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Gestion des eaux : la profession agricole rejette le projet de Sdage 2022-2027

Amandine Priolet
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AGENCE RMC / Le comité de bassin Rhône-Méditerranée a adopté, le 25 septembre dernier, le projet de schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour la période 2022-2027. Des mesures qui vont, selon la profession agricole, à l’encontre de la production alimentaire française.

Gestion des eaux : la profession agricole rejette le projet de Sdage 2022-2027
Le coût total du programme porté par le Sdage 2022-2027 est estimé à plus de 3 milliards d’euros, soit environ 500 millions d’euros par an.

Document de référence qui relate les politiques publiques pour atteindre un bon état des eaux, le très attendu projet de schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour la période 2022-2027 a été adopté le 25 septembre dernier par le comité de bassin Rhône-Méditerranée. Celui-ci décline les axes d’évolution majeurs sur lesquels le comité doit concentrer ses efforts dans les prochaines années. Dans les grandes lignes, le projet de Sdage 2022-2027 vise à augmenter la part des masses d’eau de surface (cours d’eau, lacs, lagunes) en bon état écologique en 2027 par rapport à l’état évalué en 2019, soit un objectif de 68 %. Pour cela, il est envisagé de restaurer l’hydromorphologie des cours d’eau : les propositions de mesures aboutissent à un linéaire à restaurer d’environ 485 km, soit 80 km par an. « Par cette restauration, la rivière ou autre cours d’eau bénéficiera de plus d’espaces, permettant non seulement de diversifier les modes d’écoulement et les populations, mais aussi de réduire le risque d’inondations », explique Kristell Astier-Cohu, responsable du département de la connaissance et de la planification à l’Agence de l’eau RMC.

Au détriment de la souveraineté alimentaire

En revanche, pour atteindre l’objectif de 68 % de masses d’eau de surface en bon état écologique, le milieu agricole, et plus précisément l’élevage, se voit impacter. « Si l’on exige d’avoir de moins en moins de nitrates dans les rivières, la pression d’élevage doit être réduite progressivement. La capacité de stockage des effluents doit augmenter, l’éleveur devra, sinon, réduire sa production et son nombre de bêtes. L’accès à la fumure azotée est donc un enjeu important », explique le représentant de la profession agricole au comité de bassin RMC, Jean-Marc Fragnoux.

Le second enjeu majeur porté dans le Sadge 2022-2027 est la gestion de l’équilibre et de la ressource en eau pour assurer un meilleur partage entre les différents acteurs : industrie, agriculture, eau potable, etc. « Il convient ici de définir les règles de partage pour réduire le déficit en eau », poursuit Kristell Astier-Cohu. Dans un contexte de changement climatique, une gestion équilibrée de la ressource en eau doit ainsi permettre d’économiser ou de substituer environ 210 millions de m3 d’eau entre 2022 et 2027. Le changement climatique, c’est justement la préoccupation majeure de la profession agricole. Réunis en session ordinaire le 22 septembre dernier, les élus de la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes ont voté une motion relative aux enjeux des Sdage en Aura, appelant à ce que ces derniers « comportent un axe en faveur du développement du stockage de l’eau, traduisant une politique volontariste en faveur de l’accroissement de la ressource ». Les trois chambres consulaires d’Aura (agriculture, artisanat et industrie et commerce) ont d’ailleurs cosigné un courrier adressé au préfet coordonnateur de bassin, Pascal Mailhos, pour l’inviter à réagir à « une évolution climatique se traduisant par des situations plus irrégulières, plus extrêmes » et qui touche « tous les secteurs d’activité ».

Vers une baisse de la production agricole ?

Cependant, les mesures proposées par le projet du bassin RMC pour partager l’eau inquiètent davantage encore le monde agricole : « Toute contrainte environnementale entraîne forcément une baisse de la production alimentaire. Faire des économies d’eau n’apporte aucun préjudice à l’agriculture, mais devoir rationner la quantité d’eau disponible conduira forcément à une réduction de la production », analyse Jean-Marc Fragnoux. Réponse : « la recherche de voies d’économies d’eau, notamment en période d’étiage, est l’une des solutions identifiées par le Sdage pour lutter contre les déséquilibres. En complément de ces économies d’eau, sont étudiées des solutions de stockage ou de transfert d’eau, gage de durabilité et de partage de la ressource », prévient Kristell Astier-Cohu. Parmi les solutions de stockage, il y a les retenues collinaires. « Malheureusement, dans la réalité, ces solutions ne se mettent pas - ou peu - en place, à cause d’obligations réglementaires. Nous aimerions faire en sorte que la faisabilité de ces projets soit bien réelle », rajoute Jean-Marc Fragnoux.

Le débat est ouvert

Le coût total du programme porté par le Sdage 2022-2027 est estimé à plus de 3 milliards d’euros, soit environ 500 millions d’euros par an. Pour rappel, le précédent programme 2016-2021 a mobilisé près de 487 M€ par an (période 2016-2019). Le projet pour 2022-2027 a reçu la désapprobation de la profession agricole, représentée par sept agriculteurs. Désormais, « le débat est ouvert. La machine syndicale et le réseau des présidents des chambres régionales soutiennent notre démarche qui vise juste à sauver ou maintenir la production agricole. La clé de notre approbation, ce serait l’accès à la ressource et le stockage », termine Jean-Marc Fragnoux. Les élus des chambres régionales d'agriculture prévoient d'organiser une rencontre avec le préfet de Région, Pascal Mailhos, dans les prochaines semaines.

De son côté, le grand public pourra donner son avis à partir du 15 février 2021 et ce, pendant six mois. L’approbation finale devrait intervenir d’ici mars 2022. « Tout plan et programme doivent être soumis à une autorité indépendante du ministère de l’Écologie, qui a trois mois pour donner son avis, explique Kristell Astier-Cohu. Le projet est ensuite proposé à une consultation institutionnelle (durant quatre mois) et à une consultation publique (six mois), avant de valider les éventuelles évolutions à apporter. Ceci explique ce délai aussi long ».

Amandine Priolet

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Jean-Marc Fragnoux, représentant de la profession agricole au comité de bassin RMC. ©AgenceRMC