GEL
Des vignes à choyer

Mylène Coste
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Suite à l’épisode de gel d’avril dernier, la chambre d’agriculture du Rhône a proposé sous forme de webinaire des solutions d’accompagnement pour aider au redémarrage des vignes en production.

Des vignes à choyer
La vigne est repartie très lentement. Ici, un mois et demi après le gel.

Plus d’un mois et demi après les épisodes de gel qui ont frappé plusieurs vignobles français, dont ceux du Rhône, avec des dégâts hétérogènes, la chambre d’agriculture du Rhône (CA69) organisait mardi 18 mai un webinaire sur les préconisations et actions à suivre pour conduire au mieux la vigne qui, timidement, il faut bien l’avouer, redémarre tout doucement avec ces conditions climatiques du printemps.

Impact du gel et enjeux

Pour rappel, au moment du débourrement, le bourgeon lattent contient deux à trois bourgeons secondaires, en plus du bourgeon principal, le plus fructifère. Alors quand un fort épisode de gel s’abat sur des ceps ayant déjà débourré, les dégâts peuvent être conséquents, entraînant une perte de récolte. « Les bourgeons secondaires sont certes moins fructifères, mais ils restent importants pour préserver le cep et créer du végétal dans le but d’accumuler des réserves pour la saison suivante », introduit Brieg Clodoré, conseiller viticole à la CA69. Suite à ce gel, la météo (pluvieuse et fraîche) a été peu propice à une activité photosynthétique suffisante pour la vigne, ainsi susceptible d’être décolorée, carencée ou chétive. « Elle peut avoir du mal à se remettre de ce choc qui est le gel, affirme Brieg Clodoré. Si les dégâts sont inférieurs à 40 %, l’enjeu est de jouer sur le poids des grappes. »

Des engrais foliaires 

Quelles actions menées pour permettre à la vigne de se développer pleinement, tout en prenant en compte le contexte météorologique de ce printemps peu favorable ? « L’important est de soutenir la vigne pour réactiver la photosynthèse et le flux de sève, favoriser l’évapotranspiration et l’absorption racinaire, et réussir une belle initiation florale pour la saison prochaine », répond Brieg Clodoré. Une solution ? Une fertilisation légère, à appliquer à cette époque de l’année, si elle n’a pas déjà été faite précédemment. « Des stimulateurs de croissance sont distribués sur le marché. Un engrais foliaire est intéressant, à condition que la vigne soit en capacité de le recevoir. Ça dépend des températures, supérieures à 15 °C, de la météo, ensoleillée, ou encore de l’hygrométrie, supérieure à 50 %. D’autres types d’engrais, comme du purin d’ortie par exemple, peut aider la plante à se rééquilibrer et favoriser la circulation des flux de sève. »

Travail du sol, oui

Avant un épisode de gel annoncé, le travail du sol ou la destruction d’un couvert végétal est proscrit (lire encadré). Par contre, opter pour un travail mécanique du sol afin de favoriser la minéralisation de la vigne et lui fournir de l’azote disponible est recommandé. « Des couverts végétaux peuvent aussi être en place. Selon le mode de destruction choisi, celle-ci peut être faite au moment de la floraison, voire de la nouaison, la période clé pour l’absorption de l’azote. En tout cas, la maîtrise de l’herbe reste importante », commente Nina Chignac, conseillère viticole à la CA69, en charge des vignobles du Sud du Rhône.

« Prendre soin de la vigne »

Alors que les travaux en vert battent leur plein actuellement, les conseillers viticoles recommandent pour les vignes partiellement touchées par le gel (pertes supérieures à 40 %) des épamprages et des ébourgeonnages « assez strictes ». L’intérêt consiste à choisir des rameaux pour leur développement et la future taille d’hiver. « Il est très important également de protéger la vigne jusqu’au bout, à partir du stade 7-8 feuilles si les dégâts de gel sont conséquents et donc supérieurs à 60 %. C’est primordial de conserver des feuilles pour une photosynthèse active, pour la mise en réserve de la prochaine saison. Cette protection phytosanitaire est à adapter en fonction du volume foliaire. Si celui-ci reste faible, une réduction de dose est préconisée », développe Brieg Clodoré.

