STRATÉGIE
Fourragères et sécheresse : prévenir et guérir

Source Gnis
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STRATÉGIE / Cette année encore, il faut craindre la sécheresse et ses effets néfastes voire dramatiques pour le monde de l’élevage. Face à cette situation, deux issues sont à envisager : gérer l’urgence et repenser son système pour les années futures. Des solutions sont possibles à court terme avec les intercultures et à long terme en choisissant bien les espèces adaptées lors de ressemis de prairie. Zoom sur les conseils du Gnis.

Fourragères et sécheresse : prévenir et guérir
Pour gérer l’urgence en cas de sécheresse, il faut déjà préserver les prairies en place en évitant le surpâturage. ©LP_dgeorgeault

Pour gérer l’urgence, il faut déjà préserver les prairies en place. Il convient d’abord de ne pas dégrader les prairies par le surpâturage. Si c’est le cas, il est préférable de concentrer les animaux sur une petite surface et de les affourrager. Un pâturage trop ras épuise la plante de ses réserves glucidiques, réduit la surface foliaire et pénalise fortement le redémarrage de la croissance dès le retour de la pluie. Le surpâturage entraîne aussi la nanification de certaines graminées qui est irréversible. Quelques espèces cessent de produire mais ne meurent pas, comme le ray-grass anglais. D’autres meurent comme la fétuque des prés ou les pâturins. Lorsque la végétation cesse de pousser, le sol continue de libérer de l’azote qui s’accumule et qui sera disponible dès le retour des pluies. Il n’est donc pas utile de s’empresser de donner un apport azoté, Il est même possible de s’en abstenir.

Semis de prairie, une opération possible

Lorsque la prairie est en souffrance, les conditions sont idéales pour réussir le sursemis, en espérant, bien sûr, une pluie d’orage après le semis. On peut alors choisir les espèces de façon classique, c’est-à-dire en fonction du type de sol, de l’objectif d’utilisation, de la période de production et selon la pérennité. Mais l’on peut également, puisqu’il s’agit d’une situation d’urgence, semer des espèces très rapides d’installation comme le ray-grass d’Italie (RGI) ou hybride (RGH). Il est d’ailleurs possible d’associer ces ray-grass aux autres espèces plus pérennes afin qu’ils servent de couvert et de protection. Une fois les RGI et RGH en fin de vie, les autres espèces prendront le relais. Un premier pâturage est envisageable 30 jours après le sursemis.

Intercultures pour se refaire

Les cultures dérobées fourragères sont une solution à étudier, notamment après les cultures qui se récoltent tôt, tels que les orges ou certains légumes. Beaucoup d’espèces sont disponibles. Pour les choisir, il convient de se poser quelques questions clés. Où se situe la parcelle et peut-on envisager facilement un pâturage ? Peut-on réaliser une récolte mécanisée ? À quelle date sera-t-il possible de semer ? Quelle sera la culture l’année suivante ? Comment prévoir la destruction du couvert après l’exploitation ? Quand exploiter (dès l’été-automne, en hiver, au printemps, ou à plusieurs de ces périodes) ? Pour aider à la prise de décision, le Gnis met à disposition, sur simple demande, une réglette qui permet d’intégrer toutes ces questions à se poser. Les réponses sont ainsi accessibles avec une information simple sur chacune des espèces utilisables. Cette période de sécheresse est l’occasion d’observer, le long des chemins, quelles sont les espèces qui résistent le mieux. Un bon indicateur qui peut servir au choix des espèces à semer pour les prochaines saisons.

Envisager les années futures

Personne ne peut prédire le climat dans les années futures proches. Il est néanmoins logique de penser que les sécheresses deviendront récurrentes. Plusieurs pistes sont alors à explorer. Il peut être intéressant d’implanter des mélanges d’espèces et de variétés bien adaptées pour renouveler ses prairies en exploitant au mieux le progrès génétique des variétés récentes. Par ailleurs, il sera nécessaire de mener une réflexion pour gérer des stocks d’herbe de qualité sur pied. Enfin, un aménagement des parcelles est éventuellement à envisager. Ainsi, planter des arbres et des haies permettra d’obtenir de l’ombre favorable aux plantes prairiales et aux animaux en période de chaleur et de sécheresse.

