CHARGES AGRICOLES
Olivier Dussopt à l’écoute des éleveurs caprins

Marin du Couëdic
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Le ministre des Comptes publics était à Saint-Désirat, le 1er avril, pour un temps d’échange sur la hausse des coûts de production pour la filière caprine. Lors de cette rencontre, organisée par la FDSEA et Jeunes agriculteurs Ardèche, l’ancien maire d’Annonay a annoncé l’intégration des ruminants dans le plan de résilience du gouvernement et promis un déblocage rapide des aides.

Olivier Dussopt à l’écoute des éleveurs caprins
Benoit Claret, président de la Chambre d'agriculture, Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, Christel Cesana, présidente de la FDSEA, et Nathalie Soboul, présidente de Jeunes agriculteurs Ardèche.

Si la date se prêtait aux plaisanteries, vendredi 1er avril 2022, les retrouvailles d’Olivier Dussopt avec l’agriculture ardéchoise ont davantage été marquées par l’écoute mutuelle, le sérieux des discussions et la recherche de solutions. Comme un an auparavant, quand le ministre délégué aux Comptes publics était venu au chevet des arboriculteurs et viticulteurs quelques jours après un épisode de gel printanier dont l'Ardèche porte encore les stigmates, l’enjeu du jour est « vital » pour de nombreuses exploitations agricoles. Cette fois, la menace concerne les filières animales du département. Déjà impactées depuis de longs mois par la hausse du prix des matières premières, elles subissent de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine sur le coût de l’alimentation animale. Gourmande en concentrés protéiques, la filière laitière caprine est particulièrement concernée.

« De nombreux élevages caprins sont menacés par cette flambée des charges agricoles, qui impacte leurs marges. Nous demandons l’intégration de tous les ruminants dans le plan de résilience du gouvernement et la réouverture des négociations commerciales », a lancé d’emblée Christel Cesana, présidente de la FDSEA de l’Ardèche, lors de la rencontre avec le ministre Dussopt. « Comment imaginer installer des jeunes quand nous n’arrivons pas à sécuriser nos exploitations avec ces coûts de production qui augmentent et fluctuent sans cesse ? », s’est interrogée Nathalie Soboul, nouvelle présidente de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche. « L’agriculture est mise à mal depuis le début du conflit ukrainien. En Ardèche, le plan de résilience doit accompagner nos filières résilientes dont les spécificités (petites surfaces, diversification, montagne, ndlr) peuvent parfois être excluantes », a appelé Benoit Claret, président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche.

Surcoût de 6 765 € par mois

Afin d’illustrer au ministre cette forte inquiétude de la profession, le rendez-vous avait été donné sur l’exploitation caprine de Laurence et Jean-François Bruyère (Earl de L’Orée des vignes), à Saint-Désirat, en Nord Ardèche. Un élevage de 410 chèvres qui peine à s’en sortir malgré des chiffres modèles : 13 000 litres de lait par chèvre par an livrés à la Fromagerie de la Drôme (laiterie de Saint-Félicien) et un système fourrager qualitatif qui tend vers l’autosuffisance alimentaire avec 20 ha de céréales, 4 ha de luzerne et 7 ha de ray-grass, complété par 57 ha de prairies naturelles. « Nous limitons au maximum nos achats de concentrés mais le coût de l’alimentation a explosé. Par exemple, le tourteau de soja non OGM est passé de 550 € la tonne il y a un an à plus de 1 000 € aujourd’hui ! », a témoigné Jean-François Bruyère. Sur l’exploitation, la hausse des charges représente 16,50 € supplémentaires par chèvre par mois, en incluant la compensation de la hausse du prix du lait (1,80 € par chèvre par mois). Le surcoût mensuel pour nourrir les bêtes atteint ainsi 6 765 €.

« La filière caprine est la première touchée par la hausse des prix car les concentrés représentent près de la moitié de l’alimentation caprine. Si l’on ajoute l’augmentation du prix de l’essence et de l’énergie, la conjoncture impacte la marge réalisée par les éleveurs et menace de nombreuses exploitations dans la région », a indiqué Vincent Vallet, président de la Fédération régionale des éleveurs de chèvres (Frec) Auvergne-Rhône-Alpes et éleveur caprin en Ardèche. L’Ardèche, avec 338 exploitations caprines, souffre particulièrement de ce surcoût alimentaire du fait des petites surfaces qui rendent difficiles l’autonomie protéique et la capacité de stockage.

