CAPRIN
Label rouge chevreau lourd : un tremplin pour structurer la filière

Lancé par le syndicat caprin de la Drôme, le projet de Label rouge chevreau lourd vise à mieux valoriser la viande de chevreau et impulser un mouvement plus large au niveau de la filière.

Label rouge chevreau lourd : un tremplin pour structurer la filière
Un premier dossier Label rouge chevreau lourd a été déposé auprès de l’Inao en décembre 2020.

Dévalorisée, quasiment abandonnée, la viande de chevreau est frappée de plein fouet par le manque de structuration de la filière, en matière d’outils d’abattage et de découpe, ainsi que de visibilité sur le marché français. « 10% des chevreaux partent en filière courte et sont engraissés en ferme en Auvergne Rhône-Alpes », estime Laurent Balmelle, président du comité régional de la filière caprine. « L’essentiel est exporté en Europe et à l’étranger, alors que la viande de chevreau correspond aux attentes des consommateurs français. » En conséquence, les éleveurs caprins font face à de très grandes difficultés pour vendre leurs chevreaux depuis 2020. Les prix défient toute concurrence : « Moins d’un euro le kg pour un chevreau de quelques jours ramassé en ferme ! » Bien valorisée, cette production pourrait pourtant apporter un revenu supplémentaire aux éleveurs. Saisonnière, elle est très appréciée par de nombreux consommateurs connaisseurs, traditionnellement consommée aux périodes de Noël et de Pâques.

« Il y a beaucoup à faire et un potentiel colossal »

« Seuls les circuits courts fonctionnent actuellement pour valoriser la viande caprine, et ils fonctionnent très bien. En filière longue, c’est beaucoup plus compliqué : les chaînes d’abattage ne sont pas toujours adaptées aux petits gabarits, les abatteurs pas toujours très intéressés à travailler cette viande, on en trouve peu chez les bouchers et les GMS n’en font pas la demande », ajoute Valérie Béroulle, technicienne au syndicat caprin de la Drôme. Depuis plusieurs années, le syndicat travaille sur la labellisation du chevreau lourd avec des producteurs drômois et ardéchois. Objectif : valoriser la qualité de la production française, et impulser une politique de structuration de la filière. « Le plan de filière Caprin et ovin lait de la région Auvergne Rhône-Alpes nous a permis de lancer ce projet de label, grâce au volet porté sur la communication et l’aide aux projets innovants sur la viande », indique Laurent Balmelle. « Il y a encore beaucoup à faire, et un potentiel colossal. Nous espérons pouvoir monter un vrai plan de filière caprine sur la partie chevreau, pour structurer la production, sa transformation, faire du lien entre éleveurs et intermédiaires, de la communication. Nous souhaitons qu’Interbev porte ce projet afin d’y rassembler l’ensemble des responsables départementaux de la filière. »

Un premier dossier Label rouge chevreau lourd a été déposé auprès de l’Inao en décembre 2020. Son cahier des charges est amené à évoluer. Pour l’heure, il induit une alimentation au lait maternel de 7 jours minimum, puis la possibilité d’utiliser un aliment d’allaitement de poudre de lait écrémée, de la paille et du foin à disposition, des chevreaux élevés pendant au moins 60 jours et un poids minimum de 8,5 kg de carcasse sans tête (entre 17 et 18 kg en vif minimum). Ce label s’adresse autant aux éleveurs laitiers que fromagers. Un itinéraire technique, à l’image de ce qu’il se fait déjà dans de nombreux élevages de Drôme et d’Ardèche, vendant essentiellement en circuits courts (voir ci-contre).

A.L.

Laurent Balmelle, président du comité régional de la filière caprine en Auvergne Rhône-Alpes.
Laurent Balmelle, président du comité régional de la filière caprine en Auvergne Rhône-Alpes.
« C’est une viande très appréciée quand on la connaît »
Avec une production moyenne de 150 chevreaux / an engraissés sur place, Denis Dumain et ses associés vendent leur viande à 17,5€ / kg de carcasse pour un chevreau entier, découpé, mis sous vide et vendu en direct à la ferme ou en magasin de producteurs.

« C’est une viande très appréciée quand on la connaît »

ZOOM / Installé à Ribes en Ardèche, Denis Dumain du Gaec Elevage du Serre a rejoint le projet de Label rouge de chevreaux lourds en 2020.

Chaque année en moyenne, l’Elevage du Serre (Ardèche) produit 100 000 litres de lait, transformés sur place en fromages AOP Picodon (30%), fromages de garde, à pâte pressée et tommes. Il se compose d’une centaine de chèvres laitières de race Saanen, de 10 ha de pâturage et 15 ha de fourrages. Chaque chèvre produit en moyenne 2 chevreaux / an (mâles et femelles) en février/mars : près de 10 000 l de lait sont destinés à l’alimentation ou l’engraissement des chevreaux. Une partie des chevrettes sont gardées pour l’élevage, le reste est vendue à une coopérative à destination d’éleveurs qui souhaitent s’agrandir ou s’installer. Les chevreaux, quant à eux, sont engraissés sur place. « Chaque éleveur a sa stratégie pour engraisser les chevreaux. Nous ne les laissons pas avec les mères, ils sont nourris au biberon avec le lait de la traite dès les premiers jours pour les habituer à la tétine. Ils ont du lait en permanence, l’intérêt est qu’ils n’aient jamais faim pour qu’ils grossissent le plus vite possible », explique Denis Dumain, qui est installé avec deux associés.

100 % de la production vendue en circuits-courts

Cette année, 100 % de leur production a été engraissée sur place (150 chevreaux) et la viande vendue en circuits courts (en direct à la ferme, en magasin de producteurs, ou auprès de restaurateurs et bouchers). Elle se vend en moyenne à 17,5€ / kg de carcasse pour un chevreau entier, découpé, mis sous vide et vendu en direct à la ferme ou en magasin de producteurs. « Les prix tournent entre 13,5 € et 26 €, selon les morceaux. Il n’y a pas de petits morceaux, tout peut se valoriser. » Le prix d’un chevreau entier vendu avant abattage oscille, quant à lui, autour de 9,5€ kg de carcasse. « Nous arrivons à valoriser cette production en circuits courts car il y a de la demande, c’est une viande très appréciée quand on la connaît. »

L’Elevage du Serre a rejoint le projet de Label rouge chevreau lourd en 2020. « Nous espérons que ce label ouvrira un nouvel espace à la filière caprine et une meilleure rémunération aux éleveurs. Tous les ans, nous faisons naître des chevreaux, considérés comme un sous-produit de la production laitière. Cette année, ils sont partis quasiment gratuitement ! Beaucoup d’éleveurs ne savent pas qu’en faire », ajoute Denis Dumain. « Les chevreaux sont pourtant une production à part entière. Ce Label rouge permettrait de redorer l’image de la viande de chevreau auprès d’un public plus large : en proposant des chevreaux d’au moins 17 kg en vif, on obtient une viande de meilleure qualité gustativement, mature, plus ferme, et une plus grande diversité de morceaux. »

A.L.