SANITAIRE
Transhumance et mouvements d'animaux : ce qu'il faut savoir

Mylène Coste
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Les mouvements d’animaux (pension et estives) sont la source la plus fréquente d’introduction de maladies. En pleine période de transhumance, il est important de bien avoir en tête les règles sanitaires à respecter.

Transhumance et mouvements d'animaux : ce qu'il faut savoir
En 2020, 1030 brebis avaient rejoint l'estive du Tanargue pour l'été.

Marion et Nicolas Mounier préparent leur troupeau au grand départ pour les alpages. Eleveurs d’abondances à Saint-Sylvestre (Gaec des Acajous), ils perpétuent chaque année la tradition. « Mon père a mené les bêtes en estive pendant 30 ans, et nous continuons aujourd’hui, indique Nicolas. Le départ est prévu pour le 25 août, avec deux camions, pour acheminer nos 70 vaches laitières vers les alpages de La Plagne. L’estive est gérée par un groupement pastoral (GP) et trois bergers veillent en permanence sur les animaux pour tout l’été, avant le retour en Ardèche début octobre. » Tout au long de l’année, le Gaec des Acajous livre son lait à Danone. Mais durant l’estive, Nicolas et Marion Mounier fabriquent du beaufort au sein de la fromagerie du GP de La Plagne.

Peu d’Ardéchois pratiquent aujourd’hui l’estive ou la mise en pension de leurs bovins. Toutefois, les sécheresses et le manque de fourrage de ces dernières années ont conduit certains éleveurs à opter pour cette solution.

Des règles strictes pour les bovins

Si les transhumances individuelles doivent être déclarées à la DDETSPP1, les transhumances collectives ou mises en pension doivent être notifiées auprès de l’EDE. Outre l’identification obligatoire avec boucles et passeport, les bovins qui se déplacent doivent être accompagnés de leur attestation sanitaire de délivrance anticipée (Asda), y compris pendant le transport. « Les animaux doivent obligatoirement être indemnes d’IBR, indique Sylvie Gleize, technicienne au sein du GDS de l’Ardèche. Ils doivent également être qualifiés non-IPI pour la BVD. » Plus largement, la technicienne invite à la prudence sur le parasitisme : « Lorsqu’il y a mélange de troupeaux, il est important d’interroger leurs propriétaires sur leur état sanitaire. Cela vaut pour la montée comme pour la redescente du lieu de l’estive ou de la pension ».

Vigilance sur la besnoitiose !

Concernant la besnoitiose, la règlementation diffère d’un département à l’autre. L’éleveur est donc tenu de bien se renseigner sur les obligations en vigueur dans son département d’accueil. « De plus en plus de départements exigent un résultat négatif en besnoitiose, notamment les Savoies et l’Isère, avertit Sylvie Gleize. Il est donc indispensable pour les éleveurs ardéchois souhaitant faire transhumer leurs animaux dans les alpages. » 

Depuis des années déjà, la lutte contre la besnoitiose est une préoccupation majeure en Ardèche. Ce n’est toutefois pas encore le cas dans les départements voisins de la Lozère et de la Haute-Loire, avec lesquels la discussion n’a pas encore abouti à une harmonisation des règles. Néanmoins, la Haute-Loire a lancé des actions de dépistage sur la totalité des troupeaux laitiers et envisage le dépistage d’une partie des éleveurs allaitants à la prochaine prophylaxie. « Quoi qu'il en soit, nous appelons les éleveurs ardéchois à la plus grande vigilance, insiste Sylvie Gleize. Nous avons d’ailleurs à plusieurs reprises été sollicités par des éleveurs dont les bovins avaient contracté la maladie suite à une estive, avec des conséquences économiques qui peuvent être lourdes. » D’autant plus que la besnoitiose se transmet très facilement (par piqure d’insecte) et peut entraîner la mort de l’animal. 

Brucellose obligatoire pour les petits ruminants

Pour les ovins et caprins, les règles sanitaires sont simples. « Pour tout mouvement à l’intérieur ou hors du département, une autorisation de transhumance délivrée par la DDETSPP est indispensable, et tous les animaux doivent être indemnes de brucellose, rappelle Stéphane Klotz, chef du service Santé et protection animales à la DDETSPP. Si le troupeau transhume hors du territoire, une autorisation du département d’accueil est également exigée. Attention, à la différence de l’Ardèche où la prophylaxie brucellose est quinquennale, certains départements exigent un dépistage annuel. » Outre la brucellose, certains gestionnaires d’estives collectives exigent d’autres garde-fou sanitaires. S’il n’est pas obligatoire, réaliser son statut sanitaire2 avec le GDS est aussi vivement conseillé. 

