PORTRAIT
Lixiane, une vie consacrée à l’Arbre d’or

Aujourd’hui retraitée, Lixiane Keller de Schleitheim a fait partie des derniers sériciculteurs de l’Ardèche.

Lixiane, une vie consacrée à l’Arbre d’or
Lixiane Keller a implanté des centaines de mûrier dans la propriété familiale à Saint-Vincent-de-Barrès, où elle produisait des cocons.

Aujourd’hui retraitée, Lixiane Keller de Schleitheim fait partie des derniers sériciculteurs de l’Ardèche. Née près d’Alès, au cœur des Cévennes, elle s’est prise de passion pour la culture du ver à soie quand, adolescente, son père lui avait offert ses premières larves. « Je suis née à l’époque où le mûrier avait encore une place centrale dans la vie des Cévenols. J’ai assisté au déclin progressif de la sériciculture avec la fermeture des dernières filatures, l’exode rural et l’abandon des mûriers. Mais j’ai aussi eu la chance de participer, dans les années 1970,  à la relance de la sériciculture en Cévennes. »

En 1983, elle s’installe à Saint-Vincent-de-Barrès, dans le domaine familial, qui compte 32 ha. « Jusqu’en 1951, il y avait ici 400 mûriers traditionnels multiséculaires ! Mon père a décidé de tout arracher pour y implanter des céréales, et ne sont plus restés que les mûriers de bordure de chemin. » Lixiane replante progressivement jusqu’à 400 mûriers de variété japonaise « kokuso » et réhabilite une cinquantaine de mûriers anciens. Elle décide de remettre en service la vieille magnanerie de la maison pour y produire des cocons destinés à la filature de Monoblet, réouverte entre temps. « J’ai produit mes premiers cocons en 1984. » En parallèle Lixiane élève un troupeau de brebis BMC, essentiellement pour la reproduction, en lien avec l’UPRA de la race. « Je travaillais aussi avec Ardelaine pour la tonte. »

En 1992, elle lance sa première « Fête de la Soie » à Saint-Vincent-de-Barrès, qu’elle reconduira pendant 5 éditions. « On accueillait jusqu’à 2 000 personnes sur le week-end ! » Elle crée également des chambres d’hôtes et reçoit des écoliers et visiteurs lors d’ateliers pédagogiques dans la magnanerie. En 1995, elle participe au projet de la station de grainage européenne du Pradel. Mais lorsque celle-ci ferme après seulement trois ans de fonctionnement, Lixiane est contrainte d’abandonner son activité séricicole. Elle n’abandonne pas sa passion pour autant : le mûrier et le ver à soie seront le support de plusieurs spectacles et animations qu’elle donnera avec son mari Patrice, metteur en scène, en divers lieux ou à l’occasion d’événements sur le thème de la soie.

Le Mûrier véhicule depuis toujours un aspect symbolique et légendaire très fort.

En Chine, le mûrier est la résidence de la "Mère des soleils". On raconte que chaque matin, le soleil monte dans le tronc creux du Mûrier. Ce n'est pas un hasard si les rites taoistes accompagnaient la marche du soleil avec des chants et des rythmes battus sur le tronc d'un mûrier. Cet arbre est porteur de lumière, symbole de prospérité, de patience et de sagesse. Un proverbe chinois dit : "Avec le temps et la patience, la feuille de mûrier devient soie". Il peut d'ailleurs vivre plusieurs siècles !
Dans les Cévennes, le mûrier, surnommé « l'arbre d'or », est un arbre patrimonial au même titre que le châtaignier appellé « l'arbre à pain » ou l’olivier, « l’arbre d’argent ». Arbre d’or, certainement pour le jaune doré de ses feuilles à l'automne mais aussi pour ce qu'il rapportait aux sériciculteurs d'alors payés en pièces d'or (écus).
"L'arbre de vie" des vers à soie rassemble de nombreuses légendes. On raconte de lui qu'il est "le plus sage" des arbres: sa végétation tardive semble en effet pressentir et éviter les dernières gelées. On lui oppose souvent le "fol amandier" qui est toujours le premier à fleurir.