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Le maraîchage diversifié, entre difficultés et réussites

Marin du Couëdic
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Porté par une demande importante des consommateurs, le maraîchage peut s’avérer une solution de diversification intéressante. Benoit Nodin, viticulteur et arboriculteur à Saint-Péray, s’y essaye depuis une dizaine d’années en vente directe. Retour d’expérience.

Le maraîchage diversifié, entre difficultés et réussites
Le maraîcher diversifié Benoit Nodin auprès de ses plants de tomates.

Installé à Saint-Péray depuis 2001, Benoit Nodin est viticulteur, arboriculteur et maraîcher. « J’ai toujours fait un petit peu de maraîchage à la suite de mes parents mais je m’y suis réellement mis au début des années 2010, avec la création d’un bâtiment d’exploitation dédié à la vente directe », explique l’agriculteur.

Après avoir mis en place un atelier tomates et un atelier fraises, il diversifie ses cultures légumières pour alimenter le point de vente, au bord de la D86. Salade, courgette, aubergine, asperge ou pois gourmand… 5 000 m² sont aujourd’hui dévolus au maraîchage sur l’exploitation agricole, sous des serres installées entre Saint-Péray et Soyons. « L’idée, c’est d’avoir un panier complet de légumes de saison, avec au minimum deux ou trois produits toujours disponibles. Un légume en chasse un autre du printemps à l'été. »

Acquérir une certaine maîtrise technique

« La diversification ne permet pas d’être spécialiste. Il faut donc des cultures relativement simples », prévient celui qui emploie trois salariés à l’année. « Je considère que c’est une réussite quand notre maîtrise technique est suffisante pour obtenir un produit de qualité sans perdre trop de temps, car il y a plusieurs ateliers à gérer. L’ébourgeonnage des vignes, l’éclaircissage des fruits et la récolte des fraises peuvent par exemple arriver au même moment et il faut gérer la vente dans le même ! »

Si son activité est aujourd’hui tirée par la viticulture, grâce aux AOC Saint-Péray et Cornas, Benoit Nodin compte sur le maraîchage pour étoffer l’offre du point de vente et être plus attractif en complément des fruits d’été. « Le maraîchage permet de maintenir une activité, mais ne permet pas de compenser les charges engagées sur les autres productions, notamment arboriculture où nous sortons de trois années très difficiles », détaille t-il.

Expérimentations

Si l’optimisation est le maître-mot, celui qui se définit comme « producteur dans l’âme » ne s’interdit pas d’expérimenter. « J’essaye plusieurs choses pour continuer à diversifier mon offre, avec plus ou moins de réussite », sourit-il.

Parmi les échecs, il y a la culture des courges et autres cucurbitacées. Vite essayée, vite abandonnée. « Il y avait un décalage trop important entre la production et la vente qui est basée sur les fruits d'été. Nos clients nous connaissent pour nos produits extra frais. » L’année dernière, Benoit Nodin s’est aussi essayé sans succès au melon. Un produit lourd, à valeur ajoutée intéressante, mais dont la culture est très spécifique. « C’est un produit de spécialiste, qui ne s’adapte pas bien sur notre terroir. J’ai essayé sur deux types de sols et le produit n’était pas bon gustativement. »

Côté réussites, l’agriculteur retient d’abord la tomate (lire par ailleurs) mais aussi les légumes verts. La courgette est un bon exemple. « C’est un légume facile à produire qu’il ne faut pas implanter trop tôt car il a besoin de chaleur. L’idéal est d’échelonner les pics de production pour ne pas avoir un surplus trop important », explique Benoit Nodin, qui réalise trois plantations de courgettes (70 plants), espacées d’environ trois semaines chaque année.

L’aubergine et le pois gourmand sont aussi des satisfactions. « Sur ces différentes cultures, nous avons ramené des compétences techniques sur l’entreprise. Au fil des années, nous avons appris à gérer au mieux la qualité, la quantité et les problématiques sanitaires, comme l’oïdium. »

Intrants limités et couvert végétal

Si sa production n’est pas en agriculture biologique, Benoit Nodin traite le moins possible et privilégie la lutte intégrée. « Suivant les années, il m’arrive de ne pas traiter les tomates et les fraises. C'est envisageable car la production est sous abris et n'est pas trop stimulée. » Sur ces deux productions, les plus importantes (6 tonnes de fraises, 5 tonnes de tomates par an), il travaille sur toile hors-sol et gère l’apport en eau en irrigation localisée (goutte à goutte).

Depuis trois ans, Benoit Nodin arrache ses plantations fin septembre pour réaliser un semi d’engrais verts, composé notamment de vesce et de moutarde. « Un sol nu va perdre du bilan carbone. Je fais ce couvert végétal le plus tôt possible pour qu’il profite des beaux jours et qu’il y ait un maximum de matières organiques. » Un procédé qui est de plus en plus pratiqué en vigne et que l'agriculteur essaye de transférer sur ses cultures. 

