EXPERIMENTATION
Sur la piste de la vigne du futur

La Chambre d’agriculture de la Drôme vient d’inaugurer son nouveau dispositif expérimental : la vigne Climat’ic, implantée sur la plateforme des techniques alternatives et biologiques (TAB) à Etoile-sur-Rhône (Drôme). 

Sur la piste de la vigne du futur
Les vignes en raisin de cuve et de table, ainsi que les pêchers ont été implantés cette année. Le tout sera conduit en agriculture biologique. ©AD26

Depuis le début de l’année, un demi-hectare de dispositif expérimental associant raisins de cuve, pêchers, raisins de table, haies arbustives diversifiées et couverts végétaux a été implanté sur le site de la plateforme des techniques alternatives et biologiques (TAB). Objectif : identifier les solutions à déployer pour accompagner le vignoble face aux enjeux que sont l’adaptation au changement climatique, la réduction des intrants phytosanitaires et la pérennité des plantations dans un contexte où le dépérissement de la vigne progresse depuis une vingtaine d’années. 

Mariage vignes et arbres

« Cette vigne Climat’ic est peut-être le modèle de ce que sera le vignoble sur nos exploitations dans quelques années », assure Sandrine Roussin, vice-présidente de la Chambre d’agriculture de la Drôme et responsable de la filière viticole. Le 17 novembre, aux côtés de Jean-Pierre Royannez, président de la Chambre d’agriculture du département, elle a présenté les ambitions de cette toute nouvelle expérimentation. « Il y a longtemps que le mariage vignes et arbres me tient à cœur. Associer par exemple des chênes truffiers et des lavandes à la vigne est quelque chose que certaines exploitations ont déjà tenté. Mais nous n’avions pas de parcelle de référence et donc de suivi en Drôme sur ces questions », confie Sandrine Roussin.  « L’objectif de cette expérimentation est de permettre à la viticulture de continuer à être performante », insiste Jean-Pierre Royannez. « En Vallée du Rhône notamment, nous avons des systèmes très diversifiés qui requièrent des pilotages très pointus, d’où la nécessité d’apporter des réponses aux questions des agriculteurs via l’expérimentation. »

Trois modalités expérimentées

Le dispositif expérimental vigne Climat’ic a été conçu par des conseillers viticulture de la Chambre d’agriculture, avec l’appui des chargés de mission de la plateforme TAB et de la Sefra. « La surface disponible était limitée », signale Isabelle Méjean, conseillère viticole. « Nous avons donc essayé de tester un maximum de choses dans un espace restreint. » Trois modalités, toutes en agriculture biologique, sont mises en œuvre (voir schéma). La première en agroforesterie avec l’association de quatre rangées de raisins de cuve et trois de pêchers, auxquelles sont associés des filets para-grêle en hauteur. L’idée est de tester les effets d’ombrage permis par cette configuration en situation de forte chaleur mais aussi la protection de la vigne, combinée à celle des pêchers, face à la grêle. Seconde modalité : l’association raisin de cuve et raisin de table conduit en gable (pergola ouverte) qui doit permettre, là aussi, de tester les bénéfices de l’ombrage apporté par le raisin de table. Une association innovante qui prend tout son sens, selon Isabelle Méjean, dans un contexte où la demande en raisin de table est croissante. Enfin, troisième modalité, des vignes équipées de filets para-grêles type « sandwich » qui protègent la vigne de chaque côté du rang, sans oublier une haie arbustive diversifiée qui sépare les modalités 2 et 3. Ces trois modalités sont équipées d’un système d’irrigation par goutte à goutte. Enfin, le dispositif prévoit deux zones témoins, sans protection climatique, l’une irriguée et l’autre non. Pour l’ensemble, un seul cépage a été implanté en raisin de cuve. Il s’agit d’un cépage rouge pré-inscrit dans le cadre du programme d’innovation variétale de l’Inrae, baptisé ResDur 2 (pour mémoire, le dispositif ResDur 1 a déjà permis d’inscrire au catalogue officiel quatre variétés : Artaban, Floreal, Vidoc et Voltis, ndlr). Celui implanté sur la plateforme TAB présente deux gènes de résistance au mildiou, deux à l’oïdium et une bonne tolérance au black-rot. 

Favoriser la biodiversité 

« Nous étudierons le comportement des raisins de cuve sur les trois modalités et les deux témoins : rendement, comportement vis-à-vis des maladies, suivi par placette du nombre de grappes, de la maturité, degré selon les ombrages... », détaille Isabelle Méjean. Un suivi des apports d’eau sera également réalisé. L’objectif n’est pas de développer l’irrigation mais bien de mesurer les apports minimaux nécessaires pour passer certains caps et les effets possibles de l’association avec les pêchers ou le raisin de table sur les besoins en eaux de la vigne. Le suivi sanitaire permettra également de confirmer l’intérêt des cépages résistants et l’effet des dispositifs favorisant la biodiversité (haies, nichoirs, engrais verts…). C’est donc un vaste programme qui s’ouvre pour la vigne sur la plateforme TAB et qui sera accessible aux agriculteurs dans le cadre de démonstrations ou d’actions de formation. A noter que ce dispositif expérimental a reçu le soutien financier du Département de la Drôme (par ailleurs propriétaire des bâtiments et terrains de la plateforme d’expérimentation), de l’Agence de l’eau, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). 

Sophie Sabot

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