INCENDIES
« L’image des flammes me restera toute ma vie »

Les feux qui ont ravagé 1200 ha, du Coiron à Vogüé, laissent derrière eux des paysages dévastés et des traces indélébiles dans les esprits. Si aucune victime humaine n’est à déplorer, certains y ont perdu des terres, comme Thierry et Laurent Guérin. Témoignage.

« L’image des flammes me restera toute ma vie »
Thierry Guérin et son fils Laurent, en cours d'installation, devant le paysage dévasté par les feux.

Une odeur de brûlé, de la poussière et des cendres. C’est tout ce qu’il reste du flanc de colline sur lequel Thierry et Laurent Guérin, ont des terres. Tous deux élèvent vaches et brebis allaitantes, entre Darbres, Freyssenet et Saint-Gineys-en-Coiron. « En tout, 22 ha ont brûlé, indique Laurent Guérin. Ce n’étaient pas des terrains exploités, mais les vaches y passaient, et on y avait nettoyé deux zones il y a peu. Tout a été emporté par les flammes, y compris les clôtures, ce qui est le plus embêtant. Sans parler de la végétation… »

Par chance, ce jour-là, le troupeau n’était pas dans ce secteur. Lorsque le feu s’est déclaré, mercredi 27 août au matin, père et fils étaient au bâtiment en train de trier les animaux. « Un voisin nous a appelé pour nous prévenir. On s’est précipité sur le terrain où des flammes gigantesques étaient en train de tout ravager, explique Thierry Guérin. À ce moment-là, ma plus grande crainte était que le feu ne saute le plateau et gagne le versant de Darbres. Il s’en est fallu de peu. Et là, ç’aurait été catastrophique… » S’en est suivie une journée cauchemardesque à combattre les flammes : « Des voisins et collègues sont venus nous aider, on a réussi à tenir le feu avec des pelles. Un camion est rapidement arrivé sur place, qu’on a ravitaillé avec une tonne à eau. Puis 3 autres camions sont intervenus, qu’on a guidé sur le terrain. » Laurent Guérin poursuit : « On avait l’impression que ça n’allait pas s’arrêter. D’ailleurs, à la fin de la journée, le réservoir d’eau de Freyssenet avait été quasiment vidé par tous les ravitaillements. Le feu a pu être fixé en fin d’après-midi. Il y a eu une reprise le lendemain, mais on a pu la maîtriser. »

« Il faudra 30 ans pour que la nature reprenne ses droits »

Aujourd’hui, les deux éleveurs restent marqués par les événements. Sur les terrains brûlés, des coquilles d’escargots carbonisés gisent entre les squelettes d’arbres et de buis. Thierry Guérin constate : « La terre et les mottes sont complètement brûlées. Il faudra une trentaine d’années au moins pour que la végétation reprenne ses droits. Ce n’est pas de l’herbe qui va repousser ici, mais que des ronces. Les vaches n’y viendront plus… » Outre les dégâts physiques, les plaies sont aussi psychologiques : « Être obligé ça tous les jours, ça fait mal au cœur. L’image des flammes me restera toute ma vie. J’imagine ceux qui ont vu le feu s’approcher de leur maison, ça doit être terrible. » Thierry et Laurent Guérin comptent déposer plainte. « C’est encore plus dur à encaisser de savoir que l’incendie a été volontaire, confie ce dernier, encore en cours d’installation. La nature morfle bien assez comme ça avec la sécheresse. »

Interpellé pour douze départs de feux, l’incendiaire de 44 ans a fini par reconnaître les faits. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire et risque 15 ans de réclusion criminelle. Père de 3 enfants, ancien maçon à Chomérac, l’homme originaire de Saint-Julien-en-Saint-Alban était alcoolisé au moment des faits. Il pourrait être à l’origine d’autres incendies survenus par le passé.

M.C.

L'incendie a laissé une terre brûlée
L'incendie a laissé une terre brûlée

Le pire incendie qu'ait connu l'Ardèche depuis plus de 20 ans

Rarement un feu de forêt n’avait détruit autant de végétation en si peu de temps, en Ardèche. Chaleur, sécheresse et vents violents : il n’en fallait pas plus pour que les vallées s’embrasent comme une poudrière. Pour en venir à bout, un Dash, 5 canadairs, 5 colonnes extra-départementales, un hélicoptère et 600 pompiers ont été mobilisés, dont 4 ont été légèrement blessés. 1200 ha ont été brûlés. Le dernier incendie d’une telle ampleur remonte à l’an 2000, les 20 et 21 août, dans la vallée de la Vocance. Entre Annonay et Villevocance, 1 700 ha avait été détruits.

70 ruches emportés par le feu à Lagorce

Le 18 juillet dernier, l’incendie qui a ravagé près de 90 ha entre Vallon Pont-d’Arc et Saint-Remèze a aussi touché des agriculteurs. « Les Ruchers de l’Ibie », membres du réseau Bienvenue à la Ferme, ont perdu 70 ruchers.

En tout, Thierry et Laurent Guérin ont perdu 22 ha de terrain
En tout, Thierry et Laurent Guérin ont perdu 22 ha de terrain