RÉGION
« Notre objectif est qu’Auvergne Rhônes-Alpes soit la première région à bénéficier du plan de relance agricole »

Propos recueillis par Sébastien Duperay
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INTERVIEW / Interrogé le 21 décembre, Laurent Wauquiez a confirmé la reconduction pour 2021 du dispositif biosécurité pour les élevages porcins et annoncé le lancement en début d’année de la marque « Ma Région, ses terroirs ». L’accompagnement de la Région pour faire face à la crise sanitaire dépasse le milliard d’euros.

« Notre objectif est qu’Auvergne Rhônes-Alpes soit la première région à bénéficier du plan de relance agricole »
Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. ©C. Pietri

Le financement n’affectera aucun domaine d’intervention, a confirmé le président d’Auvergne Rhône-Alpes, qui ne baissera pas le budget agricole pour 2021. Laurent Wauquiez ambitionne de capter 100 millions d’euros du plan de relance agricole pour la région.

Vous avez déclaré être prêt à surveiller les loups de la région Auvergne Rhône-Alpes avec des drones. Quelle technique envisagez-vous de déployer ?

L.W. : « Avant toute chose, il faut que la législation sur le loup bouge. La convention de Berne n’est plus adaptée : nous ne sommes pas face à une espèce en voie de disparition mais en voie de multiplication rapide. Le système des tirs de prélèvement ne fonctionne pas. Et le comptage des populations à l’échelle du pays, et non par massifs, nous désavantage énormément, car il y a une très forte concentration des loups sur la partie alpine, le Massif central, l’Ardèche, la Lozère, etc. La priorité est d’abord de mettre en place des mesures qui permettent de juguler de manière beaucoup plus importante la multiplication du loup. Tout le reste, ce sont des pansements sur des jambes de bois ! Il faut faire changer la loi et que le gouvernement tienne parole ! On a bien vu que lorsque nous mettions plus d’argent sur les lieutenants de louveterie pour augmenter les tirs de prélèvement, on nous a fait savoir que nous n’avions pas le droit… Malgré tout, tout ce qui permet de protéger les éleveurs, je le fais : le financement d’équipements pour les lieutenants de louveterie, le soutien juridique aux éleveurs lorsqu’ils sont mis en cause avec leurs chiens de protection, les mesures de surveillance des troupeaux, comme les logements mobiles, des clôtures plus efficaces, des colliers connectés… »

Le drone sera-t-il donc un dispositif supplémentaire ?

L.W. : « La surveillance par drone consiste à équiper des animaux dans le troupeau avec des colliers balises ; si l’on constate tout à coup un comportement anormal de l’animal, le drone s’élève et réalise un survol de contrôle. En cas d’attaque, le drone peut projeter un répulsif non létal en direction de l’attaquant. Le but est de faire de l’effarouchement et de créer une crainte pour le prédateur. Cette solution nous a été présentée par une société, elle ne va pas tout résoudre. Mais si elle peut permettre de protéger quelques troupeaux, ça vaut la peine de tenter. Nous allons y consacrer 30 000 € environ. Des tests pourraient être lancés dans le Massif des Bauges, mais pas seulement, c’est ce que nous sommes en train d’étudier. »

La Région a voté le 14 décembre une aide financière à l’acquisition de chiens de troupeaux pour les éleveurs. Quelles en sont les modalités ? 

L.W. : « Nous sommes en train de les caler. Une aide à hauteur de 80 % pourrait concerner l’acquisition de chiens de troupeau, mais également l’hébergement, le dressage… Nous regardons le lien possible avec les dispositifs Feader, qui proposent aussi des aides importantes sur les chiens de protection. Nous espérons une mise en place au premier trimestre. »

L’aide de la Région pour la mise en place de mesures de biosécurité en élevages porcins prend fin au 31 décembre. Au vu de la pression de la peste porcine africaine, la Région prévoit-elle de prolonger le dispositif ?

