ALIMENTATION DE PÉNURIE
Utilisation des coproduits : ne pas agir sur un coup de tête !

Magdeleine Barralon
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ALIMENTATION DE PÉNURIE / Drêches de distillerie, de brasserie ou d’amidonnerie, pulpe de betterave, purée de pois, pommes de terre, marc de raisin : les coproduits sont des substituts ponctuels dans l’alimentation animale, qui demandent de l’anticipation et de la réflexion.

Utilisation des coproduits : ne pas agir sur un coup de tête !
Les sous-produits de la pomme de terre sont nombreux et très variables selon la méthode de transformation dont ils sont issus. © Comité national des coproduits
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« L’éleveur doit, avant d’utiliser un coproduit qu’il ne connaît pas, procéder à une analyse en laboratoire pour savoir avec quel type de produit il va travailler afin de connaître ses valeurs alimentaires », conseille Benoit Rouillé, de l’Idele, animateur du comité national des coproduits.

« Comme tous les concentrés, les coproduits sont riches en valeurs alimentaires, mais dans la majorité des cas, d’un seul élément. Ils apportent soit de l’énergie (UFL), soit des protéines (PDI). Rares sont ceux qui contiennent les deux éléments », indique Benoit Rouillé, de l’Idele (Institut de l’élevage) et animateur du comité national des coproduits. « L’éleveur va donc devoir identifier précisément le type de manque auquel il est confronté et bien choisir le coproduit qui pourra venir compenser cette lacune. »  Benoit Rouillé donne l’exemple d’un éleveur qui a pour pratique principale le pâturage : s’il ne dispose pas de fourrage de qualité et qu’il manque également de protéines, il pourra choisir de faire appel à des coproduits, comme certains types de drèches (distillerie, brasserie, amidonnerie). « Les céréales de brasserie ont une bonne valeur protéique pour les ruminants et sont relativement riches en protéines non dégradables dans le rumen par rapport aux aliments dérivés d'autres plantes. Les céréales de brasserie sont donc souvent utilisées dans les systèmes de production de ruminants avec des besoins élevés en protéines de contournement, comme les vaches laitières à haut rendement », indique Feedipedia, l’encyclopédie en ligne des aliments pour animaux (feedipedia.org).

La pomme de terre, source d’énergie

Si le manque identifié par l’éleveur concerne l’énergie (UFL), il lui faudra donc opter pour des coproduits énergétiques, comme la pomme de terre par exemple. « De nombreux sous-produits de la pomme de terre sont riches en amidon, selon la quantité de tubercule laissée dans le sous-produit, et sont précieux comme source d'énergie. Ils ont souvent des teneurs relativement faibles en protéines, minéraux et fibres, mais ces derniers peuvent être importants, si les pelures sont incluses dans le sous-produit », peut-on lire sur Feedipedia. Cette année, en raison du confinement et de la baisse de consommation de frites, des volumes considérables de pommes de terre ont été distribués par les producteurs comme coproduits. Les tubercules sont proposés crus et éclatés pour la bonne absorption par les bovins.

« Il est évident que les coproduits n’entrent dans une ration qu’à l’échelle de complément qui va couvrir 10 à 15 % des besoins, ce qui équivaut à 2 à 3 kg de MS par laitière et par jour, avertit Benoit Rouillé. Un palliatif qui ne peut, bien évidemment, venir en renfort que pendant un temps limité, deux à trois mois tout au plus. Il existe des outils de calcul pour évaluer ce qu’il faut proposer, des tableaux d’analyses physico-chimiques qui permettent de connaître précisément la composition des produits ». Il s’agit aussi, précise-t-il, d’une question de calcul, de rapport entre le prix des coproduits, les performances souhaitées et la disponibilité de cette matière première.  

Un usage à anticiper

Benoit Rouillé conseille à tout éleveur qui emploie un coproduit qu’il n’a pas l’habitude d’utiliser, de procéder à une analyse en laboratoire pour savoir avec quel type de produit il va travailler, afin de connaître les valeurs alimentaires : la teneur en eau, en protéines, en matières organiques et la digestibilité. De même, notre spécialiste avertit les éleveurs de ne pas agir sur un coup de tête. « Ce type d’approvisionnement doit être anticipé, il faut organiser le stockage. Ce qui ne va pas de soi, certains coproduits humides demandent un silo spécial, d’autres nécessitent une dalle en béton. Il faut également prévoir la distribution, qui peut demander un matériel de reprise particulier en fonction de la texture du produit », alerte le technicien. Et de reconnaître dans le même temps : « Bien entendu, si l’éleveur est confronté à un véritable déficit fourragé, il faut nourrir les animaux, il n’y a pas à tergiverser. L’éleveur doit alors être pragmatique, et évaluer le risque et les bénéfices à utiliser tel ou tel coproduit. »

Magdeleine Barralon

Plus d'infos sur : https://www.feedipedia.org/

EXPLICATION / Qu’est qu’un coproduit ?

« Il n’y a pas de définition précise dans la réglementation française, confie Benoit Rouillé. Dès qu’une matière, issue de l’industrie agroalimentaire, peut-être valorisée, c’est un coproduit ou un sous-produit. Dans une étude réalisée en 2017, 76 % des coproduits présentent un intérêt pour l’alimentation animale ». C’est un bon débouché pour les industriels de l’agroalimentaire, pour l’industrie de l’alimentation animale car ces matières présentent de bonnes valeurs nutritionnelles. Cela peut représenter une solution pour les éleveurs en cas de pénurie de fourrages. Certains coproduits sont cotés sur un marché dédié, comme le tourteau de colza par exemple. Les coproduits disponibles sur le marché sont généralement distribués par des professionnels spécialisés, comme Bonda, Margaron (Isère), Néalia… D’autres peuvent relever d’opportunités locales, l’éleveur par exemple bénéficie de la proximité d’une micro-brasserie qui trouve ainsi un débouché pour ses drêches. Humides ou secs, les coproduits sont nombreux et diversifiés. La liste complète est à consulter sur http://idele.fr/reseaux-et-partenariats/comite-national-des-coproduits.html

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La pulpe de betterave surpressée est considérée par la grande majorité des éleveurs utilisateurs comme un excellent aliment du fait de son grand intérêt alimentaire, de sa bonne conservation par ensilage et de son appétence. C’est le premier coproduit en France en termes de quantités disponibles. © Comité national des coproduits