Jeudi 4 mai, à l’occasion de son assemblée générale, le syndicat de défense et de promotion du Picodon, a célébré le 40e anniversaire de l’appellation à la ferme du Pradel, à Mirabel, en Ardèche.

Picodon : 40 ans et pas une ride !
Le 25 juillet 1983 le Picodon est reconnu appellation d'origine contrôlée.

En Ardèche et dans la Drôme, le Picodon ne date pas d'hier ! Déjà au XIVe siècle, des écrits évoquent l’existence de ce fromage typique du secteur. Mais c'est le 25 juillet 1983 (après huit ans de travail) que le Picodon est officiellement reconnu comme étant une appellation d'origine contrôlée. Il y a 40 ans, cette première victoire du syndicat de défense et de promotion du Picodon, et notamment d’André Tardieu et de Sylvaine Rey, marque le début d'une nouvelle histoire, celle de fermiers, laitiers, affineurs et transformateurs passionnés et engagés dans la promotion de ce petit fromage. Progressivement, le cahier des charges de l’appellation va se préciser pour améliorer la qualité du produit et, surtout, le protéger davantage.

Une qualité toujours améliorée

Lors de l'assemblée générale, Valérie Keller, déléguée territoriale de l'Inao qui suit le Picodon depuis plusieurs années, a rappelé qu’une appellation n’est pas quelque chose de figé et d’immuable : « Depuis 1983, il y a eu de multiples évolutions, tout en gardant l'identité du produit ». Parmi les dates marquantes : 1996 et 2000, des années où les conditions de production du Picodon ont été précisées afin de relocaliser ce fromage dans sa zone d’origine (la Drôme, l’Ardèche, une partie du Gard et du Vaucluse). La dernière évolution de 2017 cherche à « aller plus loin dans la caractérisation du produit Picodon, de son lien avec l'origine, en passant par la qualité des aliments fournis aux animaux », a détaillé la déléguée de l'Inao.

Le travail d’hier pour répondre aux défis de demain

Plusieurs figures historiques de défense du Picodon ont ensuite pris la parole pour retracer l’histoire de ce fromage local. « Une aventure humaine », « une intelligence collective », « des défis relevés »… C’est une rétrospective nostalgique de ces 40 dernières années qui a été offerte à l’assemblée. Mais la nostalgie n’empêche pas la filière de se projeter dans l’avenir. « Le Picodon est une solution aux défis environnementaux et sociétaux », a défendu la présidente, Karine Mourier. Le Picodon est une production durable, facilitant le maintien de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique, mais aussi le bien-être animal, ont affirmé, tour à tour, les membres du syndicat à la tribune. Mais pour qu’il puisse répondre à ces défis, encore faut-il que le savoir-faire du Picodon perdure ! Car, comme dans toutes les filières, le renouvellement des générations inquiète. Intervention dans les établissements de formations agricoles, communication à destination des éleveurs, accompagnement à la transmission… Autant d’actions du syndicat destinées à favoriser les installations en AOP Picodon. « Regarder loin derrière pour construire loin devant », comme l’a résumé le vice-président, Olivier Moyersoen, c’est la philosophie du syndicat qui a évidemment conclu son assemblée générale par la devise de l’appellation : « Picodon maintiendrons ! »

Pauline De Deus

Karine Mourier quitte la présidence
Avant de tirer sa révérence, la présidente du syndicat de défense et de promotion du Picodon, Karine Mourier a soufflé les 40 bougies du Picodon !

Karine Mourier quitte la présidence

« Je ne serais plus productrice, je ne pourrais donc plus faire partie du syndicat », explique Karine Mourier après l'assemblée générale. Adhérente de l’ODG du Picodon depuis 2005 et présidente depuis 2019, l’éleveuse opère un virage professionnel à 180 degrés : « J’ai passé le concours de prof des écoles », annonce-t-elle. Mais en attendant les résultats et un futur poste, l’éleveuse est toujours sur la ferme de l’Amélie à Préaux, en tant que salariée : « Grégoire qui était salarié est passé associé et je suis devenue salariée… Finalement, il n’y a pas de grands changements ! » Malgré ce départ, Karine Mourier assure qu’elle n’abandonne pas le Picodon : « On habite sur la ferme et mon mari [Sébastien Mourier] reste associé… Je ne serais jamais loin », promet-elle. Jeudi 4 mai, Karine Mourier a présidé sa dernière assemblée générale. D’ici un mois, lors du prochain conseil d’administration, elle passera la main.

Au syndicat du Picodon, la relève est assurée
Nicolas et Gilles Revol, deux générations de picodonniers.
TRANSMISSION

Au syndicat du Picodon, la relève est assurée

Qu’ils soient sur le terrain ou derrière les bureaux, les ambassadeurs du Picodon transmettent leur passion à une nouvelle génération, bien décidée à faire vivre l’appellation.

