VISITE MINISTÉRIELLE
Renforcer la profession et l’adapter

A.L.
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Jean Castex, Julien Denormandie et Olivier Dussopt se sont rendus, samedi 10 avril, dans une exploitation arboricole en Nord Ardèche pour constater les dégâts causés par le gel et rencontrer les représentants agricoles départementaux.

Renforcer la profession et l’adapter
Le ministre de l'Agriculture, ici au centre, sur l’exploitation arboricole de Jérôme Pasquio à Colombier-le-Cardinal.

À la suite de l’intense épisode de gel qui a touché une dizaine de régions françaises la semaine dernière dont l’Auvergne Rhône-Alpes (voir en page 5), le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie et le ministre délégué chargé des comptes publics Olivier Dussopt se sont rendus dans l’exploitation arboricole de Jérôme Pasquio à Colombier-le-Cardinal (Nord-Ardèche) pour manifester leur solidarité auprès des agriculteurs sinistrés. Ici comme sur l’ensemble du département, le gel survenu durant la nuit du 7 au 8 avril a causé des dégâts considérables. Dans les vergers de Jérôme Pasquio, le thermomètre est tombé jusqu’à -5°C. Malgré de nombreux moyens de lutte déployés pour protéger ses arbres fruitiers, il estime avoir perdu 100 % de sa récolte.

« Ce type de risque n’est pas assurable sans la solidarité nationale »

La veille, Julien Denormandie avait annoncé le déclenchement sans délais du dispositif de calamités agricoles. « Il sera déplafonné », a ajouté le Premier ministre à Colombier-le-Cardinal. « Nous allons également utiliser tous les moyens dont nous disposons en pareille circonstance, notamment par rapport aux charges. Nous réunirons les banquiers, les assureurs et l'ensemble des acteurs pour faire face à cette situation. Il nous faudra aller au-delà en dégageant des enveloppes exceptionnelles. » Le ministre de l’Agriculture a indiqué souhaiter « que les premières aides arrivent dès le mois de juin ».

Conscient de la répétition des phénomènes climatiques qui bouleversent le monde agricole, le Premier ministre a indiqué devoir « poursuivre et amplifier des actions structurelles. C’est ce que nous faisons et allons faire, notamment dans le cadre de la nouvelle Pac et de la Loi Climat en cours de discussion à l’Assemblée nationale, pour accompagner l’agriculture à faire face et à s’adapter à ces changements. Nous avons besoin d’une agriculture forte, de renforcer cette profession et de l’adapter ». Le ministre de l’Agriculture de confier sur l’assurance récolte : « J’ai passé des nuits sur ce dossier et j’étais même prêt à la rendre obligatoire pour constituer un socle financier.
Mais ce type de risque n’est pas assurable sans la solidarité nationale ».

« Nous avons besoin d’un plan d’urgence ! »

Réclamée dès le 8 avril par les FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) de l’Ardèche et de la Drôme et appuyée par leurs Chambres d’agriculture, l’organisation de cette visite ministérielle s’est poursuivie par une rencontre avec les représentants départementaux du monde agricole. Ce temps d’échanges a permis de revenir sur les conséquences de cet épisode de gel pour l’agriculture ardéchoise. « Malgré la diversité de nos exploitations, nous aurons du mal à nous en remettre. Aucun secteur géographique du département et aucune production n’en sont sortis indemnes ! », a alerté la présidente de la FDSEA Christel Cesana. Elle a mis en garde les ministres sur l’accompagnement financier dont vont avoir besoin très rapidement les agriculteurs sinistrés, pour faire face à leurs charges structurelles, à l’entretien de leur exploitation et aux revenus de leur personnel. « Le dispositif de calamités agricoles a été mis en place, déplafonné, mais il ne suffira pas, son application est trop longue. Nous avons besoin d’un soutien et de mesures d’accompagnement fortes dès aujourd’hui, pour espérer avoir une récolte l’année prochaine. »

