SAINT-PÉRAY
Les viticulteurs sont allés à la rencontre des citoyens

Mylène Coste
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"Viticulture citoyenne - Mieux se comprendre pour mieux s'entendre" : tel était le thème de la soirée organisée le 29 juin à Saint-Péray, à l’initiative de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et des AOC Cornas et Saint-Péray, en partenariat avec RCF.

Les viticulteurs sont allés à la rencontre des citoyens
Près de 80 personnes étaient présentes pour la soirée d'échanges "Viticulture citoyenne" à Saint-Péray. Les débats ont également été suivis en direct sur Facebook.

Pourquoi les viticulteurs utilisent-ils des produits phytosanitaires ? Quels sont les produits les plus utilisés ? Pourquoi élimine-t-on la végétation sous le rang ? Pourquoi traite-t-on davantage certaines années que d’autres ? Ce sont autant de questions, parmi bien d’autres, qui ont été posées aux vignerons présents lors de la soirée d’échange ouverte au grand public, organisée le 29 juin à Saint-Péray. Une occasion pour les habitants de poser leurs questions, et de pousser, parfois, quelques coups de gueule. Une opportunité, surtout, pour les viticulteurs de s’exprimer, de dialoguer et d’expliquer leurs pratiques, ainsi que leurs efforts pour intégrer la préservation de la biodiversité dans leur travail quotidien.

Groupe Dephy : « un effet d’entrainement »

Car des efforts, ils en font ! Le groupe Dephy Viticulture des Côtes du Rhône septentrionales, composé d’une douzaine de viticulteurs volontaires dont plusieurs membres étaient présents lors de la soirée, est notamment revenu sur les réflexions et expérimentations réalisées. « Notre principale thématique est la réduction des doses d’intrants, souligne Amandine Fauriat, technicienne viticulture à la Chambre et animatrice du groupe Dephy. Mais selon les conditions particulières de chaque vigneron – s’il est en plaine ou en côteau par exemple – chacun a expérimenté des pratiques différentes. » Couverts végétaux, paillage, travail du sol, produits de biocontrôle… Différents essais ont été conduits. « Le groupe Dephy a permis de créer un effet d’entrainement entre nous, affirme Sébastien Michelas, vigneron en conversion bio à Mercurol. On se dit : si ça a marché chez lui, pourquoi pas chez moi ? » Un effet d’entrainement également ressenti par Grégoire Besson, chef de culture au Domaine Courbis : « La validation par les pairs engendre une émulation. Nous partageons les réussites mais aussi les échecs, cela nous évite aussi des erreurs. » Parmi les essais en cours : « Je tente de réduire les doses de soufre avec de l’ail confit, ou encore de la camomille », explique Sébastien Michelas. « J’expérimente le lait de vache en antifongique sur une petite parcelle, pour lutter notamment contre l’oïdium », enchaîne Olivier Clape, vigneron à Cornas.

Sébastien Michelas (Domaine Michelas Saint Jemms), Grégoire Besson (Domaine Courbis) et Olivier Clape, membre du groupe Dephy Viticulture des côtes du Rhône septentrionales, ont témoigné lors de la soirée.
Sébastien Michelas (Domaine Michelas Saint Jemms), Grégoire Besson (Domaine Courbis) et Olivier Clape, membre du groupe Dephy Viticulture des côtes du Rhône septentrionales, ont témoigné lors de la soirée.

