NÉONICOTINOÏDES
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale

Christophe Soulard
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NÉONICOTINOÏDES / Après avoir été présenté le 3 septembre en conseil des ministres, le projet de loi visant à autoriser l’utilisation de néonicotinoïdes pour les betteraves à sucre, a été déposé le jour même sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale
Le projet de loi « ne permettra pas de réintroduire les néonicotinoïdes, mais permettra des dérogations quand il y a une urgence sanitaire », a indiqué Julien Denormandie.

Comme il l’avait annoncé le 31 août à BFM TV au micro de Jean-Jacques Bourdin, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, a déposé le 3 septembre, avec la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, le projet de loi permettant l’utilisation de néonicotinoïdes « sous certaines conditions », pour la betterave sucrière. Julien Denormandie a d’ailleurs précisé que « ce projet de loi ne permettra pas de réintroduire les néonicotinoïdes, mais permettra des dérogations quand il y a une urgence sanitaire ». Surtout ces dérogations seront « réservées » à la culture de la betterave et ne pourront être étendues à d’autres cultures, a indiqué le gouvernement le 2 septembre.

« Arguments fallacieux »

Cette annonce vient totalement contredire les propos de la députée Delphine Batho (EDS, Deux-Sèvres), présidente de Génération Écologie, qui, lors d’une conférence de presse, le 2 septembre, a soutenu mordicus, que ce « texte autorisera les dérogations pour tout type de culture en France », à l’image de la demande de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) qui souhaite lutter contre des invasions de mouches. « Juridiquement, le projet de loi ne se limite pas à la betterave », a insisté la députée. Ce qui est en partie vrai : se référant à un texte européen générique, le texte ne portera pas formellement la mention « betteraves ». Furieuse contre ce « revirement spectaculaire » du gouvernement, la députée a expliqué que le lobby agricole et agroalimentaire profitait de la crise du Covid pour « mettre en avant des arguments fallacieux […] ». Le porte-parole du parti écologiste, Quentin Guillemain, a souhaité, comme sa présidente, « rétablir la réalité des faits », mais s’est livré à une vaste opération de désinformation.

« Souveraineté et indépendance »

Concrètement, le texte présenté par le gouvernement s’appuie sur l’article 53 du règlement européen relatif aux produits phytosanitaires permettant de déroger à l’interdiction de certains de ces produits lorsqu’il existe un « danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ». En l’espèce, il s’agit de la jaunisse de la betterave. Ses effets sont sans appel selon les organisations agricoles : plus du tiers des betteraves sont malades avec 30 à 50% de la production perdue ! En termes financiers, la perte probable est estimée à au moins 150M€ et pourrait même atteindre les 200M€ pour les planteurs. Certains agriculteurs pourraient perdre plus de 1000€ par hectare. Interrogée sur ce sujet le 2 septembre à Radio Classique, Christiane Lambert a justifié la démarche du gouvernement. « Il faut revenir au cadre européen car la France était le seul pays à avoir inscrit cette interdiction des néonicotinoïdes dans la loi », a-t-elle dit. « C’est une question de souveraineté et d’indépendance […] Moi je ne veux pas laisser tomber la filière de la betterave et que demain mes enfants ne mangent que du sucre belge ou allemand », avait indiqué Julien Denormandie le 31 août. Le projet de loi devrait être discuté en commission économique le 23 septembre avant un débat et son adoption, en séance, dans l’hémicycle, le 5 octobre. Le gouvernement a précisé que la dérogation vaudra pour les années 2021, 2022 et 2023. Elle sera soumise à un arrêté qui sera pris conjointement par les deux ministères : Agriculture et Transition écologique.

Christophe Soulard