convient tout d’abord de lever les barrières au changement. « Il est nécessaire de convaincre les éleveurs que diminuer les antibiotiques ne va pas s’accompagner d’une baisse de performance ou de coûts supplémentaires », a précisé Anne-Christine Lefort. Par ailleurs, l’amélioration de la santé de l’élevage est primordiale. En effet, l’utilisation d’antibiotiques peut parfois masquer des failles dans la maîtrise de la biosécurité. Enfin, l’acquisition de connaissances sur les maladies et les outils de prévention est indispensable pour notamment développer des alternatives aux antibiotiques. « Plusieurs leviers d’actions ont été mobilisés à l’échelle des filières, notamment en termes de recherche sur la génétique et la nutrition, de développement de la vaccination et d’investissements structuraux afin d’avoir une approche plus globale et intégrée de la santé animale », a souligné Nathalie Rousset. Au niveau des pratiques, les éleveurs se sont aussi impliqués sur l’observance des procédures de nettoyage et de désinfection et sur l’application des mesures d’hygiène avec une vigilance accrue au démarrage des lots. « Des efforts qui ont permis de réduire considérablement les usages d’antibiotiques avec de réels impacts sur l’antibiorésistance. Ces usages tendent aujourd’hui à se stabiliser. Il convient donc de poursuivre les efforts sans compromettre le bien-être des animaux et des hommes », a conclu Nathalie Rousset.

Amandine Priolet

COLIBACILLOSE / L’importance des pratiques d’élevage démontrée

La colibacillose aviaire est la maladie la plus fréquente et la plus impactante chez le poulet de chair en France. Elle se traduit par une expression multifactorielle en fonction des facteurs de virulence des souches de la bactérie Escherichia coli (E. coli) et d’éventuelles conditions d’élevage défavorables. Ses symptômes sont assez diversifiés : mortalité, septicémie, affections respiratoires ou arthrites, boiteries, etc. Cette pathologie, qui nécessite l’utilisation d’antibiotiques, peut alors être responsable de pertes économiques importantes sur l’exploitation avicole. L’étude Colisée, réalisée dans quatre-vingts élevages de poulets de chair, vise à prévenir la maladie par l’identification des facteurs déclenchant en élevage et à développer des outils de caractérisation des souches d’E.coli virulentes. « Nous avons remarqué qu’à chaque fois que les pratiques d’élevage étaient bonnes (bâtiment propre et désinfecté, qualité de l’eau de boisson, traitement par peroxyde), les risques de colibacillose étaient faibles, voire nuls, et ce, malgré la présence de marqueurs de virulence sur les souches », a expliqué Nathalie Rousset, responsable santé et hygiène à l’Itavi. « Malgré la présence assez forte d’E.coli dans l’environnement et sur les poussins, le déclenchement de la colibacillose n’est pas une fatalité », assure-t-elle. « Certaines pratiques d’élevage sont à maîtriser, car la prévention permet de réduire l’expression clinique de la maladie. » Il est donc nécessaire d’être vigilant lors de l’accueil des poussins dans l’élevage et de respecter leurs besoins à travers l’observation du comportement des animaux. Enfin, les mesures de biosécurité ont toute leur importance afin de maîtriser le risque d’introduction d’agents pathogènes dans le poulailler.

A.P.

PRÉVENTION / Les huiles essentielles, une alternative aux antibiotiques ?
L’outil Phytogramme®. ©DR

PRÉVENTION / Les huiles essentielles, une alternative aux antibiotiques ?

Dans une démarche de prévention de la colibacillose aviaire, l’utilisation des huiles essentielles pourrait être une alternative efficace aux antibiotiques. L’outil Phytogramme®, développé en 2014 par le réseau Cristal, permet d’orienter la décision du vétérinaire en testant l’activité antibactérienne d’un mélange d’huiles essentielles et d’extraits végétaux en milieu gélosé, afin de choisir la meilleure solution adaptée à l’élevage en fonction de ses problèmes sanitaires. Des études ont été réalisées dans des élevages de poulets en production certifiée et standard ayant une récurrence en colibacillose et dans des élevages de canards mulards. Ces essais ont permis de montrer l’efficacité des huiles essentielles par la diminution de la mortalité et des troubles mais aussi par l’amélioration des performances. Toutefois, pour un traitement réussi, il est important de l’administrer dès les premiers signes de la maladie.

