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Il y aura du travail mais pas de récolte !

Pas facile de faire venir des saisonniers dans la vallée du Rhône et encore moins simple de les rémunérer si la récolte est détruite. Reportage en Isère auprès d’employeurs de main-d’œuvre.

Il y aura du travail mais pas de récolte !
Jérôme Jury, producteur à Saint-Prim, emploie des permanents et des saisonniers. Il espère que les dispositifs d’aide seront à la hauteur de la calamité agricole. ©ID

Du boulot, mais pas de revenus ! C’est l’impossible équation posée aux arboriculteurs et producteurs de petits fruits de la vallée du Rhône après l’épisode de gel de début avril qui a ravagé les vergers. La situation était déjà compliquée avec la crise sanitaire qui posait des difficultés pour la venue de travailleurs saisonniers étrangers. Elle l’est d’autant plus avec la calamité agricole. « J’accueille une quinzaine de saisonniers la semaine prochaine pour ramasser les fraises, explique Christian Sauvageon, exploitant à Chanas. Il y aura du travail pendant un mois, puis après pour replanter les fraises. » Mais pour les vergers, c’est une autre histoire. Son fils et lui conduisent deux exploitations pour un total de 5 ha de petits fruits et 50 ha de vergers dont 30 en pommes et en abricots. « Certaines variétés vont manquer et 50 % du verger de pommes est atteint. » L’entreprise emploie deux salariés permanents, une main-d’œuvre saisonnière locale et des saisonniers étrangers sous contrat Ofii1 qui viennent généralement pour six mois.

Voyage organisé

Face aux difficultés liées à la crise sanitaire pour faire venir la main-d’œuvre étrangère, la FDSEA de l’Isère a organisé, avec six autres départements, la venue de ces travailleurs et s’est occupée de toutes les démarches. 189 travailleurs saisonniers marocains arrivent le 20 mai à l’aéroport de Marseille dans un charter affrété par la FDSEA des Bouches-du-Rhône. Parmi eux, 50 ont été recrutés par des employeurs de l’Isère. Un autre vol, avec les personnes qui étaient en attente de visa, est prévu pour la fin mai. En raison de la crise sanitaire, seuls deux charters en partance du Maroc sont autorisés par semaine.

« C’est une saison très particulière, compliquée à gérer. On s’organise plus facilement quand il y a du travail. C’est le problème des ouvriers quand il y a moins de travail : il va falloir trouver de quoi les rémunérer. Si on est aidé, on arrivera à survivre, sinon les trésoreries se tendront dès la fin août », estime Christian Sauvageon. « On attend les instructions de l’Etat. Ils ont aidé les industries, les restaurants, les stations de ski, si on ne nous aide pas, nous ruerons dans les brancards ! »  Les aides, c’est surtout pour les jeunes installés comme son fils qu’il les espère, pour restaurer les vergers et repartir la saison suivante.

Comment les payer ? 

« Nous avons beaucoup de travail sur les parcelles pour la pose d’arrosages et de filets, mais il faut surtout recouper les arbres malades, faire une taille en vert », explique Didier Serre qui emploie à Sablons une poignée de saisonniers. « Mais comment les payer ? », s’interroge-t-il lui aussi si la récolte n’est pas au rendez-vous.

A Saint-Prim, Jérôme Jury emploie des permanents et des saisonniers dans son exploitation et sa société commerciale. Il vient d’apprendre qu’il peut recourir à l’activité partielle. Le motif à déclarer auprès de la Dreets2 est : « sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel ». Des formations exceptionnelles sont mises en place dans le cadre du gel pour les salariés permanents et les saisonniers en contrat au moment de l’aléa. « Ce sont des formations courtes, de 35 h pour lesquelles il est nécessaire qu’il y ait un certain nombre de candidats. C’est un dispositif régional et il est nécessaire de recenser les besoins », indique Jérôme Jury. Cependant, le chef d’exploitation retourne le problème dans tous les sens. Les vergers ont besoin d’un sacré coup pour redémarrer. « S’il y a du chômage partiel, qui va faire le boulot ? Et comment rémunérer les salariés s’il n’y a pas de fonds ? »

Isabelle Doucet

1. Offi : Office français de l'immigration et de l'intégration
2. Dreets : Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (ex Direccte)