TECHNOLOGIES
Un drone pour estimer les dégâts de gibier

Margaux Legras-Maillet
-

Développée par la société Exo Expert, une application permet d’estimer avec précision les dégâts de gibier sur les parcelles agricoles. La FDSEA de l’Ain a acquis un drone pour l’utiliser en parallèle de l’expertise de la fédération départementale de chasse.

Un drone pour estimer les dégâts de gibier
Détail important : savoir identifier et ne pas confondre les dégâts de gibier que l’on repère en règle générale aux maïs couchés et épis grignotés. ©DR

C’est à la suite d’une battue et d’un passage de sangliers que Corentin Feniet, agriculteur en polyculture élevage à Domsure (Ain), s’est tourné vers les nouvelles technologies pour l’expertise de ses dégâts de gibier. Une façon pour lui de réunir des éléments complémentaires à l’estimation réalisée par les experts mandatés de la fédération de chasse (FDC) en cas de demande d’indemnisation par l’exploitant agricole1. Pour Alan Usseglio, président et fondateur d’Exo Expert, la société qui a développé l’application permettant de cartographier et chiffrer les dégâts, il n’est pas question de léser l’expertise de la FDC mais de faire d’une pierre deux coups. « C’est une solution pour les agriculteurs d’avoir une preuve tangible de ce qui a été expertisé, et un gain de temps pour les sociétés de chasse », explique-t-il.

Un dispositif gagnant-gagnant

Un sentiment partagé par la FDSEA de l’Ain qui propose désormais sa propre prestation d’expertise. « L’idée, c’est de faciliter le dialogue entre les agriculteurs et la fédération de chasse et d’avoir une expertise un peu plus fine », précise Pascal Blanc, président de la commission chasse. « Il faut reconnaître que parfois, le dialogue est compliqué avec certains experts. » Lui-même a sollicité le concours d’un drone en mars dernier sur une parcelle en prairie : « Sur une parcelle de 3,60 ha, les experts ont trouvé 35 ares (sinistrés par des passages de gibiers, ndlr), alors qu’avec le drone, on arrive à 85 ares ». Mais pour l’exploitant agricole, l’utilisation de ce drone n’a pas lieu d’opposer agriculteurs et FDC, bien au contraire. « C’est un gain de temps pour les experts, ils n’auront plus qu’à regarder la carte (fournie par l’agriculteur, ndlr) et rien ne les empêche d’aller regarder sur place ensuite. Et ce n’est pas prouvé que la FDC payera plus. Je pense que c’est un système gagnant-gagnant, plus juste et équitable. La FDC ne payera pas plus mais mieux. » Un argument de poids à l’heure où la Fédération nationale de chasse (FNC) vient de saisir le Conseil d’État, estimant que le système d’indemnisation des dégâts sur culture « n’est plus viable pour les chasseurs et leurs fédérations » et que face à l’explosion des populations de sangliers, « les chasseurs et leurs fédérations ne peuvent plus assumer seuls la charge des dégâts aux cultures agricoles qui s’élève à 77 millions d'euros ». Le syndicat agricole vient de former ses trois animatrices au pilotage de l’appareil et à l’utilisation de l’application, mais elles devront d’abord valider leur examen théorique avant d’être opérationnelles début 2022. En attendant, le syndicat agricole fait appel à Exo Expert pour l’expertise des dégâts. L’objectif : apaiser le moment de l’estimation en apportant des éléments iconographiques complémentaires à l’exploitant, libre ensuite à ce dernier de fournir ou non les documents à l’expert de la société de chasse qui tranchera sur une estimation.

Des preuves indiscutables

Conduire un drone n’est pas chose aisée. En conditions normales, l’engin est capable de voler à 120 m de haut et d’aller à une vitesse de 1 ha/min, un temps record. Lorsque le temps se gâte et que le brouillard et le vent (au-delà de 35 km/h) sont au rendez-vous, un drone de moins de deux kilos ne dépasse toutefois pas les 80 m de haut, ce qui le ralentit à une vitesse de 2 ha/min, et peut même empêcher le vol. En dépit de ces quelques contraintes auxquelles l’œil humain n’est pas complètement exempt, le drone présente plusieurs avantages. En premier lieu, celui de fournir des données indiscutables, preuves à l’appui. En effet, après avoir réalisé le plan de vol de l’appareil, celui-ci survole et photographie en automatique l’ensemble de la parcelle. Ne reste plus qu’à récupérer les images sur la carte SD et à les introduire dans l’application Exo Expert qui réalise une cartographie de la parcelle à partir des clichés pris. La carte est ensuite envoyée à l’agriculteur avec les zones touchées entourées et un pourcentage de dégâts de gibier précisé. Autre avantage du drone, il fonctionne sans satellite, donc sans connexion Internet, excepté pour l’envoi par mail de la cartographie à l’exploitant agricole. Mieux, il est prévu pour passer sous les nuages, ce qu’un satellite ne peut pas faire. Des atouts que la FDSEA compte bien mettre au profit des agriculteurs, en particulier en période de semis, mais aussi pour les cultures de maïs, blé tendre et prairies.

Margaux Legras-Maillet

1. Les dégâts de gibiers (sangliers, cerfs élaphes et sikas, chevreuils, daims, chamois, mouflons et isard) sur cultures peuvent faire l’objet d’une demande d’indemnisation par l’exploitant agricole auprès de la fédération départementale de chasse en vertu du Code de l’environnement.

EXO EXPERT / Un drone à tout faire
Cartographie d’une parcelle pour la biomasse de colza. ©ExoExpert

EXO EXPERT / Un drone à tout faire

Outre la reconnaissance et l’estimation des dégâts de gibier, l’application Exo Expert permet d’autres expertises agricoles : calcul de biomasse pour le colza, préconisation puis rapport pour fertilisation des sols, comptage des tournesols, modulation de la fertilisation, comptage des plantules, épis, brins, identification des chardons entre deux cultures, identification du taux de salissement, mesures de surface, détection des adventices, calcul pour largage de phéromones… À chaque fois, le même procédé : le drone survole la parcelle, prend plusieurs photos puis réalise une cartographie ensuite envoyée à l’agriculteur. Toutefois pour l’heure, le FDSEA ne cible que la reconnaissance des dégâts de gibier.