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L'automne, saison du safran !

Mylène Coste
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PPAM / Karine Maggiore, à Pont-de-Labeaume, est en plein dans la récolte du safran, qui devrait encore se poursuivre sur deux à trois semaines. Un produit noble et plébiscité qui nécessite un travail minutieux.

L'automne, saison du safran !
Karine Maggliore cultive du safran à Pont-de-Labeaume.

Elle cultive de l’or... rouge ! Ancienne fleuriste reconvertie, Karine Maggiore n’a pas tout à fait tout abandonné de sa passion pour les fleurs et la terre. Depuis 2016, elle cultive une parcelle d’environ 600 m2 dont 450 m2 en production pour le safran. « Je souhaitais conserver une activité en extérieur, mais qui ne me mobilise pas toute l’année, et notamment l’été, explique-t-elle. Le safran est une culture d’automne, dont la fleuraison s’étend sur cinq semaines. C’est idéal. »
Karine Maggiore a ainsi investi une ancienne jachère, dans le hameau de Romégier à Pont-de-Labeaume, pour y planter 15 rangées de safran, espacées d’environ 20 cm. « Soit 20 000 bulbes au départ, plantées à 20 cm de profondeur. Un bulbe peut produire chaque année jusqu’à 5 ou 6 fleurs selon le calibre. » Le crocus sativus est une plante bulbeuse qui requiert un sol meuble et bien drainé, et nécessite une bonne quantité d’eau. « En période de dormance du bulbe, de juin à août, on peut biner pour ameublir un peu le sol », souligne Karine Maggiore.

Des rotations nécessaires à la fertilité des sols

Chaque bulbe peut se multiplier 2,5 fois par an voire plus, d’où la nécessité d’espacer les rangées et les plantations. Aussi Karine Maggiore effectue-t-elle des rotations de rangées tous les deux à trois ans pour éviter l’épuisement des sols. « J’ai arraché deux rangées l’année dernière, trois cette année, afin de laisser le sol vierge pour que la terre se repose, explique-t-elle. La quantité arrachée est compensée par la multiplication des bulbes. » Si le foncier le permet, il est en effet recommandé de renouveler la safranière à partir de la troisième année de plantation, pour ne replanter sur la même parcelle que 3 à 5 ans plus tard afin de laisser au sol le temps de se régénérer. D’autres espèces (céréales, légumineuses...) peuvent être cultivées le temps de la rotation.

Karine Maggiore n’apporte aucun amendement dans le sol. « Le travail de désherbage, entièrement réalisé à la main, est cependant conséquent. » Elle est épargnée par les problèmes sanitaires, et notamment la fusariose, le tacon ou encore le rhizoctone violet, champignon très contagieux qui peut provoquer d’importantes mortalités dans les cultures de safran. Elle a également installé une clôture électrique pour prévenir les attaques des nuisibles.

Une fleuraison tardive cette année

Pour que la fleur du crocus sativus éclose, il faut en effet que la température du sol passe sous les 12°C. Les chaleurs du mois de septembre, additionnées au manque d’eau, ont retardé la fleuraison : « En général, les premières fleurs apparaissent début octobre. Cette année, elles sont sorties le 11 octobre ! Les bulbes sont restés en dormance jusqu’aux premières pluies, qui sont arrivées tard. »

Le pic de floraison intervient généralement 12 jours après les premières fleurs : on peut alors compter jusqu’à 10 000 fleurs. « Une fois la cueillette à la main terminée, on « émonde » la fleur : on écarte les corolles et sépare le pistil de la fleur pour ne conserver que la partie pourpre. » Vient ensuite le séchage, une étape primordiale pour la conservation et la saveur de l’épice. « J’effectue le séchage au four à basse température (60 à 65°C). Une fois déshydraté, le pistil perd environ 80 % de son poids. » Il faut ainsi compter 160 à 200 fleurs pour produire un gramme.

Des épices vendues localement

Karine Maggiore conditionne les pistils de safran en petites fioles de 0,100 à 3 g/mg, qu’elle vend essentiellement à des restaurants ardéchois et à des particuliers. Labellisé « Goûtez l’Ardèche » et « Collège culinaire de France », le Safran de Romégier a obtenu deux médailles d’or au concours général agricole, en 2018 et 2019. Si le safran a la réputation d’être vendu au prix d’or (son prix varie selon la qualité et son conditionnement mais se situe entre 25 € et 40 € /g), Karine Maggiore n’en tire qu’une modeste rémunération. « Je n’ai pas les débouchés suffisants pour en tirer un revenu. Si je le fais, c’est avant tout pour le plaisir ! »

 

Une passion française

Une passion française

HISTOIRE / Du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle, la France fût un grand pays producteur de safran, avec environ 60 t /an.

La culture de l’or rouge occupait au XIXe siècle d’importantes surfaces en France, du sud-ouest jusqu’au Loiret (Gâtinais). Elle a cependant décliné progressivement au XXe siècle, d’abord du fait des hivers rigoureux de 1880-1881, mais aussi en raison de l’arrivée sur le marché des colorants chimiques, du coût élevé de la main d’oeuvre et de son impossible mécanisation. Le safran connaît aujourd’hui un regain d’intérêt dans le monde de la gastronomie. Aujourd’hui, sa production a été relancée dans une quarantaine de départements français, notamment le Loiret, le Lot et la Creuse.
Au niveau mondial, l’Iran reste le principal pays producteur (environ 90 %1 de la production mondiale) mais fait face aujourd’hui aux restrictions commerciales des États-Unis et des problèmes sanitaires liés au manque de rotation des parcelles cultivées. Viennent ensuite le Cachemire, la Grèce , le Maroc, l’Espagne et l’Italie puis la France.

1. Selon une étude réalisée par FranceAgriMer en 2013.

EPICE / Tout est bon dans le safran !

Le safran est fortement convoité pour ses vertus médicinales. Stimulant pour les défenses immunitaires mais aussi pour la mémoire, le safran peut être utilisé comme antalgique pour soulager les douleurs. Il est également utilisé en cosmétique pour ses propriétés anti-inflammatoires et anti-âge ; selon la légende, Cléopâtre en personne en versait dans ses bains pour la beauté de sa peau ! Outre ces qualités, le safran est utilisé comme colorant naturel, et rehausse le goût des plats. Karine Maggiore en utilise d’ailleurs à l’envie dans ses risotto, gâteaux, et en fait même un sirop pour donner du goût à ses salades de fruits, et commercialise aussi un savon argan/safran.