Aujourd’hui, Benoit Nodin n’a pas fini de tester les possibilités de maraîchage. Il essaye pour la première année les pois à écosser et a prévu de se lancer, en 2022, dans la culture de carottes en plein champ !

ZOOM / La tomate, produit phare mais capricieux

C’est le légume préféré des Français et le tout premier que Benoit Nodin a cultivé sur la ferme. « Ma mère en faisait déjà avant que je ne reprenne l’exploitation. J’ai 20 ans de retours d’expérience sur la tomate. » Le maraîcher basé à Saint-Péray en produit environ 5 tonnes par an. « C’est un produit d’appel, très apprécié des consommateurs. On ne peut pas ne pas en avoir ! »

Pour autant, la tomate peut être fragile. Confronté à un stress hydrique et une sensibilité variétale, Benoit Nodin est récemment passé aux plants greffés, dont il a sélectionné quelques variétés : Cœur de bœuf, Noire de Crimée, grappe (générique), tomate ronde et quelques variétés anciennes… « Le résultat est intéressant. Ces tomates s’adaptent mieux à mon sol un peu lourd et asphyxiant. »

Sur le plan technique, le suivi est assez simple. « Nous procédons à un ébourgeonnage léger, pour trouver un équilibre entre le volume de production et le volume foliaire », indique t-il. La gestion de l’eau est gérée en goutte à goutte sur la toile hors sol, avec un peu d’arrosage. « Quand il y a une pression d’acarien, nous procédons à une aspersion courte pour ne pas laisser trop d’humidité. » Au pic de la production, il ajoute également un fertilisant en irrigation.

Sur le plan sanitaire, l’agriculteur privilégie la lutte intégrée aux insecticides. Il régule les invasions d’aleurode et de mineuse de la tomate (Tuta absoluta) grâce au Macrolophus.

EN CHIFFRES / Le maraîchage en Ardèche

  • 471 exploitations agricoles avec un atelier maraîchage (légumes frais, plants de légumes, melons ou fraises)
  • 59 exploitations agricoles exclusivement maraîchères (légumes ou champignons)
  • 497 hectares de surfaces cultivés en maraîchage
  • 34 % des surfaces maraîchères cultivées en agriculture biologique
  • 418 hectares de surfaces maraîchères irriguées
Source : Agreste – recensement agricole 2020
« Une filière en plein essor »
Rémy Fabre.
TROIS QUESTIONS À

« Une filière en plein essor »

Rémy Fabre, producteur aux Vans et élu à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche en charge du maraîchage.

Comment se porte la filière maraîchage en Ardèche ?

Rémy Fabre : « Le maraîchage est une filière qui a beaucoup perdu en production ces 30 dernières années mais qui redémarre bien aujourd’hui. C’est une filière en plein essor, avec une demande importante des consommateurs et un certain nombre de porteurs de projets qui souhaitent s’installer. En Ardèche, on ne produit que qu’une petite partie des légumes que l’on consomme. Il y a encore de la place pour des installations un peu partout sur le département. »

Est-ce une solution pour diversifier son activité agricole ?

R.F. : « Il y a deux modèles dans les cultures légumières. Le premier, c’est le maraîchage très diversifié avec de nombreuses productions différentes, qui suppose une maîtrise technique importante. Le second, ce sont les agriculteurs qui cultivent un ou deux légumes en parallèle de leur atelier principal. C’est un modèle que l’on a besoin de développer pour fournir la restauration collective, les supérettes et supermarchés, qui sont demandeurs de produits locaux. Ces deux modèles maraîchers sont à mon avis porteurs dans les années à venir, à partir du moment où il y a des compétences techniques. »

Quelle est la part de bio dans ce paysage maraîcher ?

R.F. : « Il y a une grosse part de bio, qui représente près de 50 % des maraîchers en Ardèche. On est souvent sur des petites structures et être en bio permet de se différencier en vente directe. Tout cela est intéressant pour le département en termes d’image et de valorisation. Je précise que l’on aurait aussi besoin d’avoir des porteurs de projet qui sont sur des volumes plus importants, en bio et en conventionnel, pour alimenter la restauration collective ou les circuits demi-long notamment. »

Propos recueillis par M.D.C.
ACCOMPAGNEMENT / Pour aller plus loin

ACCOMPAGNEMENT / Pour aller plus loin

La Chambre d'agriculture de l'Ardèche accompagne le développement du maraîchage dans les exploitations agricoles du département, en bio ou en conventionnel. Elle accompagne les maraîchers à travers des formations sur des thématiques diverses : gestion de l’irrigation, enherbement, protection contre les maladies et les ravageurs, recherche de débouchés…

Les maraîchers peuvent également faire appel à un appui technique, en bio notamment grâce à une aide de la Région à hauteur de 80% des frais. Il existe aussi un groupe Whatsapp départemental très actif, modéré par un conseiller Chambre, et une note de préconisations en légumes bio envoyée par mail en saison sur simple demande.

Contact : Renaud Pradon, responsable des productions végétales et coordinateur régional agriculture biologique. Tél. 04 75 20 28 00 / 06 85 08 03 57. Courriel : [email protected]