Les huiles essentielles comme stratégie préventive

« La rapidité d’action des huiles essentielles est moins importante que celle des antibiotiques. Nous devons donc les administrer de manière précoce. Si la maladie est déjà trop avancée, on sera obligés de passer aux antibiotiques. C’est pourquoi, certains éleveurs pensent que l’administration au démarrage est aussi un facteur de réussite du traitement », explique Anne-Christine Lefort, vétérinaire santé et protection animale à l’Itavi. Ainsi, « l’utilisation de spécialités à base d’huiles essentielles est une stratégie préventive, complémentaire aux autres mesures de gestion sanitaire pour réduire l’usage des antibiotiques en élevage », déclare-t-elle. Toutefois, les études ont permis de démontrer un manque de formation et d’information des éleveurs et des techniciens. La réglementation concernant les huiles essentielles est encore peu connue, au même titre que les risques liés aux résidus dans les denrées. Des outils d’information sont en cours d’écriture sur l’usage des huiles essentielles et l’intérêt du Phytogramme® comme outil de diagnostic.

A.P.

EN BREF /

ANTIBIOTIQUES DE CROISSANCE / La France prend les devants

« Il est interdit d’importer, d’introduire et de mettre sur le marché en France des viandes et produits à base de viande issus d’animaux ayant reçu des antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement », indique l’arrêté du ministère de l’Agriculture publié au Journal officiel le 22 février. Concrètement, il revient aux importateurs de s’assurer auprès de leurs fournisseurs que la viande importée est « saine d’antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance ». « La pratique est courante sur les volailles en Ukraine, au Brésil et en Thaïlande ainsi qu’aux États-Unis sur les bovins », précise le ministère. La preuve d’une « viande saine » peut être faite par une attestation ou bien un certificat fourni par un tiers ou « un label comme il en existe dans les importations de bois avec le PEFC ». L’objectif de cet arrêté qui anticipe l’entrée en vigueur de l’article 118 du règlement de l’Union européenne sur les médicaments vétérinaires (décembre 2018) est également de lutter contre l’antibiorésistance. « Néanmoins, plusieurs actes juridiques doivent encore compléter l’article 118 pour que soient clairement établies les modalités du contrôle sanitaire à l’importation des produits d’origine animale aux frontières de l’Union européenne », ajoute le communiqué de presse du ministère. L’arrêté donne un délai de deux mois « aux opérateurs ou aux metteurs en marché de viandes provenant de produits tiers pour adapter leurs procédures ».

INFLUENZA AVIAIRE / Anvol veut temporiser sur la vaccination

Alors que le gouvernement a récemment annoncé le lancement d’une expérimentation sur la vaccination contre l’influenza aviaire, l’interprofession des volailles de chair Anvol a appelé le 22 février à « ne pas brûler les étapes ». « Nous soutenons l’expérimentation, mais nous demandons qu’elle soit faite avec l’accord préalable des pays de destination des exportations de génétique aviaire et de viande de volailles », a précisé son vice-président Paul Lopez. Par ailleurs président de la FIA (industriels avicoles), il a estimé « risqué d’annoncer le lancement d’une expérimentation française avant d’avoir convaincu nos partenaires européens », la vaccination étant actuellement interdite par Bruxelles. « Certaines entreprises ne comprennent pas que la France, qui est le berceau de toutes les souches de diversification en volailles (à croissance lente notamment), prenne ce type d’orientation », s’est-il inquiété en évoquant le maillon accouvage. Alors que les leaders de ce secteur sont des groupes internationaux, « ces entreprises ne vont plus continuer à investir en France et, si la démarche va au bout, elles pourraient quitter le territoire », prévient Paul Lopez.