POLITIQUE
Les maires d’Ardèche veulent plus d’autonomie

Marin du Couëdic
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Réunis en congrès au Teil, jeudi 28 octobre, les maires et présidents de communautés de l’Ardèche ont plaidé pour une plus grande autonomie financière de leurs communes, mise à mal selon eux par la suppression de la taxe d’habitation et les baisses des dotations de l’État. 

Les maires d’Ardèche veulent plus d’autonomie
David Djaïz, haut fonctionnaire, Hervé Saulignac, député de l'Ardèche, Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche, Frédéric Sausset, maire de Tournon-sur-Rhône et Olivier Pévérelli, maire du Teil.

Lors de leur dernier congrès, il y a deux ans, les maires et présidents de communautés de l’Ardèche s’étaient inquiétés de la réduction de leur marge de manœuvre et avaient regretté un manque d’écoute de la part de l’État. C’est sensiblement le même sentiment qui prévalait chez les édiles réunis au Teil, jeudi 28 octobre, pour un premier rassemblement depuis le renouvellement des conseils municipaux. Sur les 335 maires que compte le département, beaucoup ont répondu présent pour réclamer haut et fort davantage d’autonomie fiscale pour leurs communes, « appauvries » par la suppression progressive de la taxe d’habitation. « La confiance de nos concitoyens est liée à notre capacité d’agir, à mener à bien les projets pour lesquels nous avons été élus, a affirmé Olivier Pévérelli, maire du Teil et président de l’association des maires et des présidents de communautés de l’Ardèche. Les communes ne pourront pas supporter un nouveau tour de vis. C’est le pacte républicain qui est en jeu. »

« Y’aura-t-il encore des maires dans les années à venir ? »

Un avis largement partagé parmi les élus présents, à gauche comme à droite. « Jamais ce pays ne s’est à ce point recentralisé, a regretté Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche. Il faut que l’on se batte chaque année pour que les taxes et compétences ne soient pas transférées aux intercommunalités. Laissons les compétences du quotidien, comme l’eau et l’assainissement, aux maires. Donnons-leur les moyens de garder le lien avec leurs administrés. Faisons confiance aux élus du territoire. » Quelques minutes auparavant, Hervé Saulignac, député de l’Ardèche s’était ému de la réduction des leviers, notamment fiscaux, des communes. « La démocratie tient par sa base, pas par le haut, a-t-il martelé. Lorsque nos élus n’auront plus de compétences ni de budget, nous aurons des fonctionnaires. Je pose la question, y’aura-t-il encore des maires dans nos communes dans les années à venir ? »

Une interrogation qui fait écho au constat de Frédéric Sausset, maire de Tournon-sur-Rhône et président d’Arche Agglo : « Il ne faut pas que le maire devienne un simple administrateur, mais un constructeur. Nous aurions besoin de plans pluriannuels avec l’État pour assurer une certaine stabilité à nos mandats et nous accompagner dans nos projets ».

« Investir, c’est préparer l’avenir des communes »

Cette capacité à mener à bien des projets, cheval de bataille des édiles, étaient au cœur des débats lors de ce 66e congrès des maires de l’Ardèche. Pour financer leurs actions, ils peuvent aujourd’hui compter sur la taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères, le foncier bâti et la cotisation foncière des entreprises (CFE). « Malgré ces recettes et les enveloppes des collectivités territoriales, sur lesquelles nous comptons beaucoup, le compte n’y est pas, a signalé Thierry Bruyère-Isnard, maire de Saint-Paul-le-Jeune, dans le Sud-Ardèche. Investir, c’est pourtant préparer l’avenir des petites communes. »

« Monter des projets devient compliqué, a complété Julien Goube, maire de l’une des plus petites communes d’Ardèche, Loubaresse et ses 45 habitants. Il y a une dizaine d’années, nous avions beaucoup de support de la sous-préfecture, aujourd’hui on nous renvoie sur des pages Internet, s'est t-il désolé.  Nous, toutes petites communes, avons pourtant un lien privilégié avec les habitants. L’hyperproximité est un gage de confiance. »

« Nous sommes les piliers de la République »

Malgré les dissensions, de nombreux maires ont souhaité saluer le travail mené avec les services de l’État et les collectivités territoriales. Des liens qui ont permis des actions rapides, comme la création d’un centre de vaccination à la Covid-19 à Tournon-sur-Rhône qui a permis de vacciner 20 000 personnes en six mois, a précisé Frédéric Sausset. Invité au congrès, le haut-fonctionnaire David Djaïz, , a insufflé un vent d’espoir dans son intervention. « Il faut sortir de l’opposition entre les communes et l’État, a plaidé l’auteur du livre « Le nouveau modèle français ».  Je crois au regroupement des élus autour de projets précis. Il y a des alliances à inventer sous une forme la plus souple possible. C’est le grand chantier qui nous attend pour les prochaines années. »

Au nom des maires de l’Ardèche, Olivier Pévérelli a conclu le congrès sur une note combative : « Nous continuerons à exercer nos mandats, à trouver des solutions et à se battre pour les communes d’Ardèche, parce que nous sommes des passionnés. Nous sommes les piliers de la République ».

Le ministre Olivier Dussopt s’est montré rassurant
Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, lors du congrès des maires.

Le ministre Olivier Dussopt s’est montré rassurant

INTERVENTION / Invité surprise au congrès des maires, le ministre Olivier Dussopt a délivré un discours solennel sur l'engagement de l'État en faveur des communes et a répondu aux questions sur les dotations financières ou la désertification médicale.

