MACHINISME
Dans les coulisses des transmissions à variation continue des tracteurs

Ludovic Vimond
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Présentes depuis plus de deux décennies sur les tracteurs, les transmissions à variation continue se sont largement démocratisées. Mais comment sont-elles conçues et qui les construit ?

Dans les coulisses des transmissions à variation continue des tracteurs
Fendt figure parmi les pionniers de la CVT. Crédit : Fendt

La transmission à variation continue (ou CVT) est apparue sur les tracteurs il y a une vingtaine d’années chez Fendt (Vario) et ZF. Cette transmission hydromécanique est présentée comme une alternative aux boîtes mécaniques (à passage manuel des vitesses, semi-powershift ou full-powershift), aux transmissions à variateur à courroie, peu adaptées aux demandes de couple des tracteurs agricoles, et aux versions hydrostatiques. Confortables et offrant une continuité dans l’accélération à régime moteur constant, ces dernières n’offrent pas un bon rendement, ce qui pénalise performances et consommation. Les transmissions mécaniques se caractérisent par un changement de régime moteur lors des passages de vitesses.

Le train épicycloïdal, pièce maîtresse de la CVT

Les transmissions à variation continue combinent un module mécanique et un module hydrostatique, offrant un bon compromis entre les deux univers. Pour bénéficier d’un bon rendement et de la continuité dans l’avancement, ces transmissions s’appuient sur la pièce maîtresse qu’est le train épicycloïdal. Ce dernier est composé de trois parties : le planétaire, le porte-satellites et la couronne. L’un de ces trois éléments est entraîné directement par le moteur, un second par une pompe et un moteur hydraulique à cylindrée variable et le troisième élément est lié à l’arbre sommateur qui actionne le pont moteur : le sens et la vitesse de rotation de ce troisième élément ne sont que la résultante du sens et du régime de rotation des deux autres. Pour résumer, il s’agit d’une transmission mécanique freiné ou boosté par un ensemble hydrostatique. Ainsi, les tracteurs dotés de CVT proposent tous un arrêt actif : en effet, la vitesse nulle est obtenue par un module hydrostatique qui « annule » la rotation de la partie mécanique en sortie de moteur.

Une construction plus ou moins complexe

Partant de ce principe de base, on observe selon les marques et les modèles des différences de conception, par exemple en multipliant le nombre de trains épicycloïdaux et/ou en utilisant un double embrayage. La gestion combinée de la transmission à variation continue et du moteur ouvre un champ des possibles difficilement atteignable avec une boîte mécanique. En jouant sur le ratio de transmission, la régulation permet de maintenir une vitesse (jusqu’à 4 vitesses programmables selon les marques et modèles) tout en optimisant le régime moteur et donc la consommation. La grande majorité de ces transmissions autorisent une conduite à la pédale, au joystick ou manuelle : dans ce dernier cas, le régime moteur est piloté à la pédale et le ratio de transmission au joystick. Pour les travaux à la prise de force, il est possible de paramétrer un pourcentage de chute de régime au-delà duquel on autorise un changement de ratio de transmission pour conserver le régime moteur souhaité. Ajoutons que les CVT permettent de régler la sensibilité et la réactivité de la transmission, pour des accélérations plus ou moins rapide ou précise.

Ludovic Vimond

Tableau

Agco Fendt – Un pionnier des CVT

Schéma de la transmission VarioDrive. Crédit : Fendt

Connue sous le nom de Vario, la transmission développée par Fendt il y a vingt-deux ans utilise un seul train épicycloïdal : plus la vitesse est élevée en marche avant, moins l’hydrostatique est active et meilleur est le rendement. Montées sur les 200 et 300 Vario, les transmissions Vario ML 70 et ML 75 ne disposent que d’une gamme. Les ML 90, 140, 180, 220 et 260, équipant plusieurs gammes de Fendt, JCB, Massey Ferguson et Valtra, se distinguent dans le principe de fonctionnement par la présence de deux gammes mécaniques, une première allant de 0 à 28 km/h, une seconde de 0 à 40, 50 ou 60 km/h. On privilégiera la première pour les travaux aux champs, afin de bénéficier du maximum de la part mécanique de la transmission (à la vitesse maximale). Les 900 et 1000 Vario se distinguent par une transmission baptisée Vario Drive. Celle-ci ne propose qu’une seule gamme, ainsi qu’un entraînement dissocié des ponts avant et arrière, le pont avant étant animé par défaut de manière hydrostatique. La VarioDrive supprime le besoin d’engagement du pont avant par l’utilisateur, la gestion des quatre roues motrices étant 100 % automatisée. Si une différence de vitesse est constatée entre les deux essieux, un embrayage intelligent se met en pression progressivement pour rééquilibrer la transmission du couple entre les deux essieux. Par ailleurs, la VarioDrive dispose de l’effet Pull-in-Turn : dans les courbes, l’essieu avant tire activement le tracteur, ce qui diminue le rayon de braquage.

ZF – Une large offre de CVT
Les CVT ZF disposent de quatre trains épicycloïdaux. Crédit : Claas

ZF – Une large offre de CVT

Le spécialiste autrichien des transmissions propose deux familles de CVT : Eccom et Terramatic. Equipant les Case IH articulés, les Claas Axion et Xerion, certains Deutz Fahr (6.4 TTV, 6.6 TTV, et 9 TTV), les John Deere 6M et 6R, les Kubota M7, les Lindner Lintrac, ainsi que les Landini et McCormick de plus de 170 ch, ces deux familles disposent de quatre trains épicycloïdaux et de quatre embrayages. Elles proposent quatre vitesses d’avancement, pour lesquelles l’entraînement est 100 % mécanique. Qu’elle que soit la vitesse, la part d’hydraulique ne dépasse pas 40 %, pour conserver une bonne efficience.

