EXPÉRIMENTATION
La Sefra, trois décennies d’essais dans le domaine fruitier

A.L. - S.S. - C.L.
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En trois décennies d’essais dans le domaine fruitier, la station d’expérimentation fruits Rhône-Alpes (Sefra) a acquis de solides connaissances. Aujourd’hui, ses compétences sont reconnues au-delà de Rhône-Alpes.

La Sefra, trois décennies d’essais dans le domaine fruitier
1 850 m² de pêchers en 6e feuille ont été couverts de persiennes à Étoile-sur-Rhône. Le reste des plantations est réalisé ce début 2022. Des filets para-grêle seront également posés grâce aux supports des persiennes.

« L'évaluation du matériel végétal constitue une grande partie du programme de la Sefra », souligne son responsable scientifique, Baptiste Labeyrie (ingénieur CTIFL1). La station évalue un nombre important de nouvelles variétés et de nouveaux porte-greffes en abricot, pêche et cerise sur son site central, à Étoile-sur-Rhône. L'adaptation aux conditions pédoclimatiques de la région et les performances technico-économiques de ces nouvelles variétés sont étudiées. En pêche et abricot, un suivi permet également d’observer la sensibilité de certaines variétés aux bioagresseurs (cloque, monilioses…) en l’absence d’intrants phytosanitaires. Enfin, pour ces deux espèces, des évaluations variétales sont également réalisées sur des vergers conduits en agriculture biologique.

Avancer sur les problèmes sanitaires

La lutte contre les principaux problèmes sanitaires au verger est un autre axe de travail de la Sefra. Par exemple, la bactériose de l'abricotier fait l'objet d'un programme d'expérimentation depuis plusieurs années consistant à tester des variétés et des porte-greffes potentiellement tolérants. Par ailleurs, pour lutter contre Drosophila suzukii sur cerisiers, l'application d'argile est testée depuis plusieurs années aussi. En pêchers, des hybrides potentiellement résistants au Xanthomonas sont suivis, en collaboration avec l'Inrae2 d'Avignon.

La station travaille également en collaboration avec les firmes phytosanitaires pour évaluer de nouveaux produits, dont une grande partie sont des produits de biocontrôle, sur différentes problématiques : la cloque du pêcher, les monilioses sur fleurs et fruits, la confusion sexuelle contre la tordeuse orientale du pêcher…

Conduite des vergers et agroforesterie

À la Sefra, sont par ailleurs développés plusieurs programmes sur la conduite des vergers, tels que l'évaluation des performances technico-économiques de différentes formes fruitières palissées ou en gobelet en abricotiers sous filets paragrêle. Un autre essai en cours, en verger d'abricotiers, porte sur la replantation après arrachage et broyage des arbres du verger précédent. Il consiste à évaluer la fertilité des parcelles et à vérifier la bonne reprise de la nouvelle plantation. En outre, en abricotiers et pêchers, des essais de comparaison de systèmes de culture en conventionnel, bio et faibles intrants sont suivis dans le cadre des programmes Dephy Ecophyto. En pêchers, des démonstrations de taille d'hiver et de formation du pêcher sur simple Y et double Y ont rassemblé, début décembre, plus de 110 producteurs.

Sur la plateforme des techniques alternatives et biologiques (Tab), sont étudiés des systèmes en agroforesterie fruitière. Seront particulièrement évaluées les performances de systèmes innovants en agriculture biologique par exemple : association abricotiers-pistachiers et pêchers-amandiers en alternance avec des cultures assolées. Objectif : réduire l'utilisation d'intrants phytosanitaires, restaurer et favoriser la biodiversité. L'enjeu de ces nouvelles parcelles agroforestières est aussi de réaliser des économies en eau et d’évaluer ces systèmes au plan environnemental, économique et social.