La même urgence a été exprimée par le président de la Chambre d’agriculture Benoit Claret : « Nous avons besoin d’un plan d’urgence ! Nous pouvons considérer la situation que vivent les agriculteurs touchés par ce gel comme celle d’une « fermeture climatique », au même titre que des restaurateurs qui font actuellement l’objet de fermetures administratives par rapport à la situation sanitaire. Pendant un an, ces agriculteurs seront centrés sur l’entretien de leur exploitation, sans aucune production ni entrée d’argent », a-t-il indiqué. « La réponse de l’État doit être à la hauteur des enjeux, dans l’immédiat sur la détresse des agriculteurs et leurs connexions aux marchés, en maintenant des prix décents cette année et en valorisant mieux les produits locaux de qualité. Elle doit aussi engager des mesures sur le long terme pour le développement de l’agriculture, vis-à-vis de la disponibilité en eau et de la création de socles assurantiels accessibles pour tout le monde à des prix abordables, mais aussi pour la recherche : certains vergers sont en décalage de 25 jours sur la floraison cette année, les fruits se sont retrouvés en pleine ligne de mire du gel. » Le président de JA Ardèche, Benoît Breysse, d’insister : « Nous avons besoin de réponses rapides à la hauteur des pertes et des problématiques qui mettent à mal le monde agricole. L’enjeu de la souveraineté alimentaire, qui passe par des agriculteurs de proximité permettant d’avoir des produits de qualité à des prix raisonnables, en dépend ».

A.L. (avec C.L. et S.S.)

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Retour sur l'impact du gel en Auvergne Rhône-Alpes

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Après avoir observé les impacts du gel sur les vergers de Jérôme Pasquio (ici au centre), le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture (à droite) ont rencontré les représentants agricoles départementaux, dont le président de la Chambre Benoit Claret (à gauche), la présidente de la FDSEA Christel Cesana et le président de JA Ardèche Benoît Breysse.

RÉUNION DE CRISE /

Demandes d’intervention 

Une réunion autour des ministres de l’Agriculture et du Budget avec les responsables des organismes agricoles s’est tenue ce lundi 12 avril. Toutes les filières demandent l’activation de mesures d’urgence comme l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti, le déplafonnement des aides de minimis, l’activation du fonds d’allègement des charges (FAC) ou encore le déplafonnement du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). À plus long terme, certaines productions veulent travailler à un système assurantiel, développer des moyens de protection aujourd’hui insuffisants par le manque d’eau (solution de stockage) et activer la recherche pour obtenir des semences résistantes. De son côté l’Apca (Chambres d’agriculture) s’est engagée à mettre en place une cellule de crise par département, notamment pour identifier les cas de détresse, et donner un premier niveau de conseils. Si les banques et assurances ont constaté que le nombre d’exploitations et d’hectares assurés était encore faible1, elles ont certifié que « les engagements seront maintenus » et souhaiteraient la mise en place d’un pool de coassurance pour la gestion des calamités nationales. Le ministre a demandé une « attention particulière aux jeunes agriculteurs » et fixé le prochain rendez-vous dans la semaine du 19 au 23 avril.

C.S.

1. 117 000 ha couverts sur 555 000 ha, 920 M€ de capital assuré et 40 M€ de cotisations selon Groupama. 80 000 exploitants assurés dont 13 000 contre le gel - 3 400 déclarations de sinistres - 100 M€ d’indemnisations à venir.

NOTEZ-LE /

Le Département accompagne les agriculteurs impactés

Le président du conseil départemental de l’Ardèche s’est engagé à accompagner les exploitations impactées par le gel, « comme nous le faisons à chaque fois que les éléments climatiques mettent en danger la profession agricole et les exploitants », avec notamment « une enveloppe de 300 000 € à minima égale à celles des années précédentes ».

Un fonds de 15 M€ débloqués en urgence par la Région

En visite dans l’exploitation arboricole de Grégory Grangier vendredi 9 avril à Lemps, le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes a annoncé débloquer un fonds de 15 millions d’euros (M€) pour aider les agriculteurs impactés par le gel. « Cela ne suffira pas », a-t-il indiqué. « Nous avons besoin d’un vrai message de solidarité nationale pour pouvoir les accompagner. On va se retrouver avec des exportations et des produits qui ne respectent pas ce que l’on attend. On doit agir vite. »