ARBORICULTURE
En Ardèche, la pistache fait son grand retour

Depuis quelques années déjà, on assiste à un retour en grâce de la pistache dans le sud de la France. En Ardèche aussi, quelques producteurs se lancent afin de se diversifier, s’adapter au changement climatique… Et par goût pour l’aventure !

En Ardèche, la pistache fait son grand retour
Chantal Capelle et Daniel Marcel ont planté en 2022 leurs premiers pistachiers, à Chauzon.

Chantal Capelle et Daniel Marcel en sont convaincus : la diversification a tout bon ! « Déjà à son époque, notre père avait l’habitude de tester toujours de nouvelles choses, explique Chantal. Il fut l’un des premiers à planter de l’asperge et du kiwi, il y a plus de 40 ans. » Aujourd’hui, le Gaec Les Clapas (Chauzon) continue de tester, d’expérimenter… Dernière nouveauté : la plantation de pistachiers. « Pour le moment, c’est un test ; mais s’il est concluant, on pourrait planter davantage »

La pistache, un bon candidat à la diversification

Frère et sœur cultivent aujourd’hui 16 ha de vignes, 75 ares de kiwi bio et bientôt quelques châtaigniers en plaine, pour la vente directe. « On essaie de se diversifier au fur et à mesure qu’on remplace les vignes en fin de vie », précise Daniel Marcel.  La pistache ? « L’idée est née… autour d’un apéro ! On s’est dit que c’était vraiment dommage qu’il n’y ait pas plus de pistaches produites en France, raconte Daniel. Puis on s’est renseignés. »

À quelques kilomètres de là, Justine Darlix et Romain Desmats prévoient eux aussi de planter du pistachier prochainement. En cours de reprise d’exploitation viticole à Alba-la-Romaine, ils souhaitent se diversifier. « Avec les gels tardifs, les sécheresses et les chaleurs qui vont s’accentuer, il faut qu’on s’adapte. »

Une bonne résistance en milieux secs et arides

Après s’être formé à la chambre d’agriculture du Vaucluse, le Gaec Les Clapas a planté cent pieds, répartis sur deux parcelles, l’une en plaine, l’autre en coteau. « On s’est aperçus que nos terrains en coteaux étaient bien adaptés », explique Chantal Capelle.

« Les coteaux les plus secs sont les plus adaptés, un peu comme pour l’olivier, signale Daniel Marcel. La fleur est sensible au gel, mais la floraison est assez tardive par rapport à d’autres arbres fruitiers. C’est pourquoi le pistachier est moins sujet au gel tardif. L’an dernier au débourrement, on est descendus à -8°C et il n’y a pas eu de souci ! » Le pistachier a aussi besoin de beaucoup de chaleur. « Cet été, on a pu tester nos pistachiers dans des conditions d’extrêmes chaleurs et ils ont parfaitement réagi. »

Les grappes de pistaches, légèrement colorées. Crédit photo: syndicat France Pistache.
Les grappes de pistaches, légèrement colorées. Crédit photo: syndicat France Pistache.

Se passer d’irrigation ?

Du côté d’Alba comme du côté de Chauzon, les producteurs ardéchois ne comptent pas arroser. « Pour cette première année, nous avons apporté une seule fois de l'eau au pied de chaque plant », précise le Gaec Les Clapas. Benoît Dufaÿ, technicien au syndicat France pistache, recommande toutefois d’irriguer les jeunes vergers. Durant les 6 à 7 premières années, il est également recommandé d’avoir de bons apports de phosphore, azote et potasse au printemps et à l’automne, pour favoriser un bon développement racinaire.

Un arbre déjà présent en Ardèche

« Depuis qu’on s’y intéresse, on s’est aperçus que le pistachier était déjà présent à l’état sauvage dans le secteur », souligne Romain Desmats. Même chose au Gaec des Clapas : « Dans les garrigues, on a des pistachiers  sauvages, appelés Térébinthe, de partout ! » Dans les années à venir, les Ardéchois souhaitent produire leurs propres porte-greffes avec ces populations locales, les plus adaptées au terrain.

En attendant, le Gaec des Clapas a opté pour des arbres de 1 an en variétés Peter pour les mâles, Kerman pour les femelles. Kerman aussi pour Romain Desmats qui envisage encore de planter de l’Aegine, une variété grecque utilisée pour la confiserie.

Une culture peu contraignante

Par rapport à la vigne, la culture du pistachier est peu contraignante. « La taille et l’entretien sont gérables par une seule personne », indique Romain Desmats. Daniel Marcel enchaîne : « La taille doit être très légère, il n’y a pas de travail au sol hormis un désherbage mécanique. Et pas besoin de traitement, ce qui évite les rapports tendus avec les riverains ! ».

