CÉRÉALES
Moissons : des rendements à la baisse pour la campagne 2020

M.B., A.P., I.P., P.G.
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CÉRÉALES / Avec 31,3 Mt, la récolte de céréales risque d’être l’une des moins abondantes depuis l’an 2000. Comme partout en France, en région la moisson 2020 donne des rendements en baisse, avec de gros écarts entre les secteurs. Tour de plaine des départements auvergno-rhônalpins.

Moissons : des rendements à la baisse pour la campagne 2020
La campagne céréalière 2020 est très décevante avec des rendements très hétérogènes et en baisse un peu partout. © SC
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En Drôme et Ardèche, les taux protéiques et les poids spécifiques des blés tendres et durs sont au rendez-vous. ®ncornec

Des rendements très hétérogènes, avec de gros écarts entre les secteurs : comme partout en France, la campagne 2020 restera dans les annales iséroises comme une année « particulière ». Une fois de plus. « Chaque année on dit ça, soupire Philippe Lefebvre, directeur des filières et du développement durable du groupe Oxyane1. En fonction des variétés, des dates de semis et des conditions pédoclimatiques, il y a des endroits où ça décroche. Mais c’est très ponctuel. »

Groupe Dauphinoise : - 15 à -25 % en blé

Globalement, pour les blés, la qualité est « plutôt bonne », mais les rendements ont baissé de 15 à 25 %, variant de 40 à 80-90 q/ha, selon les secteurs. « C’est très disparate, mais on est en dessous de nos estimations », constate Philippe Lefebvre. En cause : des semis d’automne compliqués par de mauvaises conditions météorologiques, donc parfois décalés au mois de janvier, un hiver sec, un début de printemps très chaud et du froid à la sortie du confinement. « Les variations climatiques sur certaines conditions pédoclimatiques ont fait que des variétés ont mieux réagi que d’autres, précise le responsable. Il y a des coins où l’on a fait +10 % en rendement sur des terrains qui ont bien résisté au sec, mais on a une dilution de la protéine. »

Pour le colza, dans l’ensemble, c’est moyen. Les rendements sont en baisse significative (-15 à -20 %), du fait de la diminution des surfaces et de conditions de semis difficiles. Quant à l’orge, à de rares exceptions près, « c’est la cata partout » : les rendements ont chuté de -30 à -40 %. La seule perspective encourageante vient des maïs : les floraisons se sont bien passées et ils sont plutôt jolis. Pour l’instant.

Sud Drôme : des semis précoces à la hauteur

Dans le sud de la Drôme, les semis précoces de blé dur et tendre, qui s’étendent sur la plaine de la Valdaine et de Montélimar, ont donné des rendements très légèrement supérieurs à la moyenne, avoisinant les 60 q/ha. Les semis tardifs ont obtenu des rendements inférieurs au potentiel et se situent en dessous de la moyenne : 45 au lieu de 50-55 q/ha.

« Malgré un bon tallage, nous avons eu un nombre d’épis faible au m2 », justifie Nicolas Régnier, technicien grandes cultures Sud-Drôme chez Natura’Pro. « Vu les conditions, on s’attendait à des résultats plus critiques. Heureusement, les pluies du mois de mai nous ont sauvés », relativise Prune Farque, responsable du service agronomique grandes cultures de Valsoleil. Ces pluies n’ont pas pour autant permis de sauver les rendements en orge, impactés par un mois de mars et d’avril très secs au moment de la montaison. Les rendements ont été décevants : 25 à 45 q/ha en sec et 60 à 75 q/ha en irrigué. La pression sanitaire a pourtant été faible. « Un peu d’helminthosporiose et de rhynchosporiose maîtrisées en orge, peu de rouille jaune, rouille brune et septoriose sur variétés sensibles en blé, traitées précocement », ajoute-t-elle.