Un ministre compréhensif

Très à l’écoute tout au long de la rencontre, Olivier Dussopt s’est montré rassurant. « Tous les ruminants seront intégrés au plan de résilience », a-t-il annoncé. « L’enveloppe de 400 M€ prévue par le gouvernement cible l’ensemble des élevages qui connaîtront des pertes liées à la hausse du coût de l’alimentation animale », a détaillé le ministre. L’ancien député de l’Ardèche (PS) a évoqué un premier palier à partir de 10 ou 20 % et rappelé que le dispositif est toujours susceptible d’évoluer, en fonction des conséquences de la guerre en Ukraine. « Notre objectif avec le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, c’est que les aides soient demandées dès la fin du mois d’avril, sur une période de deux ou trois mois, pour qu’elles soient débloquées le plus vite possible pour les agriculteurs. »

Le ministre des Comptes publics a aussi rappelé aux éleveurs ardéchois qu’une prise en charge des cotisations sociales sera abondée à hauteur de 60 M€ supplémentaires pour prendre en compte les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives. Cette aide sera cumulable au dispositif lié au gel 2021. Les agriculteurs peuvent en outre demander le remboursement anticipé de la TICPE de 2021 et, sur demande, un acompte de 25 % pour la TICPE 2022 qui pourra être versé dès le 1er mai 2022. Olivier Dussopt a enfin rappelé les objectifs fixés par le gouvernement pour les prochains mois : réouverture des négociations commerciales dans le cadre de la loi Egalim 2, sécurisation de la campagne 2022 en engrais et poursuite du plan pour la souveraineté et l’indépendance alimentaire de la France.

L’arboriculture s’invite dans la discussion

FRUITS ROUGES / Autorisation des matières actives, utilisation de l’eau… Il a aussi été question de la pérennité de la filière fruits en Ardèche lors de la rencontre avec le ministre Dussopt.

« Pas d’interdiction sans solution », ont martelé les représentants de l’agriculture ardéchoise face à un ministre acquis à leur cause. La FDSEA a notamment déploré la « particularité française » en matière d’interdiction des produits phytosanitaires et rappelé la vive inquiétude de la filière cerise et fruits rouges sur le territoire. « Pour tendre vers l’autonomie et la souveraineté alimentaire, nous avons besoin de toutes nos filières », a déclaré la présidente Christel Cesana. L’arboricultrice (Orgnac-l’Aven) a formulé plusieurs demandes au ministre, dont la mise en place d’un plan général de souveraineté alimentaire européen, incluant notamment une régulation des marchés et la « libération des capacités de production » : stockage de l’eau, phytos.

À court terme, c’est la suppression programmée du Phosmet, molécule phare dans la lutte contre le Drosophila suzukii, qui ne passe pas pour la filière cerise. « Le temps de la production n’est pas celui de la recherche. C’est tout une filière primordiale pour le tissu économique ardéchois et le tourisme qui risque de disparaitre », a estimé Aurélien Soubeyrand, président de la Fédération départementale des producteurs de fruits (FDPF) en Ardèche et producteur à Désaignes. Nous demandons à l’État d’accompagner cette filière. Nous avons un an avant l’interdiction effective de la molécule pour trouver des solutions et exister dans les années futures. » Olivier Dussopt de répondre aux agriculteurs : « Nous avançons avec le ministre de l’Agriculture sur l’ensemble de ces sujets. Notre volonté est de lever les points de blocage ».

LAIT

La filière bio menacée

Prix bas, charges qui explosent, marché en recul… Plusieurs éleveurs laitiers installés en bio ont exprimé leur vive inquiétude au ministre lors de la rencontre du 1er avril. « Nous sommes dans le rouge alors que nous travaillons 80 heures par semaine pour livrer un produit de qualité. Aujourd’hui, on se demande si on ne doit pas revenir au conventionnel. »

« En bio, l’approvisionnement est encore plus cher et plus contraignant. Si rien ne change, certains éleveurs risquent de ne pas passer le cap », a alerté Christel Cesana, présidente de la FSDEA. Les éleveurs ont également pointé le risque que les consommateurs, dont le pouvoir d’achat baisse, se détournent des produits à forte valeur ajoutée comme les signes de qualité. « Il y a un risque important pour un produit comme le Picodon, très important pour notre département », a précisé Vincent Vallet, président de la Fédération régionale des éleveurs de chèvres.

GEL 2021

« Trouver des solutions pour les agriculteurs non indemnisés »

Un an après le gel dévastateur d’avril 2021, Olivier Dussopt a indiqué que le gouvernement « a pu accompagner presque tous les agriculteurs touchés par l’épisode ». Il a toutefois reconnu que des « injustices » demeurent, mentionnant 14 dossiers toujours en cours d’indemnisation pour des agriculteurs assurés. « Nous continuons à essayer de trouver des solutions pour ces agriculteurs, en regardant notamment du côté de la MSA et des assureurs », a-t-il indiqué. Le ministre a également rappelé que la loi sur l’assurance récolte, votée le 2 mars 2022, « a permis de passer d’une enveloppe financière annuelle de 300 000 à 600 000 € de soutien public en cas de catastrophe climatique ».