ARDÈCHE
Le campagnol engendre des pertes colossales dans les prairies

Mylène Coste
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ARDÈCHE / Vergers, vignes, prairies... Les campagnols sont aujourd'hui présents partout et peuvent causer des dommages considérables sur les cultures. Reportage sur le plateau ardéchois, à Coucouron, où les éleveurs sont démunis face à leur pullulation.

 

Le campagnol engendre des pertes colossales dans les prairies

« On fait tout ce qu'on peut pour endiguer la pullulation, mais on ne s'en sort pas. Cela impacte fortement les rendements, mais aussi le moral. » Joël Belin est découragé. Installé en bovin lait depuis 1989, sur l'exploitation familiale à Coucouron, il élève 60 laitières et environ 40 génisses, en race montbéliarde. Son exploitation comprend environ 88 ha tout en herbe, dont une vingtaine en prairies artificielles, 40 ha en prairies naturelles et le reste en pâturages. Mais depuis une dizaine d'années, la qualité de ses terres est endommagée par la présence de campagnols terrestres ou « rats taupiers ».

« Il y a toujours eu des rats taupiers chez nous, mais jamais en nombre aussi important, estime Joël Belin. Les anciens étaient plus nombreux et s'en occupaient toute l'année. Il y avait aussi davantage de céréales, les parcelles étant donc régulièrement labourées. »

Un couple peut engendrer jusqu'à 100 individus par an

Contrairement aux galeries de la taupe qui sont creusées à la verticale, celles des campagnols terrestres sont horizontales. Résultat : des retournements de la terre qui forment des tumulis dans les parcelles, et gênent la pousse de l'herbe. Aussi peuvent-ils manger les racines des végétaux, comme des arbres dans les vergers, causant leur dépérissement.

L'invasion peut intervenir très rapidement : Un couple peut engendrer une centaine d'individus en une année, tandis que la maturité sexuelle de ces ravageurs arrive dès le premier mois... Une parcelle infestée à plus de 50 % peut ainsi abriter jusqu'à 1 000 individus / ha. Or, une fois la population trop importante, la lutte est impossible.

« La qualité du lait s'en ressent »

Les dégâts dans les élevages sont colossaux : « L'usure des terrains provoque une baisse de la quantité et de la qualité du fourrage, ce qui a des conséquences sanitaires graves en élevage laitier en favorisant les butyriques dans le lait, déplore Joël Belin. Il poursuit : Certaines parcelles peuvent être rendues impropres au pâturage. Le tout engendre aussi un surplus de travail énorme pour le piégeage, les ressemis de prairies... Nous sommes totalement dépassés. »

Les rats taupiers occasionnent également des frais supplémentaires non-négligeables. « L'achat du fourrage, ou encore l'usure plus rapide des outils de fenaison, engendrent des coûts, alors même que notre lait est moins rémunéré du fait des butyriques. Quant à l'achat de matériel de lutte, entre la canne pour l'application du Ph3, le masque, le détecteur de gaz et les pastilles... Il y en a pour plus de 1 700 €. » Ces frais peuvent désormais être pris en charge dans le cadre d'un programme de lutte piloté par le FMSE en lien avec la Fredon (lire ci-dessous).

Une zone de lutte pilote sur le plateau ardéchois

À Coucouron et sur le secteur, pourtant, les éleveurs luttent depuis des années déjà contre ce prédateur.« Le territoire du plateau a connu un pic de pullulation en 2013-2015 et les éleveurs ont été sensibilisés à  la lutte contre le campagnol, rappelle Hélène Sonneville, technicienne sanitaire à la Fredon. Il est essentiel de maintenir cette mobilisation car la lutte en période de basse densité permet de limiter les pics. »

Depuis 2019, une zone « pilote » au niveau régional, celle du « Haut bassin versant de la Loire »,  est engagée dans un programme d'actions pour lutter contre le campagnol. Elle comprend neuf communes du plateau, de Sainte-Eulalie à Coucouron. Joël Belin en fait partie, et fournit chaque année un travail important de lutte : « Je passe la herse au printemps pour préparer la terre à l'application du traitement Ph3, pour lequel j'ai dû obtenir une certification. Je pose également des pièges à ce moment là, et de nouveau après les foins. Je refais un traitement Ph3 à l'automne si les conditions sont réunies : il faut de la pluie et des sols humides pour qu'il fonctionne. ».