L.W. : « Notre Région a été la première à mettre en place cette aide. L’idée est partie d’une séance de travail avec la profession lors du Sommet de l’élevage. L’objectif est de faire passer le message aux agriculteurs : profitez de cette aide ! Pour que le dispositif fonctionne, il faut que tout le monde joue le jeu. Si on subit la peste porcine, ce sera une catastrophe. Le dispositif est simple : il permet la mise en place de clôtures de protection, couplée avec un module de formation. J’ai décidé de le prolonger en 2021 pour qu’un maximum d’agriculteurs puissent en bénéficier. »

Depuis plusieurs mois, on entend parler d’une nouvelle marque régionale : « Ma Région, ses terroirs ». Où en êtes-vous concrètement ? Quels seront ses objectifs ?

L.W. : « La marque régionale « La Région du goût » a été lancée en 2017 et a bien fait son chemin. Nous avons réalisé un test et elle est reconnue par les consommateurs, mais aussi par les agriculteurs et les transformateurs. Nous avons aujourd’hui près de 4 000 produits référencés. Nous avons donc franchi le stade du lancement et de l’expérimentation. Notre objectif est d’aller au-delà et de renforcer cette marque, pour aller capter des débouchés et du prix pour les agriculteurs. Nous avons travaillé avec des consommateurs et des associations spécialisées dans l’émergence de marques, et en avons conclu qu’il fallait être plus en lien avec l’idée des terroirs, pour mieux se rapprocher de l’agriculture. La marque régionale va petit à petit se transformer et devenir dès le début d’année 2021, « Ma Région, ses terroirs ». Nous avons augmenté les partenariats avec les distributeurs, qui cherchent de la valeur ajoutée et ces produits peuvent y répondre ; en contrepartie, nous voulons des engagements de volume et de prix pour les agriculteurs. »

Vous aviez annoncé en début d’année vouloir créer une structure autonome, sous une forme intermédiaire publique-privée, pour aider les agriculteurs dans le rapport de force avec la grande distribution. Cette structure va-t-elle exister ?

L.W. : « La démarche « Ma Région, ses terroirs » sera rattachée à l’entité Auvergne Rhône-Alpes Gourmand, qui va piloter la promotion et jouer le rôle d’intermédiation pour la nouvelle marque régionale. »

Le déploiement du volet agricole du Plan de relance s’appuie sur la Draaf, en partenariat avec la Région et le réseau régional des Chambres d’agriculture. Quel va être concrètement le rôle de la Région dans ce dispositif ?

L.W. : « Nous aimerions capter pour notre Région aux alentours de 100 millions d’euros, pour nous en servir sur la protection des cultures et des vergers, sur les dispositifs d’irrigation, sur la modernisation des outils de transformation… Nous avons mis en place un accord avec le préfet de Région et le président de la chambre régionale d’agriculture pour travailler tous en commun pour en récupérer un maximum pour notre territoire. La Région n’hésitera pas à mettre de l’argent pour que cela nous permette de mobiliser aussi, en face des crédits de l’État, le plus de fonds Feader. Notre objectif est qu’Auvergne Rhônes-Alpes soit la première région en termes de bénéfices du plan de relance agricole. Nous avons des prix corrects sur un certain nombre de filières. Je reste néanmoins très préoccupé sur les prix de la viande et sur la situation de l’élevage. Nous devons donc être sur le pont. »

Le Parlement européen vient de donner son feu vert au cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE pour 2021-2027. Le budget de la Pac a été fixé à 336 milliards d’euros en prix constants1. Que pensez-vous de cette enveloppe ? Quelles sont pour vous les priorités régionales de la future Pac ?

L.W. : « Nous avons été très inquiets et nous sommes beaucoup battus, avec l’ensemble de la profession. Globalement, les années de transition 2021 et 2022, c’est bon ! Nous avons le même niveau de Feader que 2020, même si je considère que l’agriculture méritait mieux. La crainte, c’est 2023-2027, avec une menace de baisse de Feader annoncée de 30 %. Sur 2021-2022, nous avons ce qu’il faut pour assurer la DJA, le plan bâtiment, la montée en puissance des dispositifs pour l’irrigation… Nous allons travailler sur la bonne réussite de ces années de transition. Mais attention à ce que l’arbre ne cache pas la forêt ! »

Propos recueillis par Sébastien Duperay 

1. Source : Agrapresse