Des animateurs passionnés

Après 27 années passées comme animatrice du syndicat du Picodon, Paule Ballet continue de s’investir pour l’appellation. Grand maître de la confrérie du Picodon, présidente de la commission de contrôle : des missions entièrement bénévoles qu’elle mène avec plaisir ! Et puisqu’une partie de sa maison est toujours louée au syndicat, il n’est pas rare que son successeur vienne encore la consulter. « C’est elle qui m’a tout appris », assure Simon Bouchet, animateur du syndicat du Picodon depuis un an. De son côté, Paule Ballet ne tarit pas d’éloges sur son protégé : « C’est un garçon formidable. Il comprend vite les choses. Mais c’est une filière où il faut avoir fait le tour du cadran pour tout avoir en tête ». Et Simon Bouchet est bien décidé à en apprendre un maximum, car à 34 ans lui aussi est un passionné « depuis tout petit », dit-il. Après une première vie professionnelle dans le secteur de la coopération internationale, il est revenu vers son premier amour : le fromage ! Transformation, vente, affinage, conseil, il a multiplié les expériences avant d’atterrir au syndicat du Picodon. Un retour aux sources pour ce Parisien dont la mère est ardéchoise et le père drômois.

Picodonniers de père en fils

Après son bac, Nicolas Revol ne se voyait pas éleveur. Il a alors étudié les sciences, la géologie avant de devenir technicien du BTP à Clermont-Ferrand. S’il ne se sent pas vraiment à sa place, c’est le départ à la retraite de ses parents qui le fait réfléchir. En 2017, il se lance dans une reconversion professionnelle pour devenir, à son tour, fromager. Aujourd’hui, Nicolas Revol est installé sur la ferme familiale avec sa compagne Claudine Colonna. S’il a optimisé les bâtiments et augmenté légèrement le cheptel, l’éleveur reste sur le modèle développé par ses parents. Comme eux, il produit principalement du Picodon, avec une cinquantaine de chèvres. Depuis qu’il s’est installé, Nicolas Revol a rejoint le syndicat de l’appellation où ses parents étaient engagée depuis 1985.

AOP PICODON

Tous les voyants sont au vert

Lors de son assemblée générale, le syndicat du Picodon AOP a présenté les chiffres de l'année 2022. Un constat : le Picodon poursuit son ascension !

Sur toutes les zones de vente relevées, le prix moyen du Picodon a augmenté entre 2021 et 2022. En moyenne, le Picodon s'est vendu 2,41 € la pièce, soit une hausse de 9% par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, le Picodon est de plus en plus présent dans les rayons des magasins et sur les étals des marchés. D'après l'étude menée par le syndicat, le taux de présence du Picodon atteint 79 %. Pour ce qui est de la production, ce petit fromage n'échappe pas à la tendance générale : l'AOP Picodon regroupe aujourd'hui 145 opérateurs, contre 216 il y a dix ans. On compte aujourd’hui 67 producteurs laitiers, 57 producteurs fermiers et 13 fermiers livrant aux affineurs, ainsi que 3 affineurs et 5 entreprises de transformation. Même si les opérateurs sont moins nombreux, la production de Picodon continue d’augmenter, pour atteindre 561 tonnes en 2022 (soit une augmentation de près de 80 tonnes depuis 2012).

Le Picodon, ce sont aussi des expérimentations !
Une expérimentation est notamment menée autour du mûrier blanc.

Le Picodon, ce sont aussi des expérimentations !

En lien avec le réseau Cap’Pradel plusieurs expérimentations sont menées sur la ferme du Pradel mais également auprès des éleveurs adhérents. Parmi les projets en cours, le programme ADAoPT, coordonné par l’Institut de l’élevage, et qui vise à accompagner six AOP laitières dans l’adaptation au changement climatique. Pour l’appellation Picodon, quatre thématiques prioritaires ont été identifiées lors de la journée de lancement, le 28 novembre 2022 : l’eau, le fourrage, la valorisation du produit et le travail. Parmi les autres expérimentations menées par Cap’Pradel, le projet "du fourrage au fromage". Avec ce programme, les techniciens de la ferme expérimentale du Pradel testent des fourrages jugés innovants. Cela peut être le mûrier blanc, mais aussi du sorgho, de la chicorée ou du plantain. « On observe la production végétale, les aspects zootechniques, la qualité du lait, le fromage et surtout les aspects organoleptiques pour être sûr que la consommation de ces fourrages permettent la production de Picodon, en lien avec le cahier des charges », précise Philippe Thorey, animateur de Cap’Pradel. Et si vous utilisez des plantes innovantes, n’hésitez pas à contacter la ferme du Pradel !