AUVERGNE RHÔNE-ALPES
« Les années passent et l’urgence s’accélère »

Propos recueillis par Alison Pelotier
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SÉCHERESSE / À une semaine du vote du rapport d’orientation de la FNSEA sur le thème du changement climatique en agriculture (le 10 septembre, ndlr)la FRSEA et Jeunes agriculteurs Auvergne Rhône-Alpes alertent dans un communiqué le 25 août, sur le manque d’eau dont souffrent les cultures cette année encore. Interview de Michel Joux et Pierre Picard, respectivement président FRSEA et JA Aura.

« Les années passent et l’urgence s’accélère »
Michel Joux, président FRSEA Aura.
ITW
Pierre Picard, président JA Aura.

Pourquoi avoir cosigné ce communiqué de presse alertant sur l’état de sécheresse des départements en région ?

Michel Joux : « Pour la 3e année consécutive, nous sommes touchés par une grande sécheresse et impactés par un manque d’eau crucial. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la récurrence de ces évènements climatiques. Le moral des agriculteurs en prend un coup, on commence à entendre des gens dire qu’ils en ont marre de ce métier, l’ambiance partout est au fatalisme… Mais je veux rester positif, c’est loin d’être tout foutu ! Il faut simplement qu’on bénéficie d’outils d’adaptation rapides pour faire face à ces situations d’urgence car le changement climatique, lui, s’installe durablement et risque même d’empirer... »

Pierre Picard : « Habituellement, les départements montagneux du Massif central et des Alpes sont relativement épargnés. Cette année, ils subissent la sécheresse de plein fouet. Ce manque de pluie important engendre des petites récoltes et des coûts supplémentaires. L’état de sécheresse des sols sableux, un peu légers, est aussi très inquiétant. Ils produisent moins, parfois même il n’y a plus rien qui pousse. Je ne suis pas de nature pessimiste mais il suffit de regarder la réalité en face… Nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Les années passent et l’urgence s’accélère. »

Les stocks fourragers pour l’hiver 2020/2021 sont amputés depuis mi-juillet pour nourrir les animaux. Quelles solutions s’offrent aux agriculteurs ?

M.J. : « Il y a des entreprises qui stockent depuis plusieurs années, celles-là passeront le cap en puisant dans leurs stocks. Pour celles qui n’ont pas eu cette capacité-là, il faudra qu’elles achètent de la paille, du foin, des céréales, du maïs, à un coût sans doute plus élevé, qui viendra impacter leur rentabilité économique, de manière plus ou moins importante selon leur résilience. Aujourd’hui, on a du mal à avoir des maïs qui supportent bien la chaleur. Certains agriculteurs ont opté pour la luzerne, plus résistante à la sécheresse, une alternative pas adaptée à tout le monde. »

P.P. : « Une autre solution est celle de rationner dans la mesure du possible la nourriture des animaux, tout en les préservant avec de la ventilation et des brumisateurs en bâtiment. Pour moins subir cet aléa climatique, il faudrait aussi qu’on réintroduise plus de haies et d’arbres dans notre environnement. Le bocage permettra de garder un peu plus de fraîcheur et de moins subir ces fortes chaleurs. »

La problématique de la récupération de l’eau pluviale revient tous les ans.
Comment avancez-vous sur ce sujet avec les acteurs territoriaux et les responsables politiques ?

