CONSULTATIONS
La jeunesse esquisse l’agriculture de demain

Sur le campus de VetagroSup (Puy-de-Dôme) et dans les salles du lycée horticole de Dardilly (Rhône), les idées ont fusé, les 4 et 6 avril derniers, comme autant de pistes d’action pour bâtir les contours du futur de l’agriculture.

La jeunesse esquisse l’agriculture de demain
Les élèves de BTS DATR (développement, animation des territoires ruraux) d’Yssingeaux, en Haute-Loire ont supervisé les ateliers, après l’introduction menée par le directeur régional de l’agriculture et de la forêt, Bruno Ferreira. ©SC

Dernière étape des quatre débats régionaux (1) relatifs à la loi d’orientation agricole (LOA) et d’avenir, celui de Lempdes dans le Puy-de-Dôme a réuni, jeudi 6 avril, une centaine d’élèves venus des quatre départements auvergnats. Scolarisés pour la plupart en filières agricoles et para-agricoles, tous se sont prêtés avec un mélange d’appréhension et d’envie, à cet exercice consultatif. Les élèves, enseignants et agriculteurs se sont scindés en trois groupes. À chacun sa thématique : formation, installation-transmission et défi du changement climatique. L’objectif ? Assortir chaque idée d’une action concrète.

Se donner les moyens d’être souverains


« Le problème économique conditionne tout le reste. Nous avons dilué les charges en courant après les heures, les hectares… Moralité, nous ne voulons que des petites fermes sans donner aux agriculteurs les moyens d’en vivre », s’est exprimé Nicolas Chatard, agriculteur sur la commune d’Aigueperse au nord du Puy-de-Dôme. À sa droite, Nicolas Brun, n’en pensait pas moins. Bien qu’étant toujours à l’école, il sait ce qui l’attend lorsqu’il s’installera aux côtés de ses parents aux Estables, en Haute-Loire. « C’est parce que notre métier n’est pas suffisamment rentable qu’il est difficile de se dégager du temps pour la vie de famille, pour garder une compagne ». Au-delà du constat, quels pourraient être les leviers de progrès ? Des prix planchers, une meilleure visibilité des débouchés, une stabilité dans le revenu, un accès facilité au foncier, un conditionnement de la DJA à la vivabilité du métier, une transmission « à la carte » avec la possibilité de démanteler les structures existantes afin d’alléger la facture de reprise et d’installer plusieurs personnes, une optimisation des possibilités offertes par la robotique… Unanimement, les participants à l’atelier reconnaissent que la politique en faveur de l’installation et de la transmission mérite plus que des demi-mesures. « Si nous voulons vraiment encourager les jeunes à s’installer et favoriser la cession d’exploitation, il faut bâtir un plan solide, donner des perspectives à chacun, et faire comprendre à tous les acteurs, industriels, aux coopératives, aux consommateurs et aux citoyens, que l’agriculture a un prix. Notre souveraineté alimentaire en dépend », a résumé l’un des participants. 

Communiquer sur l’enseignement agricole


Mais avant d’en arriver à l’installation, encore faut-il réussir à susciter des vocations. Deux jours plus tôt, au lycée horticole de Dardilly (Rhône), les échanges autour de l’orientation et de la formation ont fait émerger de nombreuses idées. « Nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux pour nous renseigner », concède Maëlle Vialeron, élève au lycée agricole Roanne-Chervé-Noirétable (Loire) en terminal STAV. Selon elle, la communication des établissements scolaires sur ces plateformes est essentielle. Second levier à développer, soulevé par un responsable formation de la MFR de Saint-Romain-de-Popey, la visite d’élèves au cœur des exploitations des maîtres de stage. « À la suite d’une de ces visites, nous avons eu des jeunes qui ont décidé de s’inscrire à notre parcours d’alternance en conduite de tracteurs », a-t-il détaillé. Malgré leur jeune âge, les trois élèves présents à l’atelier se sont montrés très terre à terre. L’une souhaite se tourner vers l’élevage canin ou équin, la seconde a développé une forte appétence pour le métier d’inséminatrice, et le troisième, en seconde année de BTS ACSE à Moulins sait depuis son enfance que sa place est sur un tracteur agricole. Travailler le week-end ne leur fait absolument pas peur. Tout comme assumer de nombreuses heures. Selon les deux jeunes femmes, la priorité serait plutôt d’utiliser les nouveaux outils technologiques sur les exploitations. Promouvoir l’utilisation de robots d’alimentation pour repousser la nourriture, travailler avec plus de robots de traite, suivre l’actualité des stations météo sur son téléphone portable ou encore démocratiser les colliers pour bovins deviennent, selon elle, une nécessité pour gagner en confort en temps de travail.

Sophie Chatenet et Léa Rochon


*ENILV de La-Roche-sur-Foron (Haute-Savoie) le 28 mars, EPL du Valentin (Drôme) le 30 mars, EPL de Dardilly (Rhône) le 4 avril, VetagroSup (Puy-de-Dôme) le 6 avril.

La LOA, quelle méthode ?

Le processus de concertation de la loi d’orientation agricole (LOA) a été lancé le 7 décembre 2022 par le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en lien étroit avec les Régions. Il comprend plusieurs modalités : une concertation nationale, pilotée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en étroite association avec Régions de France ; des concertations régionales, co-pilotées par l’État et les Régions et mises en œuvre par les chambres régionales d’agriculture en France métropolitaine ; des concertations locales dans les départements et régions d’outre-mer, assurées par les services de l’État en lien avec les chambres d’agriculture et les collectivités locales. Il était également prévu que des établissements de l’enseignement agricole, technique et supérieur, contribuent aux débats en proposant aux jeunes et aux acteurs du territoire de s'exprimer autour des tendances fortes : formation ; adaptation au changement climatique ; et installation-transmission. Chaque groupe a ainsi isolé deux à trois idées, qui seront relayées au niveau national. La restitution finale des débats régionaux est attendue pour fin avril.

S. C.