Case IH et New Holland – Jusqu’à 4 g
Les transmissions CVT propres à CNH utilisent un train épicycloïdal unique combinée à deux (sur les petits tracteurs), trois ou quatre gammes (sur Magnum et T8), et à un double embrayage. Crédit : New Holland

Case IH et New Holland – Jusqu’à 4 g

Les deux sociétés utilisent une transmission à variation continue commune construite par CNH Industrial et proposée sur tous les tracteurs standards de 100 à 400 ch. Baptisée CVX Drive chez Case IH ou AutoCommand chez New Holland, elle se caractérise par un train épicycloïdal unique combinée à deux (sur les petits tracteurs), trois ou quatre gammes (sur Magnum et T8), et à un double embrayage. Ce dernier permet un passage de gammes sans rupture en exploitant le même train épicycloïdal. Selon les gammes, on bénéficie aussi de deux, trois ou quatre vitesses d’avancement lors desquelles la transmission est 100 % mécanique. En marche arrière, ces transmissions disposent d’une gamme de moins qu’en marche avant.

Claas – Double embrayage sur les Arion
Claas propose une CVT maison sur les Arion 500 et 600. Crédit : Claas

Claas – Double embrayage sur les Arion

Le constructeur franco-allemand a développé sa propre transmission sur les Arion 500 et 600. Baptisée EQ 200 ou 220, elle se compose d’un train épicycloïdal étagé combiné à un double embrayage et à deux gammes. Lors du changement de gamme, les rôles de la pompe et du moteur s’inversent. L’hydrostatique s’additionne alors à haute vitesse à la part mécanique de la transmission.

John Deere – De l’hydromécanique à l’électromécanique

Outre la transmission AutoPowr équipant les 6M et 6R et codéveloppée avec ZF, John Deere propose ses propres transmissions AutoPowr sur les 7R et 8R. Celle du 7R intègre trois gammes mécaniques en marche avant et en marche arrière combinées à un train épicycloïdal. Le 7R dispose de trois vitesses lors desquelles la transmission est 100 % mécanique, autour de 11, 25 et 50 km/h. Sur les 8R, la transmission AutoPowr dispose d’un train épicycloïdal couplé à quatre gammes en marche avant et deux en marche arrière. Cette transmission propose deux larges plages de vitesse où la part mécanique est au-dessus de 80 %, entre 5 et 12 km/h et à partir de 25 km/h pour les applications de transport. Récemment, John Deere a lancé la transmission à variation continue électromécanique eAutoPowr sur les 8R 410 à roues ou à deux ou quatre chenilles. Celle-ci remplace le module hydraulique par un module électrique, gagnant ainsi en rendement. Ce bloc électrique fournit jusqu’à 100 kW pour alimenter un équipement attelé via un courant alternatif triphasé de 480 V. La première application a été développée en partenariat avec Joskin pour alimenter les deux essieux moteurs électriques d’une tonne à lisier.

Argo – Trois trains épicycloïdaux
La CVT maison d’Argo (Landini/MCormick) dispose de deux gammes et trois trains épicycloïdaux). Crédit : McCormick

Argo – Trois trains épicycloïdaux

Equipant les X6.4 VT Drive et les Landini 6C V-Shift, la transmission à variation continue développée par Argo se compose de deux gammes mécaniques se passant à l’arrêt et de trois trains épicycloïdaux, dont le passage de l’un à l’autre s’effectue à l’aide d’un embrayage multidisque. Au régime moteur de 2200 tr/min, la transmission est 100 % mécanique à 24 km/h en gamme lente et à 42 km/h en gamme rapide.

Same Deutz-Fahr – Des CVT maison pour les petits et les grands
Chez Same Deutz-Fahr, les tracteurs compacts et spécialisés, ainsi que les tracteurs de 190 à 280 ch disposent de transmissions CVT maison. Crédit : Same Deutz-Fahr

Same Deutz-Fahr – Des CVT maison pour les petits et les grands

Same Deutz-Fahr propose plusieurs CVT maison (T3500, T5431 et T5451) sur les tracteurs spécialisés et compacts jusqu’à 140 ch (5D TTV, 6C, Frutteto et Dorado CVT, Spire VRT, Spark R VRT) dont le principe est le même : un train épicycloïdal et deux gammes à passage sous charge, dont le changement s’effectue autour de 17-20 km/h selon le régime moteur. Sur les séries 6, 7 et 8 de Deutz-Fahr (et Spark et Mach VRT de Lamborghini), les transmissions CVT proposent également deux gammes mais cette fois-ci avec un double embrayage pour un passage tout en douceur.

Valtra – Issue d’une transmission semi-powershift
La transmission Direct de Valtra propose quatre gammes et est composée d’un module hydrostatique, d’un double train épicycloïdal et de deux embrayages multidisques. Crédit : Valtra

Valtra – Issue d’une transmission semi-powershift

La transmission Direct équipant les séries N5 et T5 est conçue sur la base d’une transmission semi-powershift. Proposant quatre gammes, elle est composée d’un module hydrostatique, d’un double train épicycloïdal et de deux embrayages multidisques. Le mouvement du moteur thermique arrive sur le planétaire du train après avoir traversé les deux embrayages multidisques. Il ressort par un second planétaire en position coaxiale pour donner le mouvement aux roues. La partie hydrostatique composée de pompes et d’un moteur à cylindrée variable gère le porte-satellite et ainsi la vitesse de chacune des quatre gammes.