Aussi l'éleveur ressème tous les trois ans ses prairies artificielles. Certains éleveurs labourent même les prairies pour tenter d'éloigner le campagnol. Mais la population ne diminue guère : « On a parfois l'impression que c'est peine perdue. Pour autant, il faut lutter tous ensemble, collectivement. C'est le seul moyen pour parvenir à maîtriser le rat taupier. »

Mylène Coste

Des aides à la lutte disponibles en Ardèche
Les campagnols engendrent d'importants dégâts dans les prairies.

Des aides à la lutte disponibles en Ardèche

CAMPAGNOL TERRESTRE / Depuis 2019, les agriculteurs ardéchois peuvent prétendre à des indemnisations pour les coûts engendrés par la lutte contre le campagnol terrestre en prairie, dans le cadre d'un programme de lutte du FMSE1.

Ce programme prend en charge les coûts de la lutte (matériel, mise en œuvre) mais pas les dégâts engendrés par le rat. Chargée de l'instruction des dossiers, la Fredon est l'interlocuteur privilégié des agriculteurs qui souhaitent accéder à ce programme. « Si les remontées du terrain sont nombreuses, ce programme pourrait être élargi aux arboriculteurs, mais aussi au campagnol des champs et au campagnol provençal qui occasionnent également des dégâts dans les cultures », souligne Hélène Sonneville, technicienne sanitaire à la Fredon.

Des formations pour lutter efficacement

Depuis 2015, la Fredon organise des formations régulières sur le sujet des campagnols, les types de dégâts et les moyens de lutte. La participation à ces formations, éligibles à un financement Vivea, est une des conditions à l'intégration d'un programme de lutte du FMSE.

Par ailleurs, des réseaux de surveillance de l'évolution des populations de campagnols se sont mis en place en Ardèche, composés d'agriculteurs volontaires et des techniciens de la Fredon. Des bulletins sanitaires ont été mis en place pour rendre compte des observations. La surveillance sanitaire est essentielle pour une lutte collective efficace, insiste Hélène Sonneville. C'est pourquoi nous encourageons les agriculteurs à rejoindre notre réseau de surveillance. »

Informations : helene.sonneville@fredon07 ou 04 75 64 92 12

  1. Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental.
Le campagnol terrestre se reproduit à très grande vitesse.
Le campagnol terrestre se reproduit à très grande vitesse.

Campagnols : la « boîte à outils »

LUTTE / La lutte contre le campagnol terrestre ne peut être efficace que si elle est collective d'une part, et mise en œuvre avant les pics de pullulation, quand la densité de population est encore basse.

Il existe de nombreux moyens de lutte directe et indirecte en fonction de la filière (arboriculture, élevage) et des caractéristiques de l’exploitation (possibilité de travailler le sol, aménagement de l’espace pour favoriser la faune prédatrice…).

  • Les méthodes de lutte indirectes (techniques culturales, gestion du couvert végétal, favoriser les prédateurs naturels) ont pour objectif de gêner le cycle biologique du campagnol (destruction des galeries, perturbation de la reproduction, régulation par prédation…). Le contrôle des populations de taupes est également efficace, leurs galeries favorisant l’installation des campagnols. Certains prédateurs naturels peuvent contribuer à la lutte : renards, belettes, rapaces...
  • Les méthodes de lutte directe incluent le piégeage (pièges guillotine, pince…), et la lutte chimique (appâts secs à base de bromadiolone).

La lutte chimique est réglementée et soumise à conditions, et doit être soumise à la surveillance de la Fredon.