M.J. : « C’est un sujet contesté sur lequel nous avons du mal à coconstruire des projets concrets… La réglementation sur les retenues d’eau encadrée par les Sdage (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) ne nous permet pas d’aller rapidement au bout de nos propositions. Même si la Région incite à y aller, on voit bien que dans nos départements, c’est toujours un peu poussif. Au final, on a très peu de projets qui arrivent au bout. Ce qui manque aussi c’est la formation et l’accompagnement des porteurs de projet en demande de compétences techniques et scientifiques. »

P.P. : « Chez JA, nous aimerions que chaque nouveau bâtiment intègre obligatoirement des aménagements de retenues d’eau de toiture. Dans le passé, il y avait des étangs, des mares de partout et les champs étaient suffisamment arrosés. Aujourd’hui, on a oublié qu’on pouvait manquer d’eau à certains moments de l’année. Les projets de retenue d’eau pluviale doivent être bien construits car selon que l’on souhaite y puiser pour irriguer ou abreuver ses animaux, la gestion de l’eau n’est pas du tout la même. »

Quel travail faut-il encore effectuer sur les systèmes assurantiels pour que les agriculteurs cotisants puissent voir leurs pertes mieux compensées ?

M.J. : « Le calcul de la moyenne olympique sur 5 ans n’est pas adapté aux aléas climatiques que nous subissons. Le fond de calamités n’est plus tout à fait à la hauteur des enjeux, non plus. En discussion depuis plusieurs mois, la couverture récolte universelle (CRU), telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui ne nous satisfait pas. À mon sens, il faut qu’elle soit financée par les agriculteurs et cautionnée par l’État, sans venir impacter le 1er ni le 2e pilier de la Pac. Cela ne marchera pas s’il n’y a pas de franchise de déclenchement sur des grosses pertes déclarées à la parcelle et non pas à la culture. »

P.P. : « Cette idée de créer une couverture universelle adaptable à toutes les filières permettrait d’avoir des prix plus accessibles. Harmoniser toutes les productions, cela risque d’être très compliqué, nous ne pourrons pas mettre tout le monde dans le même panier. Covid-19 oblige, les réunions ont été arrêtées et devraient reprendre à la rentrée pour définir les modalités précises de la CRU. »

Propos recueillis par Alison Pelotier

JA AURA / Une rentrée riche en projets

Après un été bouleversé par l’impossibilité de se rassembler, Jeunes agriculteurs Auvergne Rhône-Alpes entame sa rentrée sous le signe de la nouveauté. « La plupart de nos concours locaux et beaucoup de comices ont été annulés en raison de la crise sanitaire », indique Pierre Picard, président de JA Aura. Seuls l’Ain et l’Ardèche ont pu maintenir leur finale de labour cet été, « en réduisant la voilure » du nombre de personnes sur place.

La Haute-Savoie où les premiers clusters de Covid-19 ont été découverts au mois de mars a vu tous ses évènements annulés : la foire des crêtes ou encore le retour des alpages à Annecy. « Nous sommes en train de lancer une campagne vidéo qui donne la parole aux enfants sous forme de questions-réponses ludiques qu’on diffusera sur nos réseaux sociaux », annonce François Chamot, président de JA Haute-Savoie et membre du bureau JA Aura.

Nouvelle association

Ces mois de confinement ont néanmoins permis de travailler sur la création de l’association Terres d’Auvergne Rhône-Alpes pilotée par JA Aura et rassemblant aussi un certain nombre d’OPA. Elle est composée de quatre groupes d’action. Un projet sur la bonification du prix du lait avec une plus-value reversée aux jeunes installés, un gros volet sur la formation avec la labellisation sur six départements ainsi que JA Aura en tant qu’organisme certificateur. « Cette association nous a aussi permis d’adhérer à la plateforme stageagricoles.com lancée par JA Gironde. Elle donne aux établissements agricoles une fiche de référencements pour chaque possible employeur, tout en offrant une meilleure visibilité aux fermes et plus de choix aux étudiants », précise François Chamot. Autre gros projet soutenu par Terres d’Aura : le Fast (fond d’accompagnement à la succession et à la transmission) imaginé en 2016 par JA Haute-Savoie. « Des zones tests ont été repérées en Isère, Savoie et Haute-Savoie dans le but de relancer certains secteurs en difficulté, notamment dans les communes sorties des zones défavorisées n’ayant plus le droit à l’ICHN. »