La qualité est au rendez-vous en Ardèche

Les rendements en orge sont aussi très moyens et hétérogènes, « 15 à 40 q/ha, variables selon la profondeur du sol », indique Frédéric Peyrard, technicien grandes cultures Nord Ardèche à Natura’Pro. « De mi-mars à fin avril, ça a été catastrophique : peu de pluie et beaucoup de chaleur ! » En blé, c’est plus ou moins le même cas de figure, entre 20 et 40 q/ha ; entre 30 et 60 q/ha pour les triticales. Dans les deux départements, la qualité est au rendez-vous. « Les taux protéiques des blés tendres se situent au-dessus de 11,5-12. En blé dur, ils sont au-dessus de 13,5-14 », précise Prune Farque. « Nous avons des poids spécifiques très hauts. Autour de 70 kg/hl pour les blés, 75-80 kg/hl pour les triticales et 60 kg/hl pour les orges. Mais cette qualité ne rattrapera pas la baisse de rendements qui engendre aussi un cruel manque de paille dans le Nord Ardèche », regrette Frédéric Peyrard.

Quitte ou double dans le Jura !

En Franche-Comté, en blé, la tendance tourne plutôt autour des 80 quintaux. Les pucerons ont pu faire perdre 10 à 15 q/ha sur des parcelles pourtant traitées une fois. « À certains endroits, c’est du simple ou double, on entend parler de parcelles à plus de 100 q/ha et d’autres à 50 q/ha », note Patrick Chopard de la Chambre d’agriculture du Jura. En orge aussi, les résultats sont hétérogènes. De 80 q/ha, sur les bonnes parcelles, on peut tomber à 30 q/ha, voire rien du tout dans le pire des cas, sur quelques parcelles broyées à cause de la jaunisse nanisante de l’orge (JNO). En colza, même scénario : les pucerons sont aussi la bête noire. Des rendements de 40 q/ha, voire frôlant les 50 q/ha, peuvent tomber à 25 q/ha.

Et quelques parcelles broyées à cause de plusieurs facteurs : manque d’eau à l’automne en terre caillouteuse, gel au printemps, et toujours ce problème de pucerons.

Ain et Rhône : le puceron prolifère

Même constat du côté de la coopérative Terres d’Alliance. « La qualité est là mais les rendements sont en baisse de 20 % par rapport à une année normale. L’automne pluvieux nous a empêché de rentrer dans les champs et les pucerons ont pu proliférer », regrette le directeur du pôle végétal, Jérôme Laborde. Au terme de cette campagne, la collecte s’élève à 300 000 tonnes dont 200 000 tonnes pour le blé et 45 000 tonnes pour l’orge. Le colza s’en tire honorablement avec une moyenne de 31 q/ha. Dans le secteur de la Loire, la récolte d’orge plonge en moyenne de 40 % par rapport à l’an dernier pour s’établir à environ 50 q/ha. Le colza est lui aussi très en recul avec une moyenne de 20 quintaux. « La qualité est bonne mais au niveau des volumes, la satisfaction vient plutôt du blé avec des rendements moyens de 60 q/ha et des pics à plus de 90 q/ha sur certaines terres », explique Laurent Bodet, responsable céréales du groupe Eurea.

Saône-et-Loire : une baisse générale de 15 %

« Le colza a été touché par les attaques d’altises, l’orge par les pucerons et le blé par la jaunisse. Le rendement est en baisse de 15 % par rapport à 2019 », se désole Pierre Gay de la Minoterie Gay. Difficile d’évaluer le rendement de l’orge mais pour le colza, la moyenne s’établit à 32 q/ha avec une amplitude de 18 à 55 q/ha. Pour le blé, la qualité est au rendez-vous et le rendement moyen s’établit à 66 q/ha.

M.B., A.P., I.P., P.G.

1. Né de la fusion entre la coopérative Dauphinoise et Terre d’Alliances, le groupe couvre une dizaine de départements et collecte environ 1 million de tonnes de céréales.

BILAN / L’Auvergne n’échappe pas à la règle avec un recul des rendements qui peut atteindre 40 % dans les zones les plus touchées.

