BIO
Une forte dynamique de conversion en viticulture bio

Quels sont les impacts d’une conversion en agriculture biologique sur une exploitation viticole ? C’est la question que se sont posés la Fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab Aura) et le CERFrance Auvergne Rhône-Alpes à travers une étude visant à guider les viticulteurs dans l’évolution de leurs pratiques. Éléments de réponse.

Une forte dynamique de conversion en viticulture bio
Entre 2019 et 2020, les surfaces de vignes cultivées en bio ou en conversion ont augmenté de 24 % en région. ©CERFrance

Au même titre que le monde agricole, la profession viticole s’attache à répondre aux attentes des consommateurs qui se tournent davantage vers des produits locaux, respectueux de l’environnement et de leur santé. Ce constat, cumulé à l’arrêt du glyphosate et à la mise en place des zones de non-traitement (ZNT), encourage les viticulteurs à faire évoluer leurs pratiques. La récente vague de conversions vers l’agriculture biologique a incité la Frab Aura et le CERFrance à réaliser une étude sur l’impact du passage en bio sur les structures viticoles. Aujourd’hui, la France est le deuxième pays producteur de vin bio, derrière l’Italie, avec 137 442 hectares cultivés en bio ou en conversion en 2020, soit 17,3 % du vignoble français. En région Auvergne Rhône-Alpes, 19,2 % du vignoble régional est en bio ou en conversion, soit 9 413 ha de vignes (chiffres : Agence Bio-OC). Entre 2019 et 2020, les surfaces de vignes cultivées en bio ou en conversion ont augmenté de 24 % en région.

Anticiper les coûts supplémentaires

En Drôme-Ardèche, les deux tiers des surfaces en bio concernent les cépages syrah et grenache. Dans le Rhône ou la Loire, 80 % des vignes bio sont en gamay. Enfin, dans l’Ain, en Savoie ou Haute-Savoie, ce sont les cépages jacquère, mondeuse et altesse qui sont les plus utilisés en bio. Si l’évolution des vignobles vers le bio n’est plus à démontrer, une question se pose : produire bio, c’est bien, mais combien ça coûte ? Les auteurs de l’étude se sont basés sur les résultats économiques (moyenne sur les exercices 2018, 2019 et 2020) de 979 exploitations adhérentes au CERFrance (dont 129 en bio ou en conversion), spécialisées en viticulture, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Sur les 129 exploitations bio ou en conversion, 67 ont franchi le cap après 2017. Ce passage en bio nécessite une certaine adaptation, notamment sur le plan technique. La mécanisation et les pratiques de désherbage réclament des investissements humains et financiers plus importants. L’étude révèle que pour les vignes mécanisables, le coût économique du passage en bio est estimé entre 200 et 800 € par hectare, selon la pratique ou non du désherbage mécanique en amont de la conversion.

Être prêt à faire évoluer ses pratiques

Par ailleurs, pour les vignes non mécanisables, le temps de travail peut augmenter de 78 h à l’hectare. « Au global, les résultats économiques des viticulteurs bio sont bons (échantillon CERFrance) : 75 % des structures ont un revenu disponible supérieur à 1,5 Smic », révèle l’étude. Les viticulteurs doivent aussi prendre en compte une baisse de rendement estimé entre 5 et 20 %, au moins les premières années, selon le type de désherbage auparavant effectué (alternatif ou chimique). Toutefois, nombre de viticulteurs interrogés au cours de cette étude ont fait évoluer leur prix de vente à la hausse, en lien avec le coût de production supplémentaire. Face à la progression des ventes de vins bio, les perspectives de développement de la consommation de vins bio sont plutôt rassurantes. Cependant, pour franchir le cap de la conversion, le parcours vers la certification en agriculture biologique doit débuter par une étude de faisabilité du projet : formations, changement de pratiques, matériel nécessaire, main-d’oeuvre disponible ou encore évaluation du coût de production.

Amandine Priolet

En agriculture biologique, pour les vignes non mécanisables, le temps de travail peut augmenter de 78 h à l’hectare.

En agriculture biologique, pour les vignes non mécanisables, le temps de travail peut augmenter de 78 h à l’hectare.
©CERFrance

EN CHIFFRES / La viticulture bio en Aura (fin 2020)

• 1 067 exploitations viticoles en AB ou en conversion
• 4e région viticole bio française, derrière l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte-d’Azur
• 7 % des surfaces de France métropolitaine
• 19 % du vignoble régional en bio ou en conversion, soit 9 413 ha
• 49 % des surfaces viticoles régionales en bio ou en conversion sont situées dans le seul département de la Drôme (4 606 ha pour 355 domaines)
• 8,8 ha de vignes en moyenne par exploitation bio ou en conversion, contre 17 ha en moyenne dans les trois premières régions viticoles bio (Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte-d’Azur).

