ÉLEVAGE
L’Ardèche se mobilise pour éviter la désertification vétérinaire

Les vétérinaires ruraux se font de plus en plus rares en Ardèche, alors même que leur rôle est crucial. Le GDS, le syndicat des vétérinaires et les services de l’État se mobilisent pour enrayer le risque de désertification vétérinaire.

L’Ardèche se mobilise pour éviter la désertification vétérinaire
Les gardes et astreintes, contraignantes, sont un vraie frein au recrutement.

L’Ardèche pourrait-elle devenir un « désert vétérinaire » ? C’est en tout cas ce que craignent les éleveurs. Avec l’Aude, l’Ardèche est l’un des départements les plus mal lotis. En effet, les vétérinaires « ruraux » (exerçant auprès des animaux d’élevage) y sont de moins en moins nombreux. « De plus en plus de vétérinaires abandonnent l’activité rurale pour se consacrer exclusivement à la canine, plus lucrative, souligne Margot Brie, coordinatrice des actions techniques du GDS de l’Ardèche. Parmi ceux qui continuent d’officier en élevages, certains arrivent en fin de carrière et pourraient ne pas être remplacés. » Plus problématique encore, certains cabinets sont rachetés par de grands groupes qui suppriment l’activité rurale pour se consacrer exclusivement aux animaux domestiques.

Résultat : la continuité des soins est parfois menacée. En 2021, les éleveurs du Nord-Ardèche se sont brutalement retrouvés sans vétérinaire suite à l'arrêt de l'activité rurale d'un cabinet. « Les éleveurs n’avaient plus de vétérinaire sanitaire pour réaliser la campagne annuelle de prophylaxies pourtant obligatoire, les qualifications des bovins qui sont indispensables pour la commercialisation, ni la continuité des soins précise Margot Brie. Il a fallu faire appel à une vétérinaire contractuelle pour pallier l’urgence. Mais des solutions de long terme restent à inventer. »

Des gardes et astreintes contraignantes

Pourquoi le métier peine-t-il tant à attirer de nouveaux candidats ? Pour des raisons économiques, tout d’abord. L’équation est simple : les activités rurales sont peu lucratives, tandis que la densité d’élevage en Ardèche est faible, avec des petites fermes, éloignées les unes des autres et des trajets parfois très longs. « Il est clair que la canine est beaucoup plus rentable, et les dépenses pour les animaux de compagnie ne sont pas toujours rationnelles…, estime Sylvain Balmelle, éleveur et délégué du GDS. Par ailleurs, les jeunes vétérinaires qui choisissent d’exercer en rurale préfèrent aller dans le Charolais qu’en Ardèche ! »

Mais avant même la question financière, les conditions de travail et en particulier les gardes et astreintes restent le principal frein au recrutement. Peu de vétérinaires assurent aujourd’hui des astreintes en rurale, contraignantes et peu rentables. Des astreintes pourtant vitales pour les élevages.

Des solutions en constructions

Afin d’enrayer la pénurie de vétérinaires, la mobilisation s’organise. Le GDS de l’Ardèche et le syndicat des vétérinaires travaillent main dans la main avec les services de l’ État sur le sujet, en lien avec la chambre d’agriculture et les collectivités. Déjà, plusieurs solutions se dégagent.

Tout d’abord, la mutualisation des gardes entre plusieurs cabinets pourrait permettre d’alléger la charge des vétérinaires. La mise en place d’une plateforme de tri des appels lors des astreintes, pour cibler les urgences, pourrait également voir le jour.

Le développement de la télémédecine pourrait également être encouragé (lire ci-après). « Nous souhaitons mettre l’accent sur des solutions pérennes, comme les investissements dans du matériel pour les cabinets (contention, etc.), la construction ou mise à disposition de logements pour les étudiants… », souligne Margot Brie. Autre axe de travail : jouer sur l’attractivité du métier et du territoire en nouant des liens avec les étudiants vétérinaires, organiser des visites d’élevage et de cabinets…

Michaël Richard, président du GDS de l’Ardèche, de conclure : « Si l’on veut continuer à avoir une alimentation locale et de qualité, il faut veiller à préserver tous les maillons du monde de l’élevage. À l’heure où l’on n’a jamais autant parlé de bien-être animal, les vétérinaires ruraux sont des partenaires essentiels ! »

Mylène Coste

La présence de vétérinaires ruraux est essentielle, pour assurer les prophylaxies obligatoires, les qualifications nécessaires pour la commercialisation, comme pour les soins courants tout au long de l'année.

Les communes et collectivités peuvent agir !

Adoptée fin 2020, la loi Ddadue autorise les collectivités territoriales à attribuer des aides aux vétérinaires qui assurent la continuité de soin des animaux d’élevage dans des territoires sous-dotés

Les collectivités peuvent, par exemple, aider au financement du matériel dans les cabinets ruraux, ou encore rémunérer l’embauche d’un stagiaire. Les collectivités peuvent aussi aider les vétérinaires à trouver des locaux ou des logements, faciliter la construction de cabinets, accompagner les conjoints dans la recherche d’emploi … La mairie de Saint-Félicien a par exemple mis à disposition un logement pour l’accueil d’un stagiaire ou d’un jeune diplômé.

Et ailleurs ? 

La désertification vétérinaire n’est pas propre à l’Ardèche ! La Corrèze a lancé au printemps un plan « Santé Corrèze animal », pour lequel le Département a mobilisé 1,2 millions d’euros. Ce plan prévoit la création d'un service d'aide vétérinaire d'urgence, avec un numéro unique d'appel pour les urgences la nuit et le week-end. Il propose aussi une aide de 20 000 € à l'installation pour les vétérinaires, ou encore des indemnités de logement et de déplacement pour les stagiaires. Il octroie également des aides financières pour la création ou l'agrandissement de maisons de santé vétérinaire.

Le Département de l’Isère a quant à lui mis 100 000 € sur la table pour enrayer la désertification médicale. Outre les indemnités de logement octroyés aux stagiaires, les jeunes vétérinaires ruraux qui s’installent bénéficient d’aides aux déplacements et d’une aide forfaitaire de 15 000 € pour un engagement de trois ans minimums.

M.C.

La télémédecine au service de vos bêtes !

La télémédecine au service de vos bêtes !

 

 

La télémédecine vaut aussi pour les soins vétérinaires ! Dans les zones rurales, elle peut permettre de diagnostiquer et de traiter les animaux à distance, avec un téléphone doté d’un appareil photo / caméra, en évitant les déplacements. Meddy Guilhon, éleveuse de bovins, ovins, porcs et volailles à Berzème, en fait déjà usage. « Dès que j’ai un souci, j’envoie une vidéo à mon vétérinaire qui répond très rapidement, m’aide à identifier les symptômes et me prescrit les soins ou médicaments appropriés. Il se déplace si besoin, mais souvent, c’est inutile. Cela économise donc des trajets et des frais ! »

La télémédecine offre également la possibilité de faire intervenir des vétérinaires spécialistes pour des pathologies spécifiques, à distance. Il existe déjà des applications mobiles spécialisées en télémédecine telles que Vet’App. Le mieux reste toutefois de proposer la télémédecine à votre vétérinaire référent.