VITICULTURE
Comment les cépages résistants s’adaptent-ils en Sud-Ardèche ?

Mylène Coste
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VITICULTURE / La Chambre d’agriculture lance une étude de trois ans sur l’adaptation des cépages résistants (mildiou, oïdium) aux conditions pédoclimatiques de l’IGP Ardèche. Cette expérimentation est menée en partenariat avec Vignerons Ardéchois sur plusieurs parcelles en Sud-Ardèche.

Comment les cépages résistants s’adaptent-ils en Sud-Ardèche ?
A Grospierres, les parcelles de Floréal ont été vendangées cette année.

C’était le bon moment. « Depuis trois ans déjà, à l’initiative de Vignerons Ardéchois, des cépages résistants aux maladies ont été plantés dans des parcelles en Sud-Ardèche, indique Maud Bonnefoux, conseillère viticulture à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Ils entrent tout juste en production : c’est donc le bon moment pour pouvoir étudier leur comportement et leur adaptation à nos terroirs. »

Financée par la Région Auvergne Rhône-Alpes dans le cadre des projets Pepit1, cette étude sera conduite sur trois ans et porte essentiellement sur trois cépages résistants aux maladies plantés en Bas Vivarais : Muscaris et Floréal en blanc, ainsi qu’Artaban en rouge (ce dernier n’entrera en production qu’à l’été 2021). Fruits de dizaines d’année de recherches menées par l’Inrae et l’IFV, ces deux derniers cépages sont issus de différents croisements de gènes qui génèrent une résistance durable à l’oïdium et au mildiou.

Mesurer l’adaptation aux conditions pédoclimatiques

« L’objectif est de tester leur adaptation aux terroirs de l’IGP Ardèche dans le Bas Vivarais, et d’observer leurs comportements en fonction des caractéristiques des parcelles : comment s’adapte tel cépage à tel ou tel profil hydrique ? À tel ou tel type de sol, topographie, climat ? », explique Maud Bonnefoux. 

L’objectif final est d’acquérir des références et d’établir des règles de décision pour orienter les vignerons sur le choix de nouveaux cépages nécessitant peu de couverture phytosanitaire selon le terroir et selon le profil de vin recherché.

Connaître pour orienter

L’étude porte également sur le comportement des cépages jusqu’à la micro-vinification. « Il s’agit en effet de voir comment se dégustent ces vins, et pourquoi pas de pouvoir ainsi adapter nos itinéraires de production et de vinification en fonction des objectifs de marchés et de consommation, souligne Maud Bonnefoux. On sait par exemple que le Muscaris, vendangé cette année début août, est très précoce : il peut donc être intéressant de pousser un peu plus l’an prochain vers des vendanges à surmaturité pour observer quel goût on peut en retirer. Cela permettra également de voir comment ces cépages s’adaptent aux forts coups de chaleurs de fin d’été. »

M.C.

1. Pôles d'expérimentations agricoles partenariales pour l'innovation et le transfert aux agriculteurs.

Le Muscaris, planté il y a un peu plus de deux ans, notamment dans les secteurs de Labeaume et de Balazuc, a été vendangé dès le 6 août !
Le Muscaris, planté il y a un peu plus de deux ans, notamment dans les secteurs de Labeaume et de Balazuc, a été vendangé dès le 6 août !
« Les qualités gustatives de ces cépages seront déterminantes ! »
Philippe Dry . ©J.F. Arnaud

« Les qualités gustatives de ces cépages seront déterminantes ! »

TROIS QUESTIONS À / Philippe Dry, directeur de Vignerons Ardéchois.

Pourquoi participer à cette expérimentation sur les cépages résistants ?

Philippe Dry : « L’intérêt des cépages résistants est d’aller toujours plus loin dans la réduction des traitements, de nos impacts sur les sols et l’environnement. Le travail qui s’amorce en la matière ne doit cependant pas être pris isolément : toutes les actions que nous menons aujourd’hui (développement de la HVE et de l’agriculture biologique, travail sur les couverts végétaux, etc.) concourent à cet objectif environnemental. La résistance aux maladies est un réel défi : il nous fallait pouvoir tester ces cépages résistants sur le terrain, pour en tester non seulement l’efficacité mais également l’adaptabilité à nos terroirs. »

Quels pourraient être les difficultés ?

P.D. : « La résistance aux maladies est certes un enjeu important, mais ce n’est pas le seul. Nous sommes dans un contexte de réchauffement climatique qui ne devrait que s’amplifier, nous avons donc besoin de cépages résistants aux maladies, mais qui soient aussi plus ou moins adaptés aux conditions sèches que l’on connaît ces dernières années. Parmi les cépages testés, le Muscaris est par exemple très précoce, ce qui n’est pas forcément opportun pour nous. C’est donc tout l’intérêt de ces expérimentations. D’autres essais pourraient d’ailleurs suivre, avec nos souches et nos cépages traditionnels, plus tardifs. »

Et en matière de goût ?

P.D. : « Les qualités organoleptiques et gustatives de ces cépages seront déterminantes ! Les consommateurs recherchent des garanties environnementales, mais ils achètent un vin avant tout pour son goût. Cette année, ces nouveaux cépages en test ont produit en quantité suffisante ; nous allons pouvoir les isoler en cuve pour pouvoir les déguster par la suite et pouvoir en tirer nos premières impressions. Nous tenons à conserver les caractères organoleptiques de nos vins et de nos terroirs ! »

Propos recueillis par M.C.