SYNDICALISME
« Nous avons beaucoup misé sur la loi Egalim et sommes aujourd’hui très déçus ! »

Propos recueillis par Sébastien Duperay
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Prix à la production, discussions sur les orientations de la future Pac, calamités, agribashing… les raisons d’un mécontentement généralisé de la profession agricole sont nombreuses. Des actions se déroulent dans les départements, avant une mobilisation régionale ? Le point avec Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes.

 « Nous avons beaucoup misé sur la loi Egalim et sommes aujourd’hui très déçus ! »
Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes.

La profession se mobilise de nouveau. Quelle est la situation de l’agriculture régionale ?

Michel Joux : « Elle est tout de même très inquiétante, même si ce n’est pas nouveau. La crise de la Covid n’a certes pas arrangé les choses, mais c’est beaucoup plus profond que cela. Nous avons de plus en plus de charges et des prix à la production qui n’augmentent pas, voire qui baissent dans certains cas. Quelle activité économique peut accepter d’avoir des charges en hausse et des prix de vente qui n’y sont pas indexés ? Aucune, et l’agriculture n’y échappe pas ! Si ça ne change pas, malheureusement, notre agriculture ne sera plus là demain. L’augmentation de ces charges est directement liée à l’accumulation de contraintes nouvelles, sociétales, environnementales, ce qui, en soit, n’est pas une mauvaise chose, si la qualité de nos produits, qui est déjà très bonne, en profite. A la condition que l’on puisse avoir des règles claires d’indexation des prix de vente sur nos coûts de production. Mais aujourd’hui, le système n’est pas encore en place. »

Quel est le mot d’ordre général de cet appel à manifester ?

M. J. : « Nous avons beaucoup misé sur la loi Egalim : force est de constater que nous sommes aujourd’hui très déçus ! Nous demandons à l’État de se ressaisir et de nous donner des solutions très concrètes, soit par la loi, soit par la sanction, sur la structuration du prix afin de mieux rémunérer les producteurs. »

Concernant la loi Egalim, que demandez-vous concrètement ?

M. J. : « L’État doit en priorité affiner la loi et passer à une loi Egalim 2 ! Il faut des articles ambitieux, afin d’arrêter d’inciter les industriels et les distributeurs à faire au mieux, pour les y obliger ! Nous devons avoir une autorité de régulation des relations commerciales, l’observatoire des prix et des marges n’est pas efficace. Il faut que les industriels puissent nous acheter nos produits en tenant compte de nos coûts de production ; et qu’ensuite ils soient protégés pour passer les hausses aux opérateurs de l’aval, grande distribution, RHF et commerces de proximité. Nous avons besoin de transparence partout, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nos livres de compte sont ouverts, nous n’avons qu’à faire de même pour les industriels et la grande distribution ! Si nous arrivons à caler nos relations commerciales sur nos coûts de revient et que ces derniers sont répercutés sur toute la chaîne alimentaire, on aura fait un bond en avant historique ! »

La Pac et la définition du plan stratégique national cristallisent également des tensions : que réclamez-vous ?

M. J. : « Sur la Pac, la stabilisation du budget nous rassure. Cependant, l’outil Pac doit être utilisé pour permettre aux filières qui sont en place aujourd’hui d’être encore là demain. Pour notre région, il est primordial que l’ICHN reste en l’état et soit orientée vers l’élevage. Sur les éco-dispositifs, il faut tenir compte des effets positifs existants de l’agriculture sur l’environnement. Auvergne-Rhône-Alpes est également très attachée au couplage : le découplage complet avec la convergence qui pourrait s’appliquer et qui pourrait consister à donner exactement la même somme de compensation à tous les hectares français est à mon avis une hérésie professionnelle. »

Des actions ont eu lieu dans les départements : y aura-t-il une mobilisation régionale ?

M. J. : « L’appel à mobilisation s’inscrit dans la durée. Des manifestations d’agriculteurs, des actions d’étiquetage ou de blocage dans les grandes surfaces, des actions en direction des préfectures se déroulent en ce moment dans les départements. Nous n’excluons pas d’agir ensuite au niveau régional, en direction des représentants de l’État en région et/ou de la grande distribution. Ce que nous voulons, c’est une prise de conscience générale suffisamment forte pour que l’État prenne ses responsabilités et décide d’actions concrètes. Les discours de soutien pour l’agriculture ne nous suffisent plus ! »

Propos recueillis par Sébastien Duperay