SANITAIRE
Mobilisation forestière face à l’invasion de scolytes

Michel Ravet
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SANITAIRE / L’année 2019 l’a confirmé : le changement climatique a des effets dévastateurs sur les forêts françaises. Sécheresse, insectes ravageurs ou incendies, les arbres, les résineux en particulier, subissent de nombreuses attaques sur l’ensemble du territoire.

Mobilisation forestière face à l’invasion de scolytes
Étienne Delannoy, le directeur de l’agence territoriale du Jura, montre les dégâts provoqués par les scolytes, des petits coléoptères qui creusent des galeries sous l’écorce, détruisant ainsi les tissus conducteurs de sève.

Quels sont les effets du changement climatique ? Les forestiers se posent cette question depuis une quinzaine d’années déjà ! Mais la question devient de plus en plus d’ac- tualité, vu le contexte climatique auquel a été soumise la forêt ces dernières années. 2017 et 2018 ont connu des étés secs, avec des grosses chaleurs et peu de pluies. Et l’hiver doux de 2018-2019 n’a fait qu’aggraver la situation... L’épicéa est l’essence la plus citée par les forestiers de l’ONF. Ces derniers avaient d’ailleurs organisé une journée destinée à la presse en forêt communale d’Esserval-Tartre et à la sécherie de la Joux (Jura) pour bien montrer l’étendue du problème. Ce résineux souffre, en effet, d’un important stress hydrique couplé à l’attaque massive de petits coléoptères. Des scolytes qui creusent des galeries sous l’écorce, détruisant ainsi les tissus conducteurs de sève. Initialement en région Grand Est, cette épidémie des scolytes s’étend aujourd’hui sur la quasi totalité des forêts d’épicéas de la moitié Nord de la France. 58 000 hectares de forêts publiques sont désormais identi- fiés comme « à reconstituer ». De nom- breuses coupes ont été réalisées – le plus rapidement possible - pour limiter l’expansion. Mais ces bois scolytés arrivent en excédent sur les marchés. Ces marchés sont saturés, désorganisés et les cours du bois s’effondrent. De 60 à 70 e le m3 sur pied, les résineux se vendent actuellement autour de 20 € le m3 !

Quels budgets pour les communes ?


Une situation qui ne manque pas d’inquiéter les communes forestières qui tirent souvent de la forêt l’essentiel de leurs ressources budgétaires. Michel Bourgeois, le président de l’as- sociation des communes forestières du Jura s’inquiète : « Nous avons peur pour les finances de nos communes. Nous n’arriverons pas à établir un budget en équilibre ou alors il faudra reporter ou annuler des investissements... Comment faire ? » Étienne Delannoy, le directeur de l’agence territoriale du Jura, complète avec un chiffre : 17 millions d’euros de recettes habituellement, et 13 millions seulement en 2019. L’ONF met en place une stratégie commerciale en réduisant de moitié les bois verts mis en marché et en les remplaçant par des bois scolytés. Fort heureusement, ces derniers gardent une qualité qui n’est pas pénalisante au stade de la seconde transformation. Des bois sont également transportés dans les Landes où ils sont transformés en particules (bois de trituration ou broyés). Ces particules sont ensuite agglomérées pour la création de panneaux utilisés dans la construction.

400 peuplements classés


C’est l’un des éléments qui fait réfléchir à la réorganisation du marché, notamment pour les peuplements d’épicéas dont la valeur d’usage se trouve aujourd’hui dé- classée. Et l’ONF teste déjà, avec des chercheurs, des essences susceptibles de s’adapter aux conditions futures, en un lieu donné... C’est ce qui sera expliqué à la sécherie de la Joux, seconde étape de cette journée de presse en forêt jurassienne. Représentant le premier maillon de la filière forêt-bois, la sécherie de l’ONF mobilise les graines qui produiront les forêts de demain. Depuis 1950, l’Office avait fait construire cette unité, à Supt, pour y traiter les graines de résineux destinées au programme de reboisement d’après-guerre. Joël Conche et Olivier Guerry, responsables de la production, parlent de cet établissement où l’on traite la récolte de graines de 400 peuplements classés, couvrant 36 000 hectares des forêts domaniales françaises. Si la récolte de graines de feuillus s’effectue souvent depuis le sol, celle des résineux requiert l’intervention de cueilleurs spécialisés, en hauteur. Les fameux « écureuils » ! Les semences sont extraites des fruits puis nettoyées, triées, analysées, conditionnées et conservées afin d’être semées en pépinières. Ce sont plusieurs tonnes de graines et de semences qui sont ainsi traitées chaque année par cette sécherie qui détient 50 % du marché en France.

Michel Ravet



Initialement en région Grand Est, l’épidémie des scolytes s’étend aujourd’hui sur la quasi totalité des forêts d’épicéas de la moitié Nord de la France.

La forêt et le carbone

• 10 milliards de tonnes, équivalents CO2 absorbées par la forêt dans le monde.
• 90 tonnes de carbone par hectare enregistrées en moyenne dans les sols forestiers, selon l’Ademe.

• 87 millions de tonnes de CO2 absorbées grâce à la forêt française métropolitaine.
• 313 millions de tonnes de CO2 stockées grâce à l’utilisation des produits bois en France.

• 30 millions de tonnes de CO2 évitées grâce à l’utilisation des produits bois en France.
• 50 à 100 années de capacité de stockage de carbone pour le bois construction.

Source ONF

Giono et les îlots d’avenir

EXPERIMENTATIONS / Pour assister la migration des arbres menacés par le réchauffement, plusieurs projets sots élaborés par les techniciens de l’ONF et les chercheurs. Giono par exemple. C’est une expérience de migration as- sistée qui consiste à déplacer des essences localement menacées par le réchauffement climatique pour les faire migrer vers le Nord, vers des terres plus clémentes. En forêt de Levier (Doubs), avec des « îlots d’avenir », l’ONF cherche à connaître les essences qui, demain, sauront résister aux climats plus chauds et plus secs. Le dispositif est unique en France. Il permet de démultiplier les résultats des expérimentations et de tester de nouvelles essences afin de sélectionner les plus adaptées. D’ici deux ans, une centaine d’îlots d’avenir se-ront implantés partout en France. En parallèle, le projet Espérance/ RENEssence vise à créer des jardins forestiers expérimentaux. Ces derniers mélangeront essences locales et nouvelles. Et les chercheurs étudieront les résultats de ce brassage génétique pour mieux adapter la forêt de demain.