Agence Bio-OC

TÉMOIGNAGE / Une conversion en douceur pour le domaine La Péquélette
Guillaume Corbin est à la tête du domaine La Péquélette à Vinsobres dans la Drôme. ©CERFrance

TÉMOIGNAGE / Une conversion en douceur pour le domaine La Péquélette

Selon l’Agence bio-OC, 49 % des surfaces viticoles de la région en bio ou en conversion se situent dans la Drôme. Guillaume Corbin, à la tête du domaine La Péquélette à Vinsobres, a fait le choix de la conversion depuis de nombreuses années. Dans le parc naturel des Baronnies provençales, le domaine familial exploite sept hectares de vignes (AOP vinsobres, côtes-du-Rhône et Vin de France), d’oliviers, d’abricotiers et de grenadiers en biodynamie (certifiés Demeter) depuis une quinzaine d’années. « Nous avons commencé à travailler en bio au milieu des années 1990, sans être certifiés », explique Guillaume Corbin, qui a pris la suite de son père sur l’exploitation. « Au-delà du désherbage chimique, nous avions déjà pour habitude d’utiliser du cuivre et du soufre sur les vignes », explique le viticulteur. En 2005, il quitte la cave coopérative à laquelle il adhérait à l’époque pour vinifier ses raisins au domaine. Dans le même temps, il décide de retravailler le sol sous les rangs, seule condition pour arrêter le désherbage chimique et passer en agriculture biologique.

Une conversion voulue et maîtrisée

« La philosophie de travail sur le domaine était déjà proche de celle de l’agriculture biologique. Nous faisions déjà attention aux arbres qui entourent les parcelles, nous n’arrosions pas de produits partout… Le passage en bio s’est donc fait tout en douceur, sans contrainte, puisqu’il s’agissait d’un vrai choix dans l’évolution de notre métier. Nous avons seulement dû nous équiper pour le travail du sol en se dotant d’un interceps et d’une charrue décavaillonneuse mais les investissements ont été moindres puisque nous avons trouvé du matériel d’occasion que l’on a remis au goût du jour », précise Guillaume Corbin. Autre changement dans le quotidien de cette famille de vignerons, celui de la main-d’oeuvre. « Nous avons augmenté le travail manuel et avons donc été obligés d’embaucher davantage de saisonniers ainsi que deux personnes à temps plein. On remet l’homme au milieu du domaine », déclare Guillaume Corbin. Pour la mise sur le marché, il tient compte de ces charges de personnel supplémentaires et de la valeur ajoutée pour augmenter le prix de vente de ses vins, d’environ 30 %. « Nous l’expliquons à nos clients (vente directe, export, grossistes, restaurateurs, cavistes) qui l’acceptent sans aucun problème », raconte-t-il. Ce marché du bio, aussi porteur qu’il soit en viticulture, doit cependant appeler à la prudence, selon Guillaume Corbin. En effet, « on commence à trouver tout et n’importe quoi sous l’appellation biologique. J’ai vraiment l’impression que, devant un gros marché et un déséquilibre entre l’offre et la demande, on baisse les exigences du cahier des charges pour inciter à la conversion en agriculture biologique », regrette-t-il.

A.P.

PLANTS DE VIGNES BIO / Une filière à structurer

L’obligation d’utiliser des plants de vignes biologiques est entrée en vigueur au 1er janvier 2022. C’est l’une des données de l’évolution réglementaire européenne. Cependant, « des freins réglementaires et techniques empêchaient de produire en France des plants de vignes biologiques jusqu’à récemment. Aujourd’hui, nous n’avons donc pas de plants bio disponibles sur le marché français », explique Inès Plumecocq, chargée de mission cultures pérennes à la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). « Nous avons une période de transition qui va s’étaler jusqu’en 2035 durant laquelle un système dérogatoire sera mis en place. Celui-ci stipule qu’en l’absence de plants bio disponibles sur le marché, les producteurs peuvent demander des dérogations pour utiliser du matériel végétal conventionnel. » D’ici là, la filière s’organise et de nombreux travaux ont débuté. Les pépiniéristes sont mobilisés et travaillent sur le sujet, en lien avec des organisations et des groupements bio.

A.P.