ÉVÉNEMENT
Le préfet de l’Ardèche en immersion dans l’agriculture sud-ardéchoise

Mylène Coste
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Invité par la FDSEA et JA Ardèche, le préfet Thierry Devimeux a visité plusieurs structures agricoles du Sud-Ardèche, mercredi 31 mars. L’occasion pour cet ingénieur agronome de découvrir les difficultés et les atouts - entre autres - de la filière arboricole.

Le préfet de l’Ardèche en immersion dans l’agriculture sud-ardéchoise
Le préfet Thierry Devimeux, invité par la FDSEA et JA Ardèche, avec les élus et les services de l'État à Orgnac-l'Aven.

Des cerisiers en fleurs sur fond de ciel bleu : le décor est planté. C’est dans les vergers de Christophe Dugoul, à Orgnac-l’Aven, que le préfet Thierry Devimeux a démarré sa visite en Sud-Ardèche. Si le cadre est idyllique, la réalité de l’arboriculture n’est pas toute rose : aléas climatiques récurrents, concurrence des fruits étrangers à prix cassés, contraintes sanitaires… 

Ennemie publique numéro 1 des arboriculteurs ces dernières années, Drosophila suzukii a notamment fait parler d’elle : « La mouche pique la cerise quand elle est mûre. La larve se nourrit de la chair et au bout d'une journée, le fruit se ramollit et tourne en vinaigre ! C'est un véritable fléau », insiste Benoit Breysse, président de JA Ardèche. Christophe Dugoul complète : « Cela nous oblige à accélérer la récolte, quitte à ramasser les fruits moins mûrs et donc moins goûteux ». Proliférant par temps chaud et humide, Drosophila suzikii ne se limite plus à la cerise, mais s’en prend avec appétit aux fruits à maturité, des abricots aux raisins en passant par les petits fruits. Depuis le retrait du diméthoate, le Phosmet est le seul insecticide permettant de lutter contre le ravageur. Mais il pourrait bientôt être interdit : « Or, nous n’avons à ce jour aucune alternative, déplore Aurélien Soubeyran, président de la fédération ardéchoise des producteurs de fruits (FDPL). La technique des lâchers de mâles stériles est à l’étude, mais il y a trop d’inertie dans les processus d’homologation et de mise en œuvre. Quant aux filets insect-proof, ils restent très chers. Si l’on ne prolonge pas l’homologation du Phosmet, le temps de trouver des solutions, on peut tirer un trait sur la production de cerises françaises ! »

Les vergers de cerisiers étaient en fleur.

ZNT : « Il faut endiguer le mitage »

Les agriculteurs ont également soulevé les enjeux du foncier, et notamment la problématique du mitage. « En Ardèche, nombre d’habitations se sont construites à proximité directe des parcelles agricoles, souligne Christel Cesana, présidente de la FDSEA. Or, aujourd’hui, les relations de voisinage sont de plus en plus tendues. On ne peut plus traiter sans craindre d’être invectivés, même si ce sont des traitements bio. » En découlent la question des zones de non traitement (ZNT), et celle de la charte de riverains ardéchoise qui avait été élaborée par la profession en lien avec la préfecture et la DDT. Cette charte permettait notamment de réduire les ZNT entre les habitations et les zones d’épandages de produits phytosanitaires, et proposait une méthode d’information et de dialogue avec les habitants et leurs représentants (maires). « Or, le 19 mars, le Conseil constitutionnel a estimé que la méthode d'élaboration des chartes était contraire à la Constitution, explique Jérôme Volle, vice-président de la FDSEA. Nous sommes très inquiets à ce sujet et allons tout faire pour conserver cet outil pédagogique qu’est la charte. »  

Un besoin d’autant plus urgent que la mise en œuvre des ZNT pourrait grignoter d’importantes surfaces dans certaines exploitations, à l’instar de celle d’Olivier Fraisse : « L’une de mes parcelles de Saint-Joseph est entourée de maisons. Renoncer à 10 mètres de Saint-Joseph, c’est une perte énorme ! »

Christophe Dugoul et Aurélien Soubeyrand ont plaidé pour une prolongation de l'homologation du Phosmet pour lutter contre Drozophila suzukii, en attendant que des alternatives soient disponibles.

Bientôt une marque Ardèche ?

Malgré ces difficultés, l’arboriculture jouit aussi de nombreux atouts : « Nous avons une arboriculture de qualité et une image porteuse, souligne Benoit Claret, président de la Chambre d’agriculture. Capitalisons sur ces atouts dans la création d’un signe de qualité ! »

M.C.

Ils ont dit...

Thierry Devimeux : « Je découvre en Ardèche une agriculture forte et imaginative, enracinée dans le territoire, et qui tente de trouver des solutions. Sachez que je serai à votre écoute dès que vous en aurez le besoin. »

Christel Cesana, présidente de la FDSEA : « Monsieur le préfet, revenez ici en août : vous verrez au pied des arbres des tas de clôtures contre les sangliers, qui sont un véritable fléau dans nos exploitations. Les sangliers mangent les fruits et cassent les branches, et malgré le travail colossal fourni par les agriculteurs pour protéger leurs vergers. »

Benoit Breysse, président de JA Ardèche : « Le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour notre territoire. Aujourd’hui, il y a une vraie dynamique à l’installation en Ardèche. Il faut absolument conserver les dispositifs de soutien à l’installation dans la future Pac, qui sont indispensables pour notre agriculture. »

Fabrice Brun, député : « Le dispositif TODE pour l’emploi de saisonniers doit absolument être prolongé après 2022. Il en va de la pérennité de l’agriculture ardéchoise. »