Après avoir fait le tour des stands du salon des maires, qui regroupait une centaine d’entreprises du territoire, Olivier Dussopt a rejoint l’assemblée générale de l’association des maires et des présidents de communautés de l’Ardèche. Chiffres à l’appui, le ministre des Comptes publics s’est montré rassurant face aux doléances des élus lors d’un discours empreint de solennité. « La dotation globale de l’État aux collectivités locales ne baissera pas, a-t-il assuré. Pour compenser la perte progressive des recettes liées à la taxe d’habitation, l’État a transféré aux communes la recette de la taxe foncière et a cédé une partie de la TVA collectée sur l’activité économique. Ces taxes dynamiques doivent, j’espère, vous permettre de tenir les engagements pour lesquels vous avez été élus. »

L’ancien maire d’Annonay s’est ensuite prêté à un jeu de questions-réponses avec la salle. Interrogé par le maire de Saint-Étienne-de-Serre, Jérôme Coste, sur la perte de recettes des communes au détriment des collectivités territoriales, dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique, Olivier Dussopt a répondu que l’État ne prévoit pas de verser exclusivement ses dotations aux intercommunalités à l’avenir. Bernard Justet, maire de Marols-les-Eaux, a questionné le ministre sur l'épineuse question de la désertification médicale et de l’intérêt du Ségur de la santé : « L’ouverture du numerus clausus n’aura pas d’effets avant des années. Sachant que l’Ardèche n’est pas une zone d’intérêt prioritaire qui permet d’inciter les médecins à s’installer, comment faire ? ». « Le Ségur de la santé est un effort financier important, avec 12 milliards d’euros de revalorisation salariale pour les soignants, qui sont mérités », a répondu le ministre, qui a évoqué la volonté du gouvernement de limiter le recours à l’intérim médical, sans s'étendre sur la désertification médicale. Olivier Dussopt a également souligné la volonté de l’État à rattraper le retard sur les zones de téléphonie mobile avec l’installation de 13 pylônes relais sur le département.

Au Teil, un congrès deux ans après le séisme

Sous sa casquette de maire du Teil, Olivier Pévérelli, a profité de l’événement pour remercier les collectivités et l’Etat pour leur soutien financier aux communes frappées par le séisme du 11 novembre 2019. « Au Teil, une habitation sur deux a déclaré un sinistre et la totalité des bâtiments publics ont été impactés », a-t-il rappelé. Deux ans après la catastrophe, 800 logements sont encore inhabitables. Le coût de reconstruction est évalué à plus de 250 millions d’euros, bâtiments public et privés confondus. « Pour y arriver, nous aurons besoin de l’aide de l’Etat et de la Région, a poursuivi l’édile. C’est collectivement et avec beaucoup de dignité que nous reconstruirons Le Teil de demain. » Lors de son intervention, le président du Département Olivier Amrane a eu « une pensée particulière et émue pour tous les habitants du Teil ». Olivier Dussopt a également eu un mot pour les sinistrés : « La ville du Teil est un symbole de reconstruction et de résilience des communes qui vivent des catastrophes ».

« Au Département, la priorité est donnée aux communes »
Olivier Amrane, président du Département de l'Ardèche.

« Au Département, la priorité est donnée aux communes »

Olivier Amrane, président du Département de l’Ardèche :

« C’est un plaisir de participer pour la première fois au congrès des maires de l’Ardèche en qualité de président du conseil départemental. Félicitations à toutes et tous pour vos élections respectives et merci pour l’engagement qui est le vôtre, notamment dans la lutte contre la crise sanitaire. Aux yeux de l’exécutif départemental, vous êtes les piliers de ce territoire. Le Département souhaite donner la priorité aux communes pour que vous puissiez faire vivre vos projets. Sans vous, nous n’arriverions pas à avoir cette dynamique et cette attractivité en Ardèche. Je pense par exemple au projet d’école de Cheminas et Sécheras ou à la maison de santé de Saint-Laurent-du-Pape. Tous ces projets, nous les devons à nos élus locaux. Je formule le vœu que ces derniers conservent un maximum de compétences et d’autonomie sur ce territoire. »

La Chambre d’agriculture et les communes forestières engagées en faveur de la forêt et du bois local
Alain Féougier, président de l'association des communes forestières de l'Ardèche, et Benoit Claret, président de la Chambre d'agriculture de l'Ardèche.

La Chambre d’agriculture et les communes forestières engagées en faveur de la forêt et du bois local

La Chambre d’agriculture de l’Ardèche et l’association des communes forestières de l’Ardèche, qui tenaient toutes deux un stand au salon des maires, ont profité de l’événement pour renouveler leur convention commune, jeudi 28 octobre. Les deux structures travaillent main dans la main depuis 2017 sur diverses actions liées à la ressource bois : formation des élus et des agriculteurs, création de desserte forestière, construction en bois, agroforesterie. « C’est un vrai plaisir de renouveler cette convention et un engagement fort en faveur de cette ressource essentielle qu’est le bois pour notre territoire », s’est félicité Benoit Claret, président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. « Cette collaboration avec le monde agricole ardéchois autour du bois est la bienvenue, s’est réjouit de son côté Alain Féougier, président de l’association des communes forestières de l’Ardèche. Aujourd’hui, il y a de nouvelles pistes qui s’ouvrent avec la valorisation des châtaigneraies, l’utilisation du bois comme énergie renouvelable ou le travail à mener autour du foncier forestier. »