FLORICULTURE
Des fleurs locales et de saison, vendues en circuits courts

Encore émergente, la filière française des fleurs coupées attire de plus en plus d’adeptes. Rencontre avec Sarah Bradley, jeune floricultrice installée à Silhac (Ardèche), dont la production est vendue en direct et à des fleuristes de proximité.

Des fleurs locales et de saison, vendues en circuits courts
Installée depuis septembre 2020, Sarah Bradley produit diverses variétés traditionnelles de fleurs, d’autres plus désuètes ou originales.

Originaire des Vosges, Sarah Bradley s’est orientée vers la production de fleurs coupées après avoir travaillé dans la régie son de spectacles de théâtre et de cirque, puis durant une petite année dans la culture maraîchère bio au Jardin des Cèdres à Silhac. « J’ai toujours aimé les fleurs, leurs couleurs, mais je n’en faisais pas une vocation jusqu’à ce que je travaille la terre. Le maraîchage me plaisait mais je préférais cultiver des fleurs pour son côté créatif. J’y retrouve un peu tout ce que j’aime, la nature, les couleurs et, avec les circuits courts, le fait de participer à la vie d’un territoire », retrace la jeune floricultrice.

Des variétés traditionnelles aux plus originales

Installée depuis septembre 2020 (Hanami, fleurs des monts d’Ardèche), Sarah Bradley loue un terrain au Jardin des Cèdres et produit des fleurs coupées sur une parcelle plein champ de 1 000 m2 et une serre de 100 m2. Parmi ses cultures figurent diverses variétés traditionnelles de fleurs, d’autres plus désuètes ou originales : renoncules, dauphinelles, giroflée d'été, tournesol, pois de senteur, muflier, clarkia, myosotis, grande camomille, pavot d’Islande, didiscus, œillet chabaud, reine-marguerite, julienne des dames, nigelle, anémone, pivoines, benoîtes… « Dans les fleurs, il faut toujours essayer d’aller chercher une variété que les gens n’ont pas trop l’habitude de voir, de les surprendre, proposer autre chose que les formes classiques. » Pour les tulipes notamment, elle cultive plutôt des variétés doubles ou légèrement dentelées. D’autres fleurs sont privilégiées pour leurs qualités florales ou leurs aspects décoratifs. Elle a implanté également divers buissons, haies et arbustes, reconnus pour leur floraison printanière afin de produire une gamme de feuillages : monnaie du pape, eucalyptus, laurier tin, seringat, viorne de Chine… « Il faut compter trois ans au minimum pour qu’ils se tiennent bien et entrent en production, mais le feuillage est tout aussi important que les fleurs dans la conception d’un bouquet », indique-t-elle. « Les plantes aromatiques sont intéressantes aussi, en utilisant le feuillage et les fleurs de menthe des montagnes, menthe pomme, origan, népéta, agastache anisée… »

Des méthodes de culture encore peu documentées

Son année de travail en maraîchage lui a permis de se former au travail du sol, au montage des serres, à l’installation de l’irrigation... Elle a suivi également une formation en ligne sur la fleur coupée, proposée par la ferme florale américaine Floret Flowers. « Cela m’a donné de l’assurance et de l’encadrement pour m’organiser et passer la première année. On ne se rend pas forcément compte de ses besoins quand on s’installe, du budget, des tâches mensuelles, de l’importance d’anticiper les plannings de culture, de sélectionner les bonnes variétés… », explique-t-elle. « Et il n’y a pas trop de livres explicatifs sur les méthodes de cultures de fleurs. Beaucoup d’ouvrages viennent des États-Unis ou d’Angleterre et se font traduire petit à petit. C’est une filière émergente en France que l’on essaye de relancer et de dynamiser. » Dans cette optique, Sarah Bradley adhère au Collectif de la Fleur française qui regroupe de nombreux professionnels français et soutient leurs savoir-faire agricoles et artisanaux (voir ci-contre).

A Silhac, elle alterne les cultures de fleurs à cycle rapide ou plus long, des semis spontanés, pour s’assurer une diversité de production au fil des saisons. Janvier s’affiche comme la période creuse dans la production de fleurs coupées. Les semis de plantes s’effectuent de février à mai, la pleine période de production entre mai et octobre. En mai, elle repique aussi une partie de ses semis en pots, proposés à la vente. Durant l’été, elle prépare toute une partie de ses fleurs destinées à être séchées, puis utilisées pour la confection de bouquets, couronnes et éléments de décoration préparés en fin d’année et vendus durant les marchés de Noël.

Une production bien valorisée

Face à un marché floral français essentiellement alimenté par les importations, Sarah Bradley s’oriente vers de la vente en circuits courts, auprès de fleuristes situés à Valence, et en direct sur le marché de Vernoux-en-Vivarais. Avec une autre floricultrice locale, elle vient d’ouvrir également un point de vente en direct (« La Droguerie ») à Vernoux. Elle propose aussi des offres d’abonnement, qui s’étendent sur 2, 4 ou 6 mois, à diverses fréquences et pour différentes tailles de bouquets, à récupérer sur son point de vente. « Les fleurs n’arrêtent pas de fleurir donc il est important de sécuriser ses ventes en ayant plusieurs circuits et formules de vente et pouvoir les ajuster. » Cette année, Sarah Bradley s’est d’ailleurs dotée d’une chambre froide pour conserver notamment les tulipes qui fleurissent rapidement et simultanément : elles sont coupées avec les bulbes, stockées au froid puis réhydratées un à deux jours avant leur mise en vente. En septembre prochain, la jeune floricultrice déménagera également sur un autre terrain à proximité de Vernoux, pour développer et diversifier sa production sur une parcelle de 2 500 m2. « J’ai une trop petite surface pour pouvoir vivre de ma production actuellement mais je pense que c’est une filière rentable. Les fleurs se valorisent bien, d’autant plus quand elles sont locales et de saison ! » 

A.L.

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Les tulipes sont coupées avec les bulbes, stockées au froid puis réhydratées un à deux jours avant leur mise en vente.

ASSOCIATION / Le Collectif de la Fleur française

Association créée en 2017 et inspirée du mouvement Slow Flower, le Collectif de la Fleur française regroupe plus de 220 horticulteurs, fleuristes et grossistes engagés dans la production de végétaux en France. Des « acteurs de la révolution des fleurs coupées » qui soutiennent la culture de fleurs françaises locales et de saison. Leurs objectifs ? Encourager les savoir-faire agricoles et l’artisanat de la production française face aux fleurs importées difficilement traçables, tant en matière de conditions de travail ou d’emploi d’intrants.

Pour guider les consommateurs, ils ont mis en place un annuaire qui identifie, présente et localise les fermes florales, les fleuristes, les grossistes et autres acteurs engagés dans le réseau français de la fleur responsable. Les fleuristes adhérents proposent a minima 50% de fleurs françaises, locales et de saison. Les floriculteurs quant à eux s’engagent à cultiver le plus naturellement possible.