Des résultats décevants aussi côté auvergnat

Dans l’Allier, comme dans le Puy-de-Dôme, certaines parcelles ont complètement décroché passant en dessous de 15 q/ha alors que d’autres dépassent les 80 q/ha. Difficile toutefois d’incriminer un seul responsable tant les facteurs à l’oeuvre ont été nombreux cette année. Les agriculteurs ont d’abord été pénalisés par des conditions d’implantation automnales relativement humides. Au printemps, sur les mois de mars et d’avril, les céréales ont globalement souffert d’un déficit hydrique important. « L’arrêt brutal et durable de la pluie à partir de la mi-mars a été très préjudiciable à la montée à épis et à l’alimentation azotée des plantes. En sols superficiels, un déficit hydrique marqué s’installe à partir de deux noeuds ; il persistera jusqu’à la récolte », expliquent les équipes d’Arvalis. Seules les zones ayant bénéficié d’épisodes de pluie importante ont maintenu un rendement correct. C’est le cas notamment en Haute-Loire, en zone de montagne, où les rendements en blé atteignent par endroits 70 q/ha. Dans le reste du département, en zone de plaine, c’est la douche froide, avec des rendements catastrophiques. Dans le Cantal, là aussi les rendements sont très hétérogènes. Outre le manque de pluie, les quatre jours consécutifs de gel de début du mois d’avril ont été particulièrement préjudiciables en particulier dans l’Allier. Enfin, les attaques de pucerons et de viroses induites ont impacté les rendements de 20 à 40 %. La qualité des blés récoltée reste le seul lot de consolation de cette campagne 2020.

Sophie Chatenet

RÉCOLTES /

Les tendances en France

À l’échelle nationale, en blé tendre, une grande diversité des rendements est observée chez Vivescia, toutes espèces confondues, parfois sur un même territoire. Le rendement est au final supérieur de quelques pourcents à la moyenne quinquennale : 85 q/ha en Champagne crayeuse, entre 70 et 75 q/ ha vers la périphérie.

Le PS (poids spécifique) dépasse 80 kg/hl. Le taux de protéines ressort à 11 %, pouvant descendre à des valeurs faibles autour de 10,5 % en Champagne. Pour le blé dur, La Cavac, entre Vendée, Deux-Sèvres et départements limitrophes, donne 50 q/ha contre 70 q/ha en moyenne historique. Par rapport aux blés durs semés l’automne, ceux de janvier et février s’en sortent mieux, à 65 q/ha. La qualité est jugée très bonne : un taux de protéines supérieur à 14,5 %, un taux de mitadin inférieur à 10 %.

L’orge d’hiver penche vers un excès de protéines

« Le pic de chaleur fin juin s’est traduit par un emballement des chantiers en orge d’hiver », relate le directeur Métiers du grain Stéphan Beau chez Terrena qui a connu un début de récolte plus tôt que la normale. « Ce n’est jamais bon signe, la précocité », d’après lui.

Effectivement, le rendement atteint 52 q/ha, en diminution de 26 % comparé à 2019. Déception aussi côté PS, à 64,5 kg/hl. Côté orge d’hiver brassicole, les faibles rendements riment parfois avec des protéines en excès. EMC2 enregistre moins de 55 q/ha, contre une moyenne historique de 65 q/ha. Le taux de protéines se situe généralement entre 11,5 et 12 %. « C’est plus que la limite de 11,5 % fixée par les brasseurs, mais des variétés, des secteurs sont au-dessus, d’autres pas », indique David Meder. L’orge de printemps, lui, réserve de belles surprises : « Entre 60 et 80 quintaux », témoigne François Berson pour un taux de protéines autour de 10,5 %, un calibrage de 82 à 83 % en moyenne.

Le colza enchaîne les mauvaises récoltes

« Une année catastrophique… de plus », se désole Dijon Céréales à propos du colza. Son rendement tombe à 22 q/ha, soit un tiers de moins que l’an dernier, la faute à de mauvaises conditions d’implantation, un coup de froid en mars et surtout la présence de grosses altises. Vivescia constate des écarts inédits, de 5 q/ha à 45 q ha pour un score global d’environ 30 q/ha, inférieur de 15 % à la moyenne sur cinq ans. « Certaines parcelles ont connu une pression parasitaire du début à la fin, enchaînant altises, charançons, pucerons », retrace Jean-Olivier Lhuissier.

Le colza déçoit mais pas autant que les autres cultures. Soufflet relève 31 à 32 q/ha pour l’oléagineux, qui est le seul à dépasser les prévisions.

Agrapresse