EXPERIMENTATION
Couverts végétaux et voiles d'ombrage, pour atténuer les effets du changement climatique

Marine Martin
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Dans le cadre du programme AdaptENUER, qui fait partie du dispositif régional PEPIT, une combinaison de leviers d’adaptation et d’atténuation au changement climatique sur vignoble est mis en place pour trois ans, par la chambre d’agriculture de l’Ardèche et ses partenaires. Retour sur la visite d'une des parcelles expérimentales du Domaine Olivier de Serres, qui a eu lieu en septembre.

Couverts végétaux et voiles d'ombrage, pour atténuer les effets du changement climatique
L'expérimentation a révélé qu'il existe une différence d'un degré d'alcool entre les rangs bénéficiant de voiles d'ombrage et ceux qui n'en ont pas. ©AAA_MM

Pour cette deuxième année d’expérimentation, une visite de parcelle expérimentale a eu lieu au début des vendanges dans le secteur. Malgré tout, quelques vignerons ont fait le déplacement, curieux d’en apprendre davantage sur les essais en cours. Sur cette parcelle, quatre leviers d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ont été mis en place simultanément : travail du couvert végétal permanent, un rang sur deux, voiles d’ombrage et taille tardive, sur un cépage blanc Rolle de sept ans. « Nous avons vinifié le témoin, l’an dernier (partie non ombragée N.D.L.R) et la partie ombragée l’an dernier qu’on revinifie cette année », introduit Coline Goursolle, chargée d’étude à l’Institut Rhodanien d’Orange, l’un des partenaires du programme.

Couverts végétaux : « Avoir un sol équilibré et peu consommateur d’eau »

Appliquant la méthode « MERCI », développée en 2010 par la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, l’objectif est de « tester différents couverts végétaux dans le contexte du changement climatique ». Sur cette parcelle, un rang sur deux a été semé avec de l’avoine de printemps, de la vesce de printemps et de la gesse, ce qui a permis une restitution de 140 kg/ha de potassium, 15 kg/ha de phosphore et 55 kg/ha d’azote. « Il faut environ quatre années d’enfouissement pour observer les bénéfices et l’augmentation de la matière organique et azotée », explique Coline Goursolle. Un couvert végétal se compose d’environ quatre à cinq variétés différentes sélectionnées pour assurer un bon équilibre. Ce mélange doit contenir des nutriments comme l’azote, le phosphore et le potassium. « Notre objectif principal est d’obtenir un couvert qui apporte de la matière organique tout en maintenant un sol équilibré et économe en eau », indique la chargée d’étude.

Un nouveau semis réalisé en septembre est expérimenté cette année, consistant en un mélange plus adapté au climat méditerranéen et nécessitant moins d’eau, comme le précise, José Guzman Salinas, conseiller spécialisé Viticulture sud Ardèche et Agronomie à la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Ce mélange inclut du trèfle blanc type ladino, du trèfle souterrain, de la luzerne méditerranéenne à forte dormance et de la luzerne méditerranéenne à dormance modérée. Pour mesurer les impacts du couvert sur le sol de la vigne, des sondes tensiométriques sont installées afin de vérifier si le sol s’assèche plus rapidement ou non. Une seconde date de semis réalisé début octobre, permettra d’analyser quel impact ont les dates choisies pour semer, sur le développement, en termes de biomasse finale et d’apport organique.

Un degré d’alcool en moins, dans les rangs avec voiles d’ombrage

Face au changement climatique, ombragé les vignes ne semblent pas être une hérésie. La visite se poursuit donc dans les rangs, dévoilant les voiles d’ombrages installés fin août 2023, en pleine canicule et sécheresse, juste avant les vendanges. « Ces voiles ont une durée de vie d’environ 20 ans et commencent à arriver sur le marché. Ils existent avec différentes opacités, allant de 25 % à 90 % de filtration de la lumière. Nous avons constaté que, avec une filtration de 70 %, les résultats sont les plus prometteurs », explique Coline Goursolle. Elle rappelle aux vignerons qu’il est recommandé de les installer quelques semaines avant les vendanges et de ne pas les poser avant la floraison, car cela peut diminuer la fécondité à long terme. Au Pradel, l’évaluation de l’efficacité de ces voiles d’ombrage a déjà commencé à porter ses fruits.

Lors de la vinification 2023, une comparaison a été faite entre les rangs témoins sans voiles d’ombrage et ceux qui en étaient équipés. Les résultats sont clairs : « Avec les voiles d’ombrage, nous constatons une diminution d’un degré du taux d’alcool dans la vinification. Et en termes de rendement, nous restons à peu près au même niveau, à 4 litres près », constate la chargée d’étude de l’institut rhodanien. Qui plus est, d’un point de vue gustatif, les techniciens ont également noté une différence : « On observe une belle acidité qui n’est pas présente chez le témoin », analyse José Guzman Salinas.

D’autres aspects peuvent s’avérer avantageux pour les viticulteurs : les voiles d’ombrage peuvent être relevés lors des vendanges mécaniques et de la taille. « On peut également traiter les vignes par-dessus, les produits passant à travers », ajoute Coline Goursolle. De plus, ces voiles aident à prévenir le phénomène d’échaudage. Les techniciens ont également constaté que les grappes sous voiles d’ombrage sont moins endommagées. « Il n’y a pas nécessairement plus d’humidité, car l’air circule, ce qui limite le risque de maladies. Les baies sont plus vertes et plus aromatiques. »

Au niveau de son prix, « on est entre 8 500 et 10 000 euros l’hectare. Mais ce prix va baisser au fur et à mesure de sa mise sur le marché », affirme la guide du jour. À ce prix-là, les voiles d’ombrages peuvent également protéger contre les aléas climatiques et notamment de la grêle.

Du plastique dans les vignes

Hormis le prix, les voiles d’ombrage présentent-ils uniquement des points positifs ? Le matériau, composé de plastique, soulève des interrogations au sein des vignerons présents. « Incorporer du plastique dans nos vignes ? » s’insurge une vigneronne. « Nous devrions plutôt opter pour la revégétalisation pour ombrager nos vignes », ajoute-t-elle. « Nous avons demandé à ce que soient travaillées des voiles d’ombrage fabriqués à partir de matériaux renouvelables et recyclables », assure de son côté, Coline Goursolle.

Face au changement climatique, il est clair qu’il n’existe pas de solution unique. Les options proposées dépendent de divers facteurs et des itinéraires techniques adoptés par les producteurs. Dans ce contexte, les voiles d’ombrage peuvent être un atout précieux pour protéger la production au niveau de la qualité et du rendement, contre des conditions climatiques de plus en plus extrêmes et le réchauffement, qui entraîne une augmentation du degré d’alcool. D’ailleurs, cet outil pourrait bien rentrer dans le cahier des charges des appellations de l’INAO.

M.M.

Raisin du rang "témoin", sans voiles d'ombrage. ©AAA_MM
Grappe sous voiles d'ombrage. ©AAA_MM