EXPÉRIMENTATIONS
Préparer le vignoble à la hausse des températures et à la sécheresse

Face au changement climatique, différents leviers d’adaptation sont à l’étude en viticulture. Le projet OnAuraVitChau, lancé à l’échelle régionale en 2020, se propose d’évaluer l’efficacité et la durabilité de ces adaptations. Le point sur les essais menés en Drôme.

Préparer le vignoble à la hausse des températures et à la sécheresse
Le projet OnAuraVitChau a notamment permis d’évaluer durant trois ans l’effet ombrage de filets para-grêle sur une parcelle de syrah (0,5 ha), en appellation Crozes-Hermitage.

« OnAuraVitChau », l’acronyme du projet « Orientation en Aura1 de la viticulture face au changement climatique » affiche clairement les enjeux : il y a urgence à préparer le vignoble aux évolutions à venir. Quels leviers d’adaptation peuvent se révéler efficaces et durables ? C’est pour répondre à cette question que la Sicarex (Beaujolais), l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), la chambre d’agriculture de la Drôme, en partenariat avec l’association Syrah et le syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois, ont déposé le projet OnAuraVitChau dans le cadre du dispositif Pepit2 financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Ce programme d’expérimentations, déployé sur trois ans (2020-2021-2022), a permis, en Drôme, de tester trois pistes d’adaptation. La première : l’adaptation du matériel végétal par la sélection de nouveaux clones en marsanne et roussanne pour la zone septentrionale et en muscat à petits grains rouge pour le Diois. La seconde : l’effet ombrage de filets para-grêle sur la maturation et le stress hydrique de la vigne. Et enfin l’irrigation en conditions septentrionales. Des essais ont également été menés sur des thématiques similaires dans le Beaujolais, la Savoie et le Puy-de-Dôme.

Sélection de nouveaux clones

À Clérieux, la chambre d’agriculture de la Drôme a implanté dès 2015, sur une parcelle en IGP, une collection d’étude en cépages marsanne et roussanne. Cette collection est issue du conservatoire de clones installé en 2001 à Saint-Péray (07). Le programme Pepit a permis d’étudier précisément le comportement de six clones (+ un témoin) en marsanne, de quatre (+ un témoin) en roussanne. « Le porte-greffe utilisé est le R110 (connu pour son adaptation à la sécheresse, ndlr). La densité de plantation est de 2,5 m par 0,9 et le mode de conduite en cordon de royat », détaille Mathilde Carra, conseillère viticulture. Chaque clone a fait l’objet d’un suivi précis sur les trois campagnes 2020, 2021 et 2022 portant notamment sur les stades phénologiques, le port, la vigueur, la sensibilité aux maladies, la compacité des grappes, la maturité… Des micro-vinifications ont permis d’identifier les clones intéressants d’un point de vue sensoriel. Ces résultats restent à affiner avec les dégustations du millésime 2022. «  Nous devrions pouvoir déposer des demandes d’agrément au printemps prochain, avec l’espoir d’obtenir une réponse d’ici fin 2023 », précise Isabelle Méjean, qui suit également le programme pour la chambre d’agriculture. Les viticulteurs disposeraient alors d’un choix élargi, avec de nouveaux clones « plus tardifs et plutôt productifs ». Idem dans le Diois, où les essais ont permis d’identifier des clones de muscat rouge qui se révèlent intéressants d’un point de vue aromatique.

Effet des filets para-grêle

Le second volet du projet OnAuraVitChau a porté sur l’évaluation de l’effet ombrage de filets para-grêle. Une parcelle de syrah (0,5 ha), en appellation Crozes-Hermitage, a été suivie à Chanos-Curson avec des rangs sans filets et d’autres équipés de filets para-grêle mono-rangs (Delta Cover de chez Filpack), d’un mètre de large, de couleur blanche. Des capteurs placés au milieu du feuillage ont permis de mesurer la température et l’humidité relative sous et hors filet. « En 2020 comme en 2021, deux périodes dans la journée ont pu être différenciées : de 6 h à 12 h, les températures enregistrées dans la canopée de la vigne sont en moyenne plus élevées dans les rangs témoins, détaille Sébastien Larnaud, conseiller viticole de la chambre d’agriculture. Puis de 12 h à 20 h, elles s’inversent avec un écart jusqu’à 1,5°C sous filets en 2020. Les résultats seront à affiner en 2022. » En 2021, année particulièrement pluvieuse, il a également été identifié que, « en conditions climatiques très humides, sans travaux en vert bien menés, le filet crée un microclimat favorable au développement de la pourriture grise sur les grappes et au mildiou sur feuilles ».

Autre enjeu de cet essai : évaluer la vigueur et les paramétres de fertilité sur trois ans, et analyser, pour chaque année d’étude, les raisins avant vendange pour identifier d’éventuelles différences de maturité. « En 2020, les degrés sont identiques mais l’acidité est légèrement plus faible pour le filet, avec une teneur en acide tartrique moins élevée sur cette modalité. En revanche, l’acide malique est plus élevé pour le filet. En 2021 les degrés sont également identiques et les acidités toujours plus élevées pour le témoin. L’acide tartrique est lui similaire dans les deux modalités et l’acide malique encore une fois légérement supérieur pour le filet », commente Sébastien Larnaud. 2022 semble confirmer ces tendances, avec des degrés globalement proches entre les deux modalités, un niveau d’acidité légérement plus élevé pour le témoin mais une teneur en acide malique toujours supérieure pour la modalité filets. « Nous comptons poursuivre ce travail, précise Isabelle Méjean, notamment pour tester l’effet d’ombrage de filets à maille plus serrée. »

Nouveau programme d’essais en préparation

Enfin, le projet OnAuraVitChau a permis d’évaluer l’intérêt de l’irrigation sur le plan quantitatif, qualitatif et physiologique de la vigne en contexte septentrional. « Sans surprise, nous obtenons les mêmes résultats que ce que nous avons déjà testé depuis quinze ans dans le Sud, résume Isabelle Méjean. L’irrigation au goutte à goutte journalière (1,5 mm/jour) ou hebdomadaire (11,5 mm/semaine), avec une cinquantaine de millimètres apportés au maximum en 2020 et 2022 - la pluviométrie de 2021 n’ayant pas permis de conduire l’essai -, permet de sauvegarder les rendements et de préserver le végétal. »

Après ces trois années du programme OnAuraVitChau, les partenaires espèrent poursuivre leurs travaux sur les techniques d’adaptation ou d’atténuation du changement climatique. Un nouveau projet a été déposé dans le cadre du dispositif Pepit. La réponse de la Région est attendue pour décembre prochain.

Sophie Sabot

Les différents essais du programme prévoyaient des micro-vinifications et des dégustations. ©CA26
Les différents essais du programme prévoyaient des micro-vinifications et des dégustations. ©CA26