Outre ces transhumances estivales, la DDETSPP reçoit de plus en plus de demandes de mouvements d’animaux dans le cadre de prestations d’éco-pâturage. L’Ardèche reçoit également quelques troupeaux en provenance d’autres territoires, en transhumance hivernale.

Mylène Coste

1.       Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations, ancienne DDCSPP fusionnée avec la Direccte.
2.       Quatre maladies chroniques sont recherchées : Paratuberculose, Clamydiose, Fièvre Q, Visna et Maëdi pour les ovins, Caev pour les caprins.
Nicolas Mounier, éleveur d'abondances à Saint-Sylvestre, conduira ses bêtes à l'estive de la Plagne dans les prochains jours.
Nicolas Mounier, éleveur d'abondances à Saint-Sylvestre, conduira ses bêtes à l'estive de la Plagne dans les prochains jours.

De quoi parle-t-on ? 

L’estive individuelle correspond au déplacement du troupeau dans d’autres parcelles (en propriété ou location), sans qu’il y ait mélange avec d’autres cheptels.

L’estive est dite collective lorsqu’elle accueille des animaux de différents élevages sur une même pâture.

La pension est une convention par laquelle une personne prend un animal en charge, s’engage à le nourrir, le surveiller et le soigner, contre rémunération. Celui qui prend les bêtes en pension en assume la garde juridique.

Quels impacts sur les aides Pac ?

PAC / La transhumance individuelle ou collective, tout comme la mise en pension, peuvent avoir des conséquences sur les aides Pac de l’exploitant. 

L’exploitation d’estives individuelles donne accès à des droits à paiement de base (DPB) pour l’exploitant. S’agissant d’une estive collective, gérée par un groupement pastoral (GP), chacun des membres peut bénéficier de DPB sur les surfaces déclarées par le groupement. Dans ce cas, les DPB sont répartis à chacun des membres du GP au prorata temporis1 des effectifs. Pour la pension, seul l’exploitation d’accueil des animaux peut bénéficier de DPB pour les surfaces sur lesquelles ils sont accueillis en pension.

Quid de l’ICHN ?

Le montant de l’ICHN étant modulé selon le chargement en animaux de l’exploitation (c’est-à-dire le nombre d’UGB/ha), la mise en pension d’animaux entraîne une baisse de ce chargement. Durant le temps de la pension, l’exploitant n’est plus détenteur des animaux concernés ; les bovins sont en effet comptés dans le chargement de l’exploitation d’accueil au prorata temporis.

Dans le cas d’une estive individuelle, l’éleveur de départ reste détenteur des animaux de A à Z, il n’y a pas d’incidence sur le chargement. L’exploitation de transhumance doit déposer un dossier surface. Les surfaces fourragères seront réaffectées au prorata du nombre d’animaux placés l’année suivante dans les dossiers individuels. 

Pour les estives collectives gérées par un GP, chaque membre peut prétendre à l’ICHN sur les surfaces réparties au prorata temporis du nombre d’UGB placées annuellement sur le groupement pastoral.

Les gestionnaires d’espaces pastoraux peuvent aussi avoir droit à des aides dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec).

1.       Pour le temps passé en alpage.

Chiffres clés (pour 2020)

19 exploitations ont transhumé leur troupeau à l’intérieur du département

  • 15 élevages ovins (1030 bêtes) en estive collective sur le Tanargue.
  • 2 élevages bovins et 2 caprins/ovins en estive individuelle.
  • 3 élevages bovins (90 bovins) en estive collective sur le plateau.

30 exploitations ont transhumé leur troupeau hors-Ardèche

  • 15 élevages ovins en estive individuelle.
  • 1 élevage bovin et 3 caprins/ovins en estive individuelle.
  • 11 élevages ovins (2137 animaux) en estive collective (Drôme, Savoies, Isère, Loire, Haute-Loire, Bouches-du-Rhône, Vaucluse…).
  • 6 élevages bovins (264 bovins) en estive collective en Savoie, Haute-Savoie et Haute-Loire

6 troupeaux de l’extérieur ont transhumé en Ardèche

  • 1 troupeau d’ovins (1020 animaux) en estive hivernale individuelle.
  • 5 troupeaux d’ovins (746 animaux) en estive hivernale collective.