Les AOC aussi font leur transition

Les appellations, elles aussi, ont intégré la préservation de la biodiversité dans leurs pratiques quotidiennes. « Nous n’avons plus du tout le même rapport à l’environnement qu’il y a 25 ans. Nous ne sommes plus dans la maîtrise de la nature, mais dans la relation respectueuse avec elle », souligne Benoit Nodin, président de l’AOC Saint-Péray. Une commission viti-écologie a d’ailleurs été mise en place par les AOC Cornas et Saint-Péray, qui ont réalisé un inventaire de la biodiversité sur 19 parcelles tests : « Nous avons constaté la présence de nombreux oiseaux, de reptiles, amphibiens, orthoptères et insectes, indique Albéric Mazoyer, ancien gérant du Domaine Voge (Cornas). Il ajoute : On trouve une biodiversité importante sur les hauteurs proches des bois où subsistent des zones naturelles non défrichées. Elle est en revanche bien moins importante en plaine où les espaces semi-naturels ont disparu. C’est pourquoi nous encourageons les pratiques visant à connecter les zones naturelles avec les zones cultivées grâce à l’implantation de haies, de bosquets, de murets, de bandes enherbées et autres structures végétales. » 

Malgré les éléments présentés, certains habitants restent sceptiques : « Les vignerons présents ici sont les plus vertueux, mais ils ne représentent pas la majorité des viticulteurs qui ont parfois des pratiques catastrophiques pour l’environnement ». Ce à quoi Benoit Nodin a répondu : « Nous voulons croire que l’exemple est le meilleur moyen de convaincre les agriculteurs qui n’y croient pas encore. »

M.C.

Défrichement : un guide pour les nouvelles plantations

Les AOC Cornas et Saint-Péray ont édité un guide de plantation intitulé « Défricher en préservant au mieux environnement et qualité de l’eau ». « Ce guide donne des clés pour concilier au mieux les nouvelles plantations avec les impératifs de préservation de l’environnement et de la biodiversité, explique Anne Colombo, présidente de l'ODG de l’appellation Cornas. Nous sommes conscients que les attentes sociétales en la matière sont fortes. Les viticulteurs pourront y trouver des préconisations d’aménagements à mettre en place, pour prévenir l’érosion et améliorer la perméabilité des sols, conserver une connectivité entre les espaces boisés, favoriser la biodiversité et l’intégration paysagère… » Les AOC souhaitent également faire évoluer leurs cahiers des charges afin d’y intégrer des impératifs de préservation de la biodiversité.

 « Nous avons besoin de lieux pour échanger »
Dominique Perrin

« Nous avons besoin de lieux pour échanger »

TROIS QUESTIONS À / Dominique Perrin de l’association « Yapluka, Crussol en transition ».

Qu’est-ce que "Yapluka" ?

Dominique Perrin : « Notre association réunit aujourd’hui près de 150 personnes, et a pour but de promouvoir la transition écologique sur nos territoires en toute indépendance et en étroite coopération avec tous les groupes, collectivités et structures partageant cet objectif ! Nous sommes organisés en plusieurs groupes autonomes, qui travaillent sur des thématiques particulières : les déplacements, la consommation énergétique, les déchets, la consommation, et bien d’autres. Je fais, quant à moi, partie du groupe Agriculture, qui m’intéresse particulièrement. Nous comptons d’ailleurs plusieurs agriculteurs parmi les membres. »

Quels sont les enjeux qui vous mobilisent ?

D.P. : « Nous voulons essayer de pousser l’agriculture à évoluer dans le sens de la transition écologique, sans pour autant être donneurs de leçon. Nous avons par exemple appuyé le projet d’installer des maraîchers bio et respectueux de l’environnement dans l’ancienne zone constructible convertie en zone agricole par la mairie de Saint-Péray. Nous soulevons aussi des questions et tentons de faire entendre la voix et les interrogations des citoyens sur certaines pratiques, comme le défrichement. »

Quel regard portez-vous sur la soirée organisée par la Chambre d’agriculture ?

D.P. : « C’est une très bonne initiative. Nous avons besoin de lieux pour échanger, pour faire entendre nos attentes auprès des agriculteurs et pouvoir avancer ensemble sur les enjeux environnementaux. Nous souhaitons d’ailleurs organiser d’autres rencontres entre agriculteurs et citoyens. » 

Propos recueillis par M.C.