David Duvernay

« Pas de recette miracle, ni de cas unique »
Les bourgeons ont été impactés

« Pas de recette miracle, ni de cas unique »

Suite au dernier épisode en avril, Olivier Yobrégat, ingénieur agronome-œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), confirme avoir observé « des situations délicates » pour les jeunes plantations dont certaines ont pu être fortement touchées.

Des préconisations sont donc à suivre jusqu’à la première année de production, comme limiter le binage et plus généralement le travail du sol et faire attention à la concurrence de l’herbe. « Il faut limiter le stress hydrique. Les jeunes plants ne redémarrent pas en cas de déficit d’eau… », ajoute-t-il. Avec ce printemps 2021 pluvieux, c’est une problématique en moins pour les vignerons.

De la fertilisation foliaire aux remplacements des plants

Pour les plantations faites à l’automne, qui avaient débourré avant le gel, « on a clairement des bourgeons impactés. Des remplacements sont possibles. Le plus tôt est le mieux. Avec ces précipitations actuellement, on peut se donner du temps pour voir si la vigne redémarre dans les jours à venir ».

Sur les plantations réalisées au printemps 2020, « rabattus à deux yeux l’hiver dernier », Olivier Yobrégat confirme une reprise laborieuse pour les plants gelés. « Soutenir leur croissance, c’est éviter le stress hydrique. On peut opter pour une fertilisation foliaire si la vigueur est faible. »

Sur des vignes plus âgées, plantées avant 2020, le travail d’épamprage est important « pour diriger la vigueur vers les bois, pour une bonne taille et des rameaux fructifères l’an prochain. Ces pousses seront à protéger et attacher. Attention à la casse et à la protection phytosanitaire car la jeune végétation est sensible au mildiou. Il faut la protéger jusqu’à l’aoûtement, surtout si la croissance est vigoureuse. » Olivier Yobrégat reconnaît qu’il n’existe « pas de recette miracle, ni de cas unique. En fonction de la taille, de la pousse, de la vigueur, les situations diffèrent. Une des solutions peut être de refaire une souche et un tronc propre. »

Des préconisations aussi avant le gel

Bien qu’il ne soit trop tard pour cette année, les conseillers de la chambre d’agriculture du Rhône (CA69) rappellent quelques règles et principes de base avant un épisode de gel de printemps. En premier lieu, éviter toute intervention dans la parcelle au moins une semaine avant, qu’il s’agisse du travail mécanique du sol ou de la destruction du couvert végétal. Selon Nina Chignac, conseillère viticole à la CA69, « ces deux actions peuvent libérer de l’humidité et ainsi augmenter l’impact du gel sur la vigne. » Autre préconisation, que des viticulteurs semblent déjà adopter sur leurs parcelles situées dans des zones les plus exposées au gel, retarder au maximum la taille de la vigne. « Alors qu’on manque d’historique et de moyens pour lutter contre ce fléau, tailler la vigne plus tard semble une solution facile à mettre en place pour retarder le débourrement quand celui-ci est précoce », insiste Pascal Aufranc, viticulteur à Chénas et élu à la chambre d’agriculture (CA69). « C’est une alternative que les viticulteurs et viticultrices du vignoble ont à l’esprit, confirme Nicolas Besset, conseiller viticole à la CA69. D’ailleurs, les vignes les plus gélives et taillées plus tard ont peu de dégâts ». « Tout dépend de l’intensité du gel et de la répétition des épisodes », nuance Olivier Yobrégat, ingénieur agronome-œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Mais une taille plus tardive peut sauver des situations assez spectaculaires ».

D.D.