Éviter l’amalgame entre sécheresse et chaleur

Lorsque l’on évoque la sécheresse, l’on pense aussi canicule. Pourtant, il s’agit de deux sujets bien distincts. Il peut faire sec, sans excès de chaleur, ou très chaud, alors qu’il reste encore une bonne réserve en eau dans le sol. Des espèces résistent mieux à la sécheresse que d’autres : la fétuque élevée, le dactyle, le lotier et surtout la luzerne qui est en quelque sorte une assurance sécheresse. D’autres espèces cessent de produire mais ne meurent pas, comme le ray-grass anglais et le ray-grass hybride. D’autres encore sont sensibles et disparaissent définitivement comme la fétuque des prés (sauf quelques variétés sélectionnées) et le ray-grass d’Italie. La fléole est aussi assez sensible. Il est important de préciser que pour obtenir une flore qui résiste mieux à la sécheresse, il faut favoriser la profondeur d’enracinement. Pour cela, deux moyens existent : faire monter la végétation pour effectuer une fauche une fois tous les 2 ou 3 ans et favoriser la vie du ver de terre. Ce dernier brasse les différents horizons du sol, aère la terre en profondeur grâce à ses galeries, favorise le drainage, enrichit le sol avec ses déjections et permet de répartir la fertilité. Pour soutenir l’activité du ver de terre, il y a trois moyens : hersage en surface, apport d’effluents d’élevage (idéal : fumier de dépôt ou compost) et tranquillité ! En ce qui concerne l’excès de chaleur, la plupart des plantes sont actives jusque 30 à 33°C, sauf le ray-grass anglais qui entre en dormance au-dessus de 25°C ! La luzerne pousse jusqu’à 40°C !

Source Gnis

Lorsque la prairie est en souffrance, les conditions sont idéales pour réussir le sursemis, en espérant, bien sûr, une pluie d’orage après le semis. ©youtube

PÂTURAGE / Gérer des stocks de fourrage sur pied de qualité

La proportion de fourrage pâturé dans l’alimentation annuelle impacte beaucoup le résultat économique. Récolter mécaniquement coûte cher. Néanmoins, constituer des stocks abondants sur pied et les faire pâturer exige quelques règles. Il faut que la parcelle ait été déprimée, voire pâturée lors du deuxième passage des animaux pour favoriser le tallage et la densité et ne pas avoir trop de vieilles feuilles. Puis, il faut se donner l’objectif d’avoir une bonne proportion de légumineuses : trèfle blanc, lotier, luzerne, trèfle violet. Comme l’herbe pâturée sera haute (30 à 60 cm), il est indispensable d’organiser un pâturage au fil avancé chaque jour (fil avant et fil arrière) ou de constituer des petits paddocks quotidiens. En pâturage classique, il est clairement établi que la hauteur d’herbe au pâturage doit se situer entre 5 et 15 cm. La qualité doit être une priorité. En prairie temporaire, les critères variétaux des espèces à privilégier sont la souplesse d’exploitation, la précocité, la remontaison, la résistance aux maladies.

Le site Internet www.herbe-book.org permet à tous d’avoir accès à l’information sur les variétés du catalogue officiel français.

À SAVOIR / La betterave fourragère s’adapte quel que soit le climat

La betterave fourragère est une plante particulièrement intéressante pour les éleveurs. En effet, si une période devient défavorable (sécheresse, chaleur ou froid), la betterave cesse de croître. Toutefois, dès que les conditions sont à nouveau favorables, elle redémarre très vite avec souvent une croissance compensatrice, diminuant ainsi très fortement les retards de croissante constatés. La betterave fourragère surprend toujours par sa productivité. Le rendement peut être de 100 à 120 tonnes à l’hectare, soit 18 000 à 20 000 UFl. Par contre, elle se caractérise par sa faible valeur d’encombrement qui est de 0,6 UEl. La betterave fourragère est, quant à elle, facile à conserver tout l’hiver. Elle est mécanisable du semis à l’auge, à moins qu’elle ne soit valorisée en pâturage au fil.

Pour obtenir plus d’informations techniques sur cette espèce et des renseignements sur les variétés, rendez-vous sur le site Internet www.betterave-fourragere.org

Le rendement de la betterave fourragère peut atteindre 100 à 120 tonnes par hectare, soit 18 000 à 20 000 UFL. ©Gnis-j-greffier