Sur le plan sanitaire, le principal fléau reste la septoriose, qui attaque la feuille. « Il y a aussi quelques chenilles ravageuses, souligne-t-il. Cette année, j’ai fait deux bouillies bordelaises et on n’a eu aucun souci. »

Le pistachier met 4 à 6 ans pour produire des fruits, jusqu’à 8 ans pour atteindre une pleine production.  Comme pour l’olivier, les rendements vont augmenter avec l’âge de l’arbre et son étalement. Il faudra donc patienter encore un peu pour pouvoir goûter aux premières pistaches ardéchoises…

Mylène Coste

Le pistachier a besoin de sec, de chaleur et de vent

Le pistachier a besoin de sec, de chaleur et de vent
« Des débouchés intéressants dans la confiserie »
Benoît Dufaÿ, coordinateur du syndicat France Pistache.
TROIS QUESTIONS À

« Des débouchés intéressants dans la confiserie »

Benoît Dufaÿ, coordinateur du syndicat France Pistache.

La pistache est-elle une culture nouvelle en France ?

Benoît Dufaÿ : « On sait qu’il y a eu des pistachiers dans le sud de la France, de l’époque romaine jusqu’au début du XXè siècle. Par la suite, quelques producteurs ont fait de la pistache, mais de manière isolée. C’est depuis 2018 qu’une réelle dynamique de production a vu le jour en France. Cette dynamique est en partie due à Olivier Baussan, le fondateur de L’Occitane (cosmétiques) et président de « Territoire de Provence » qui promeut les produits provençaux tels que le calisson d’Aix, le nougat… C’est justement pour se doter d’un approvisionnement français de pistaches qu’il a encouragé la plantation.  Les premières cultures ont vu le jour dans le sud-est, autour de Pertuis. Progressivement, d’autres ont suivies sur le plateau de Valensole, à Manosque, dans l’est du Gard, le sud Drôme et Ardèche, mais aussi les Pyrénées orientales, l’Aude, l’Hérault et la Corse. »

Que représente la filière pistache en France ?

B.D. : « On estime que la pistache représente aujourd’hui environ 250 ha dans le sud de la France, mais de nouvelles plantations sont prévues cet hiver. D’ici 10 ans, on devrait atteindre 2000 ha. Le but est toutefois de maîtriser ce développement pour qu’il n’y ait pas trop de volumes et ainsi éviter les écueils qu’ont connus d’autres filières au développement fulgurant. On veut que la pistache reste une niche qui apporte de la valeur ajoutée dans les exploitations. Le syndicat France Pistache a été créé dans le but de structurer cette filière naissante, de la pépinière aux opérations post-récolte ; il regroupe uniquement des producteurs. »

Quels sont les débouchés ?

B.D. : « Il y a deux marchés : le « snacking », à savoir la pistache apéro vendue dans sa coque et récoltée à maturité, lors de l’éclatement de la coque. On la ramasse à la récolteuse vibrante. Ce marché est actuellement dominé par les États-Unis. Le second marché est celui de la pâtisserie confiserie, pour lequel la pistache est ramassée en vert, après une récolte manuelle et un travail de casserie pour retirer la coque. Les amandons récoltés de cette manière sont particulièrement recherchés par les professionnels (galciers, nougatiers, confiseurs…), car plus colorées et aromatiques. »

Quels sont les besoins du pistachier ? 

B.D. : « Il se développe sur des sols très drainants et pauvres, sont adaptés aux sols sablo-limoneux et calcaires, avec un pH entre 6 et 8. Il a besoin de froid l’hiver soit 400 à 900 heures à moins de 7 °C, similaires en cela au cerisier. Il est originaire des hauts plateaux d’Iran et peut donc résister jusqu’à des -17°C ! A contrario il réagit bien à la chaleur et au sec et a besoin de beaucoup d’ensoleillement pour atteindre sa maturité, plus ou moins selon les variétés. C’est pourquoi il faut éviter les expositions Nord. Il convient de choisir une parcelle exposée au vent, indispensable pour la pollinisation. Éviter les bas-fonds et l’humidité ! »

Propos recueillis par Mylène Coste

Un marché dominé par les États-Unis
Comme l'olivier, le pistachier peut vivre plusieurs siècles.

Un marché dominé par les États-Unis

La production mondiale de pistache atteint en 2020-2021 le record de 985 mille tonnes selon le département américain de l’agriculture. Ce volume représente en valeur un marché de près de 4 milliards de dollars.
Avec 985 000 tonnes produites en 2021, les États Unis concentrent plus de la moitié de la production, suivis de la Turquie et de l’Iran. Premiers producteurs mondiaux, les Américains ont fondé leur succès sur une culture ultra-intensive, fortement irriguée et mécanisée, souvent au détriment de l’environnement. Californie, Arizona et Nouveau Mexique sont les principales régions de production.

La Chine, l'Espagne et l'Australie développent aussi leur production. Des géants du secteur se tournent également vers le Kazakhstan, la Roumanie ou encore la Géorgie. Ces nouveaux arrivants représenteraient 10 à 15 % du rendement mondial.