AUTOMATISATION
Bovins laitiers : la robotisation de l’alimentation, la solution ultime ?

Amandine Priolet
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AUTOMATISATION / Les Chambres d’agriculture des Pays de La Loire, de Bretagne et de Normandie, en partenariat avec l’Idele (Institut de l’élevage), ont réalisé une enquête sur l’automatisation de l’alimentation, et plus particulièrement sur les conceptions des bâtiments et les impacts techniques et financiers pour l’élevage.

Bovins laitiers : la robotisation de l’alimentation, la solution ultime ?
Si la traite, qui correspond à 50 % de l’astreinte nécessaire chez les bovins laitiers, a été robotisée depuis plus de quinze ans, l’automatisation de l’alimentation, quant à elle, est venue sur le tard.

« Historiquement, l’automatisation de l’alimentation était plus présente dans les élevages porcins ou veaux de boucherie, des productions qui nécessitent un temps de présence dans le bâtiment relativement long. Le système est apparu chez les bovins au début des années 2010 en France », explique Arnaud Bruel, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Si la traite, qui correspond à 50 % de l’astreinte nécessaire chez les bovins laitiers, a été robotisée depuis plus de quinze ans, l’automatisation de l’alimentation, quant à elle, est venue sur le tard. L’offre s’est développée depuis 2012 pour répondre à l’évolution du contexte de production : agrandissement des troupeaux, conduite en lots, diminution du pâturage, intensification de la main-d’œuvre, etc. En 2018, plus de 160 fermes en étaient équipées sur le territoire national. Pour avoir des références sur l’implantation des robots lors de la conception de bâtiments neufs ou pour des bâtiments existants, un long travail d’enquête a donc été réalisé par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, en partenariat avec les chambres d’agriculture de Bretagne et de Normandie et l’Idele, auprès de fournisseurs et d’éleveurs équipés de robots d’alimentation.

Conception et implantation des bâtiments ont un rôle à jouer

La robotisation de l’alimentation a des conséquences sur la conception ou l’aménagement des bâtiments, en fonction de leurs critères : équipements sur rails (les premiers à avoir été développés) ou sur roues (plus souples d’utilisation, tendance au développement). La conception de la cuisine (stockage intermédiaire des différents composants de la ration, ndlr) nécessite de prendre en compte plusieurs éléments. Il faut notamment prévoir une façade ouverte, idéalement orientée Nord ou Est, pour protéger le fourrage des pluies et des vents dominants. On peut éventuellement ajouter un rideau amovible à cette façade pour une protection plus efficace face aux intempéries et éviter également l’entrée des oiseaux dans l’espace de stockage. Prévoir enfin un sol bétonné lissé, avec une pente à 0,5 % pour de meilleurs écoulements et un nettoyage facilité. Il est recommandé de concevoir une cuisine de 100 m2 pour 100 têtes de bétail à nourrir, mais cela dépend de la famille, du nombre d’aliments et de rations, des volumes à distribuer, etc. « Au niveau de l’implantation des bâtiments, la tendance est de créer une cuisine indépendante des stabulations, de préférence le plus près possible des zones de stockage primaires (silos, etc.) », poursuit Arnaud Bruel.

Une opportunité pour adapter les rations

Par ailleurs, les robots d’alimentation ont un impact sur la production laitière, le comportement des animaux et la conduite de l’alimentation. « C’est une opportunité pour adapter les rations, d’autant plus si elles sont complexes, à chaque lot d’animaux, en particulier dans les grands troupeaux », prévient Jean-Luc Ménard, chef de projet Bâtiments d’élevage à l’Idele. Par ce biais également, « les refus sont souvent réduits au minimum et utilisés comme indicateur pour adapter la quantité distribuée, ce qui permet de réduire la fréquence de nettoyage de l’auge ». Il se trouve également que la fréquence des distributions augmente. L’optimum semble se situer à six distributions par jour, justifié par la capacité plus modérée du robot de distribution, mais aussi par le type de matériel (poids…) et son coût. En revanche, si l’alimentation est optimisée avant l’automatisation, il n’y a peu ou pas d’effet de l’augmentation de la fréquence de distribution sur la production laitière. Mais cette augmentation de fréquence modifie le comportement des bêtes, notamment en termes de réduction significative des temps de couchage longs.

Des investissements lourds

« Pour un projet à neuf, on recommande de toujours respecter une place à l’auge par vache laitière et les principes de base de l’alimentation. Lorsque l’on réaménage un espace existant, si les places à l’auge sont insuffisantes, il est possible de faire des approvisionnements successifs par série de 3 à 30 min d’intervalle, et ce, à trois reprises dans la journée », précise Jean-Luc Ménard.

Les solutions de robotisation sont donc multiples et variées et seront regroupées dans une synthèse publiée d’ici la fin du mois d’octobre. Les conseillers en bâtiments et en élevage pourront désormais s’appuyer sur un certain nombre de références pour mieux conseiller les éleveurs sur la conception et l’implantation. La conduite de l’alimentation peut être améliorée et plus précise avec des rations adaptées à chaque lot d’animaux à condition de bien utiliser le matériel et les logiciels. Cependant, la robotisation représente des investissements lourds en cas d’effectifs limités. Ces investissements peuvent alors être envisagés pour les plus gros élevages, avec une main-d’œuvre limitée. Toutefois, l’automatisation de l’alimentation présente des gains intéressants : « la robotisation fait gagner du temps et de la pénibilité de travail, et apporte plus de souplesse, notamment les week-ends. Si le gain de temps en lui-même ne permet pas de rentabiliser à lui seul les investissements supplémentaires, il ne faut pas négliger l’intérêt de ces outils sur l’attractivité au métier ou sur la capacité à subvenir aux difficultés d’embauche de salariés dans les gros élevages, à l’image de ce qu’il se passe dans les filières avicole ou porcine », conclut Arnaud Bruel.

Amandine Priolet