Verger agrivoltaïque

La chambre d'agriculture de la Drôme et la Sefra ont choisi de s'associer à la société Sun'Agri pour conduire une expérimentation grandeur nature de verger agrivoltaïque. Près de trois hectares ont été couverts l’automne dernier par des persiennes mobiles. Dessous, sont en cours de plantation différentes variétés en abricot, pêche et cerise. « L'objectif est d'avoir un large panel variétal avec des comportements différents par rapport aux besoins en froid, à la chaleur, à l'ensoleillement, précise Sophie Stévenin, directrice de la Sefra. Nous testerons également différentes formes de conduite : en volume (gobelet, double y en pêchers) mais aussi plates (axe ou palmette) qui permettront de densifier le verger. » Les poteaux métalliques, supports des persiennes, seront utilisés pour le palissage des arbres et pour l'accrochage des filets para-grêle. Juste à côté du verger agrivoltaïque, une parcelle « témoin » d'un hectare, avec poteaux bois pour le palissage et les filets para-grêle, sera également implantée.

Le suivi expérimental démarrera cette année. Il porte d’une part sur le comportement du verger en première feuille, mais seront également suivis 3 700 m² de pêchers (6e feuille), conduits en gobelet, qui étaient déjà en place sur la parcelle. La moitié de cette surface a été recouverte de persiennes avec des pilotages différents, l'autre moitié servira de témoin. « L'intérêt de travailler sur ces pêchers, que nous suivons déjà depuis plusieurs années, est que nous disposerons dès 2022 de résultats de production », souligne Sophie Stévenin. De son côté la société Sun'Agri compte sur cette micro-parcelle pour acquérir les données agronomiques nécessaires à la construction des modèles de croissance qui permettent le pilotage des persiennes sur verger de pêchers.

1 CTIFL : centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.
2 Inrae : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

La ferme expérimentale d'Étoile : un site unique en France

La ferme expérimentale d'Étoile, qui accueille notamment la Sefra, a vu le jour en 1986. Elle est née de la volonté de la chambre d'agriculture et du Département de la Drôme de rassembler des expérimentations sur un même site. Le second en est propriétaire et la loue à la première (bail emphytéotique). À l’origine, cette ferme comptait 25 hectares cultivables. Au fil du temps, elle s'est étoffée. Aujourd'hui, avec la chambre d'agriculture, Arvalis-Institut du végétal (1), Terres Inovia(2), la Fnams(3), l'Anamso(4), le SPSMS(5), la Sefra(6) et le CTIFL(7), la plateforme des techniques alternatives et biologiques (Tab), l’ADA Aura(8) l'association Fruits Plus(9), et l'AGFEE, près d'une quarantaine de permanents y travaillent sur un site de 80 hectares. La diversité des structures rassemblées et les programmes multi-partenariaux conduits sur ce site en font un outil unique. Y sont testées des techniques agricoles innovantes. 23 hectares sont utilisés pour les essais systèmes de la plateforme Tab (techniques alternatives et bio) ainsi que la parcelle Dunière et 12 sont occupés par les vergers de la Sefra. L'exploitation accueille des grandes cultures conventionnelles, des semences, des vergers, un essai système vigne, des plantes à parfum aromatiques et médicinales, des cultures diversifiées en bio ainsi qu'un espace pour l'étude de la biodiversité fonctionnelle.

(1) Arvalis-Institut du végétal : résulte de la fusion, en 2002, entre l'AGPM technique et l'ITCF.
(2) Terres Inovia : institut technique des producteurs d'oléagineux, de protéagineux, de chanvre et de leurs filières (ex-Cetiom).
(3) Fnams : fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.
(4) Anamso : association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses.
(5) SPSMS : syndicat des producteurs de semences de maïs et de sorgho.
(6) Sefra : station d'expérimentation fruits Rhône-Alpes. 
(7) CTIFL : centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.
(8) ADA Aura : Association de développement apicole Auvergne Rhône-Alpes.
(9) Fruits Plus : association qui fédère les arboriculteurs de Drôme, Ardèche, Isère et les accompagne sur des projets respectant une stratégie commune de bassin.