CIRCUITS COURTS
« La mutualisation logistique est un véritable enjeu »

QUESTIONS À / Nils Olivier, fondateur et président de l’application Internet Le Chemin des Mûres. Accessible depuis début janvier en Ardèche, cet outil numérique permet d’optimiser la logistique des circuits courts.

« La mutualisation logistique est un véritable enjeu »
Nils Olivier

Vous avez lancé en octobre dernier une application Internet à destination des producteurs agricoles. Quels services apporte-t-elle ?

Nils Olivier : « Nous sommes issus d’un institut de recherche en informatique (Inria). Nous avons mis en place un service de mutualisation du transport en circuits de proximité via une application Internet. Comme une sorte de « BlaBlaCar », adapté aux produits locaux et circuits de proximité. Notre application permet de mutualiser des livraisons entre producteurs et d’organiser des tournées, avec leur propre véhicule. Bientôt, elle permettra aussi d’accéder à des tournées mutualisées effectuées par transporteur professionnel. Elle se destine aux producteurs locaux mais plus largement à tous les acteurs de la chaîne alimentaire de proximité (transformateurs, artisans, plateformes, distributeurs, etc) qui ont besoin d’effectuer un transport dans un périmètre local. Nous avons aussi un rôle d’animation pour accompagner les producteurs, les groupements de producteurs et collectivités, aider à la prise en main dans l’utilisation de cette nouvelle logistique : analyse personnalisée de leur situation logistique ; sessions d’accompagnement ; plaquettes de communication ; rendez-vous téléphoniques avec les producteurs ; modèles d’emails et newsletters à diffuser ; suivi et un support sur la mutualisation des transports. »

Comment fonctionne cette application concrètement ?

N.O. : « Nous avons mis en place un algorithme qui est capable d’intégrer les contraintes métiers de chaque utilisateur et de récupérer en temps réel les besoins de transport afin de proposer des solutions de mutualisation flexibles et performantes. Nous nous assurons que la chaîne du froid est bien respectée de bout en bout, ainsi que les contraintes horaires de ramasse et de livraison de chacun. Nous veillons aussi à la compatibilité des produits et aux risques de contamination pour les produits bio notamment, aux contraintes de remplissage du véhicule pour qu’il y ait suffisamment de place et ne pas dépasser le poids autorisé. Tous ces éléments sont assez complexes à prendre en compte dans la construction d’une tournée mais nos algorithmes sont assez puissants pour le faire au fur et à mesure que les utilisateurs expriment un besoin de transport. Concrètement, un utilisateur indique avoir besoin de livrer d’un point A à un point B et aura tout de suite une proposition d’intégration dans une tournée existante, si cela est possible. Il n’y a pas de délais et nul besoin d’attendre. »

Comment assurer-vous la régularité des livraisons ?

N.O. : « Le service de co-transport est un peu dépendant d’une communauté. C’est un modèle intéressant sur le long terme mais un peu lent au démarrage. C’est pourquoi nous travaillons activement sur la mise en place d’un second service avec des transporteurs professionnels, sollicités sur les territoires et guidés au jour le jour par Le Chemin des Mûres, un peu comme un transport en commun. Ce sera un service numérique lui aussi, mais avec la possibilité de passer par un standard téléphonique. Pour les produits alimentaires locaux, les transporteurs professionnels ne sont pas outillés aujourd’hui pour être capables de gérer ces typologies de livraison : les contraintes sont nombreuses, les flux composés de petits volumes… Nous allons travailler avec eux et apporter le savoir-faire nécessaire pour rendre leurs tournées vraiment efficaces. Ce second service est intéressant car il ne se limite pas uniquement aux métiers agricoles et peut s’adapter à n’importe quel acteur local rapidement, un producteur, transformateur ou artisan. »

Qu’est-ce que cela apporte aux producteurs ?

N.O. : « Aujourd’hui, les producteurs locaux n’ont pas d’autre choix que de prendre leur propre véhicule pour livrer leurs produits dans la plupart des cas. Cette application leur permet de déléguer leur livraison de façon performante. Cela leur permet aussi de réduire leurs coûts de livraison et rentabiliser leurs propres tournées. En tant que prestataire, nous arbitrons la logistique et les relations entre producteurs de façon neutre. Il n’y a pas de problèmes de concurrence, contrairement à la mutualisation effectuée directement entre producteurs. Optimiser les performances de la logistique est également un véritable moteur pour créer de nouveaux liens commerciaux. Indirectement, cela permet de débloquer le potentiel commercial des économies de proximité, car nous observons que la logistique est un frein important à la création de débouchés pour les producteurs. »

Votre application est accessible pour les producteurs ardéchois depuis début janvier.

N.O. : « C’est la Chambre d’agriculture de l’Ardèche qui nous a sollicité pour travailler sur la mise en place de circuits mutualisés. Il y avait vraiment une demande des acteurs du territoire. Du fait de la nature un peu touristique du département, il y a une forte volonté de mettre en avant les produits locaux. La situation topologique et le réseau routier rendent également difficiles les mutualisations « à la main ». Il est donc intéressant de travailler avec notre approche algorithmique. Nous lançons un appel aux producteurs et aux groupements ardéchois qui travaillent en circuits de proximité pour adapter leurs pratiques logistiques et profiter de la mise en commun du transport que nous proposons. La mutualisation logistique est un véritable enjeu pour ces acteurs qui bien souvent ne créent pas de volumes suffisants à eux seuls pour assurer la massification. Elle permet de gagner en performance et en rentabilité. »

Propos recueillis par A.L.

Plus d’infos sur www.lechemindesmures.fr ; au 06 78 96 07 91 ; à l’adresse mail contact@lechemin desmures.fr