GRANDES CULTURES
Top Semence : « Cultiver nos différences pour se démarquer »

Marin du Couëdic
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Acteur majeur de la sélection et la production de semences dans le quart sud-est du pays, l’union coopérative Top Semence mise sur la qualité et la diversité de ses cultures pour faire face au changement climatique et à la concurrence européenne. Le point avec le président Yves Courbis.

Top Semence : « Cultiver nos différences pour se démarquer »
Yves Courbis, président de l'Union de coopératives agricoles Top Semence.

Quel bilan tirez-vous de l’exercice 2020-2021, en particulier pour les espèces phares que sont le maïs et le tournesol ?

Yves Courbis : « L’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire, qui a impacté l’ensemble de nos activités, de la réception des récoltes à la mise à disposition des semences. Nous avons malgré tout réussi à nous approcher de nos objectifs, avec un bilan technique et financier convenable. Cette année a été également marquée par des conditions climatiques fortement préjudiciables, qui ont généré des niveaux de production historiquement bas. La zone Drôme-Ardèche a notamment été concernée par des pics de chaleur et des orages de grêle qui ont impacté la pollinisation des espèces hybrides, en particulier le maïs, sur lequel nous avons toutefois progressé en surface (4 350 hectares cultivés, 45 % du chiffre d’affaires, ndlr). Il y a en revanche eu un petit tassement sur le tournesol (2 350 ha, 17 % du chiffre d’affaires) mais nous sommes toujours leader de cette espèce au niveau national. Pendant cette période, nous nous sommes efforcés de maintenir un revenu acceptable pour nos 1 200 agriculteurs multiplicateurs, soit par le régime assurantiel soit directement par l’entreprise en utilisant un levier comme les caisses de risques, qui a pu relever le résultat financier au-dessus du résultat technique. »

L'union coopérative a-t-elle vocation à agrandir davantage sa zone géographique ?

Y.C. : « Ce n’est pas dans nos plans. L’entrée du groupe Oxyane (fusion des coopératives La Dauphinoise et Terre d’Alliances) dans le giron de l’Union en 2019 a permis à Top Semence de passer d’un chiffre d’affaires de 35 à 55 millions d’euros. Nous couvrons aujourd'hui un territoire qui va du bassin méditerranéen à la plaine de l’Ain, d'une petite production de pois chiche à une exploitation avec 150 ha de multiplication. Cette latitude permet à notre société de positionner des variétés adaptées et d’attirer ainsi davantage de groupes semenciers. Nous restons toutefois ouverts aux opportunités de partenariats, notamment sur les légumes secs afin de répondre à la demande croissante en protéines végétales. »

Justement, comment évolue la production en agriculture biologique et celle de nouvelles espèces, comme le soja ?

Y.C. : « Le bio pèse environ 10 % des surfaces chez Top Semence. Soit environ 1 200 ha en production sur 14 000 au total. Ce chiffre est en évolution à l’image de la demande sociétale. Nous projetons un plan d’investissement important pour les cinq années à venir sur une ligne que l’on qualifie de "blanche", dans laquelle nous garantissons des semences qui n’ont subi aucun traitement chimique. Il y a le bio évidemment mais aussi le soja conventionnel : une espèce auparavant marginale qui représente désormais plus de 1 000 ha de production (6 % du chiffre d’affaires). Le soja permettra notamment d’alimenter nos coopératives pour leurs filières d’élevage. Je pense au groupe Oxyane ou au groupe Valsoleil, qui souhaitent pouvoir se fournir en soja si possible français et non OGM, notamment pour leur filière volaille ; ce que nous savons faire chez Top Semence, avec du soja produit sur la plaine de Lyon, en Isère, dans le Rhône et l’Ain. »

L’ail est aussi un axe sur lequel vous souhaitez investir… 

Y.C. : « Tout à fait. C’est une production emblématique de la Drôme, où notre siège social est situé, et nous sommes obtenteurs sur de nouvelles variétés d’ail que nous souhaitons conserver et développer. Nous allons investir sur cette chaine de manière à pouvoir monter en puissance. Aujourd’hui, Top Semence a 80 ha d’ail en production de semences et notre objectif à court terme est de monter à 120 ha. Nous allons investir dans une usine renouvelée pour assurer la récolte et orienter cette production vers le marché amateur, en s’appuyant notamment sur les magasins de vente de nos sociétaires, pour la plupart des Gamm Vert. »

Comment la société Top Semence s’adapte-t-elle face à la concurrence internationale ?

Y.C. : « La particularité de Top Semence, malgré la fierté d’exister sur un territoire assez large, c’est d’être une union à taille humaine. Notre motivation première, c’est de tirer l’ensemble des équipes et des producteurs vers une qualité premium, du champ jusqu’à la dose commercialisée. C’est un combat quotidien. Concernant la concurrence, notamment sur le maïs semence et le tournesol, notre latitude sur le territoire nous permet d’adapter des variétés et de tirer profit de cette mosaïque du parcellaire. Ce n’est pas simple d’avoir un nombre important de variétés cultivées sur une même espèce mais cette singularité nous permet d’être présent sur des marchés où nos principaux concurrents européens ne peuvent pas aller. On ne fait pas la même variété sur une culture de 10 ha ou de 100. Il faut cultiver toutes ces différences pour nous démarquer. »

Propos recueillis par Marin du Couëdic