Faire mieux avec moins. C’est ce que tentent de faire les agriculteurs pour réduire leurs charges. Les serristes eux misent sur les coûts énergétiques. Mais les plants suivent-ils au niveau agronomique, quand l’énergie est réduite ? Réponse avec les essais menés à Carquefou (Loire-Atlantique).
Alors que les exploitations agricoles sont dans le dur depuis plusieurs mois, toutes cherchent à limiter les factures après l’explosion des charges et des prix énergétiques, tandis que les ménages scrutent le ticket de caisse. Résultat : des trésoreries au plus bas et des maraîchers, notamment, qui ne savent plus par quel bout prendre le problème.
Dans les serres, les travaux menés au CTIFL de Carquefou (Loire-Atlantique), ouvrent une voie et une éclaircie. L’objectif : mettre en place une conduite climatique économe en énergie. Des essais ont débuté en 2023 et se poursuivent cette année. Dans les faits, Serge Le Quillec, ingénieur d’expérimentation responsable du programme technique sous serres de l’unité serre de Carquefou, a présenté les essais menés sur des conduites énergétiques à plus faible consommation (200-220k Wh/m²), réalisés sur une culture de tomates sous serre, sur trois variétés : xaverius, provine et trovanzo. Le principe : comparer une conduite climatique témoin classique (avec limitation des températures minimales du réseau Forcas et un confinement de jour) à une conduite économe. Cette dernière implique une limitation des températures minimales du réseau Forcas, avec un confinement de jour plus important (+ 1°C) et des baisses de consignes de températures de jour (- 1,5°C) et de nuit (- 1,5°C). Par ailleurs, face aux risques de condensation, les expérimentateurs ont décidé de maintenir la phase de relance sur toute la campagne, avec des consignes de températures d’aération de 23°C le jour, et de 24°C + 1°C sur le rayonnement instantané (RI) sur la conduite témoin et 24°C + 2°C sur le RI sur la conduite économe.
Possible, mais…
La campagne expérimentale 2023 a montré que cette conduite économe était réalisable sans pénaliser le rendement, à condition de privilégier l’utilisation du réseau en végétation et d’abandonner les stratégies de température minimale des réseaux de chauffage, tout en valorisant l’apport solaire par un confinement de jour plus important.
Cependant, pour atteindre cet objectif d’économie, tout en maintenant des rendements commerciaux acceptables, certains équipements sont indispensables : tout d’abord, il faut une serre haute pour tamponner la température et l’humidité ; ensuite, un brassage de l’air est nécessaire pour homogénéiser température et humidité ; de plus, un double écran thermique/ombrage est fortement conseillé pour maximiser l’économie ; enfin, un capteur infrarouge pour la température de plante et un simulateur de température de fruit pour suivre la condensation et adapter les consignes de température et d’aération sont nécessaires.
Mieux, les expérimentateurs ont poussé les consignes en allant jusqu’à de très faibles consommations (150 kWh/m²), et cela s’est avéré porteur d’informations, même si actuellement cette conduite pose plus de soucis qu’elle n’offre de solution économique viable. En effet, une baisse des consignes de nuit et un confinement plus important de jour pénalisent le rendement précoce, à un moment où le marché valorise justement ce produit avec des cours intéressants, d’autant que le prix du gaz naturel actuel ne permet pas de compenser la perte de chiffre d’affaires enregistrée (-0,40 €/m²). De plus, cette conduite très économe nécessite une attention accrue dans les serres, car elle vient accentuer encore davantage les phénomènes de condensation (entre 60 et 70 % du temps de nuit en condensation sur feuille en conduite économe), obligeant le serriste à suivre encore plus scrupuleusement la conduite thermique de la serre et sanitaire des fruits. Le projet s’est poursuivi cette année. Résultats à venir.
Des différences agronomiques notées entre les deux conduites
Dans le détail, 81 à 86 % de la consommation sont réalisés fin mai (voir tableau), la conduite économe permettant de réaliser 34 % d’économie comparativement au témoin. À noter toutefois que la consommation de la conduite témoin (172 kWh/m²) est très largement inférieure à une conduite professionnelle.
Sur la plante, les observations montrent une perte progressive d’un bouquet au niveau du stade floraison avec la conduite économe, et un retard d’un bouquet récolté en début de récolte et de 1,5 bouquet en fin. Au final, la croissance est réduite de 65 cm sur les plants ‘économes’ et aucune différence significative n’est relevée au niveau du diamètre de tige. Côté rendement, la perte moyenne atteint 1,3 kg/m² sur le rendement agronomique fin mars et 1,9 kg/m² sur le rendement fin août, avec des écarts stables pour deux variétés (xaverius et provine), mais en augmentation pour trovanzo. Quant au poids moyen, fin août, une augmentation du poids moyen des fruits pour xaverius et provine a permis de stabiliser les écarts de rendement, tandis que le poids moyen est identique pour trovanzo. In fine, la perte moyenne est de 29,5 fruits commercialisables/m² fin août.
Au niveau sanitaire, l’essai pointe des attaques de mildiou et de cladosporiose plus marquées en conduite économe.
Enfin, au niveau économique, trovanzo accuse la perte la plus importante (5,50 €/m²), contre une moyenne de 2,95 €/m² pour xaverius et provine au niveau des chiffres d’affaires bruts (voir graphique).