CLIMAT
Le drone, nouvel outil pour blanchir les serres

Sophie Sabot
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Lors du Salon Tech&Bio, qui s’est déroulé du 21 au 23 septembre à Bourg-lès-Valence, la question de la gestion du climat sous abris en maraîchage était à l’ordre du jour. Parmi les techniques présentées : le blanchiment des serres par drone.

Le drone, nouvel outil pour blanchir les serres
Bertrand Saulnier de Drone Jet et Frédéric Lance de Phytoval développent depuis deux ans une prestation de blanchiment par drone des serres dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. ©AD26

En maraîchage sous abri, le blanchiment est une des techniques préconisées pour réduire le rayonnement lumineux et éviter que les températures ne grimpent trop en plein été. L’écart de température entre une serre blanchie et une serre non blanchie est estimé à 5 °C. Les besoins en eau des plantes sont ainsi diminués, elles sont moins stressées et conservent une meilleure tenue en période estivale. Le confort de travail est par ailleurs amélioré pour le personnel. Sans oublier, d’autres avantages1 attribués à cette pratique, comme l’amélioration du travail des bourdons ou la possibilité, lorsqu’on l’associe à des bassinages, de retarder le développement des acariens. Le blanchiment permettrait par ailleurs de protéger les bâches des serres de la photodégradation et en prolongerait donc la durée de vie.

Homogénéité du blanchiment

Pour faciliter l’application des produits de blanchiment, les prestations par drone tendent à se développer depuis quelques années. Les sociétés Phytoval (Plauzat, Puy-de-Dôme) et Drone Jet (Clonas-sur-Vareze, Isère) travaillent ensemble sur ce type de prestations. Pour Frédéric Lance, ingénieur horticole et gérant de Phytoval, l’application par drone présente plusieurs intérêts, à commencer par l’homogénéité du blanchiment et la réduction des quantités d’eau utilisées pour sa mise en œuvre. « L’application du produit va être réalisée par brumisation en trois ou quatre passages de drone selon le taux d’ombrage recherché. Au maximum, nous utilisons 140 litres de bouillie par hectare et par passage, soit au maximum 560 l/ha là où on compte entre 1 000 et 2 000 l/ha pour un blanchiment manuel à la lance », indique l’ingénieur.

Depuis deux ans, avec Bertrand Saulnier, fondateur de Drone Jet, ils expérimentent différents produits de blanchiment disponibles sur le marché qu’il s’agisse de peintures sur base d’hydrocarbures ou sur base minérale, avec ou sans additifs. « Plus le produit sera granuleux et plus il sera nécessaire de le diluer pour l’appliquer par drone, ce qui nécessitera davantage de passages. D’où la nécessité de réaliser des devis au cas par cas », précise Frédéric Lance.

À titre indicatif, pour une serre de 6 000 m² d’un seul tenant, avec un produit qui permet d’obtenir un taux d’ombrage de 70 % en trois passages de drone, il estime à 17 centimes (cts) d’euro/m² le coût du blanchiment (produit d’ombrage non inclus). Sur de grandes surfaces, la prestation par hélicoptère peut se révéler plus compétitive. Mais cette solution reste peu utilisée en Auvergne Rhône-Alpes où les exploitations sont souvent éloignées les unes des autres, ce qui ne permet pas de réunir les surfaces nécessaires pour justifier la prestation.

Planifier très en amont

Autre intérêt du drone selon le gérant de Phytoval : l’adaptabilité de la prestation. « On peut par exemple ne blanchir qu’une partie de la serre ou encore blanchir plus ou moins différentes parties pour adapter le taux d’ombrage en fonction de la culture en place », explique-t-il. Une prestation très pointue qui doit cependant être préparée avec le producteur suffisamment en amont de la saison. « Dans l’idéal, il nous faut avoir étudié le planning de cultures et planifié les blanchiments dès le mois de décembre. Ceux-ci pourront se dérouler de mars à avril pour les cultures les plus précoces. Mais le plus gros des prestations se déroulera en mai et uniquement sur des journées où le vent est inférieur à 15 km/h », détaille Frédéric Lance. L’utilisation du drone impliquera de sécuriser la zone voire, dans certains cas, de demander une autorisation de vol.

Quatorze producteurs en région Aura font déjà appel aux services de ces deux sociétés pour le blanchiment de serres. Outre les économies d’eau réalisées par rapport à une application manuelle à la lance, « et ceci pour une quantité équivalente de produit apportée au m² », insiste l’ingénieur, il estime également qu’il est possible d’économiser jusqu’à 30 % de peinture d’ombrage. « On applique la bonne quantité, il n’y a pas de coulure sur les côtés de la serre et donc moins de gaspillage », justifie-t-il. Sans oublier que le drone permet d’éviter les risques parfois pris par les maraîchers pour appliquer manuellement les produits sur le dessus des serres.

Sophie Sabot

1. Source : Chambres d’agriculture.
Drone sur serre
L’application par drone présente plusieurs intérêts, à commencer par l’homogénéité du blanchiment et la réduction des quantités d’eau utilisées pour sa mise en œuvre. ©CA38
Garantir la sécurité lors du blanchiment
5 500 m² de serres et tunnels ont été blanchis par drone en juin dernier à l’Earl Morgue Plants à Manthes.

Garantir la sécurité lors du blanchiment

Témoignage / En juin dernier, l’Earl Morgue Plants a fait appel aux services de Phytoval et Drone Jet pour blanchir près de 5 500 m² de serres et tunnels.

Dans le nord de la Drôme, à Manthes, l’Earl Morgue Plants produit des plants de légumes et des chrysanthèmes. « 30 % de nos plants sont vendus en direct à des maraîchers professionnels, le reste à des jardineries via le groupement de producteurs Vivaplante », précise Romain Charruet, chef de culture. Sur les 19 000 m² de surfaces couvertes (tunnels et serres multi-chapelles) que compte l’exploitation, près d’un tiers a été blanchi par drone en juin dernier. « Jusqu’à présent nous effectuions cette tâche à la lance, debout sur le garde-boue du tracteur ou en montant dans les chéneaux des serres, explique le chef de culture. C’est avant tout pour des questions de sécurité que nous nous sommes tournés vers une prestation par drone. C’était aussi un moyen de dégager du temps pour d’autres travaux. Enfin, le résultat est intéressant : en utilisant la même peinture qu’auparavant, nous constatons une bonne homogénéité et une meilleure tenue due à une concentration d’application plus forte [moins d’eau utilisée pour la dilution du produit, ndlr]. »

Quelques points restent selon lui à améliorer. En premier lieu, le blanchiment des parois basses de tunnel qui peut se révéler insuffisant et nécessiter un passage à la lance. Ensuite, l’organisation par bloc des tunnels et serres. « Pour nous, cinq tunnels côte à côte distants de 3 mètres, c’est un bloc. Pour l’opérateur drone, ce sont cinq blocs différents », indique le chef de culture. Ce qui nécessite pour chaque bloc de reprogrammer de nouvelles coordonnées GPS et entraîne donc un coût de prestation supérieur. En prévision de la saison 2022, l’Earl devrait de nouveau faire appel au drone pour le blanchiment. « Mais il est difficile de nous projeter très en amont sur un calendrier de prestation. La date de blanchiment reste liée aux conditions d’ensoleillement de l’année », rappelle Romain Charruet. C’est pourquoi il espère que les prestations par drone pourront se développer avec davantage de souplesse dans les plannings et des tarifs à la baisse, quelle que soit la configuration des blocs de serres ou tunnels.

S.Sabot