GESTION DES PRAIRIES NATURELLES
Performance et biodiversité, même combat

Dans le massif des Bauges (Savoie et Haute-Savoie), un collectif d’éleveurs laitiers adapte ses pratiques pour préserver une biodiversité prairiale qui contribue à la qualité de la tome produite, tout en assurant une rentabilité fourragère suffisante pour les exploitations. Intérêts productifs et enjeux environnementaux sont durablement liés dans une démarche territoriale cohérente.

Performance et biodiversité, même combat
Visite d’une prairie naturelle du massif des Bauges.

Les massifs de montagne sont le berceau d’une biodiversité végétale rare. « L’enjeu pour le territoire est de maintenir ces espaces à la diversité floristique exceptionnelle », explique Audrey Stucker, chargée de mission agriculture au sein du parc naturel régional du massif des Bauges. Du côté des agriculteurs, l’éleveur laitier André Petit-Roulet souligne que : « On s’est toujours intéressé à nos prairies parce qu’elles représentent 80 % de la surface de nos exploitations, si ce n’est plus. C’est un milieu complexe qu’on ne maîtrise pas et on cherche à sélectionner les plantes les plus intéressantes pour nos animaux ».

Si la poursuite d’une bonne rentabilité fourragère peut, à première vue, faire obstacle à l’objectif de préservation des prairies, ce sont en fait des enjeux complémentaires. Déployé de 2014 à 2017 sur plusieurs territoires dont le massif des Bauges, le programme ATOUS1 a mis en évidence que les pratiques agricoles propices au maintien d’une biodiversité riche sont également garantes d’une ressource herbagère optimale en quantité et en qualité. « On ne fait pas de l’environnement pour faire de l’environnement : pour que les agriculteurs préservent les prairies naturelles, il faut qu’elles aient un rôle économique, qu’elles représentent un intérêt pour la filière fromagère », affirme Audrey Stucker.

Déconstruire les idées reçues grâce au collectif

Partageant d’ores et déjà le cahier des charges de la certification AOP de la Tome des Bauges, 21 agriculteurs ont été partie prenante du projet ATOUS. Financé par le Casdar2 agroécologie3, le groupe fut porté par le Parc naturel régional et accompagné par la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Suite au diagnostic individuel de chaque ferme, des leviers d’amélioration du revenu des exploitations ont été identifiés et partagés collectivement : « On a pu croiser les données économiques de la filière avec le rôle de la biodiversité, pour prouver son utilité dans l’autonomie fourragère, la santé des animaux, la qualité du lait, etc. » raconte Audrey Stucker, alors animatrice du collectif. Ce fut une découverte pour les agriculteurs, qui ne soupçonnaient pas la présence d’une telle ressource sur leurs exploitations. « Je ne me rendais pas compte qu’il y avait tant de diversité de plantes sur les prairies de montagne et de semi-montagne. À force de voir, on ne voit plus ! C’est pourtant très bénéfique pour nos vaches », souligne André Petit-Roulet. Pour optimiser l’usage de cette ressource et la préserver, les éleveurs ont repensé la gestion de leur système fourrager : « On a constaté qu’il était préférable de sortir les vaches tôt parce qu’à la fin l’herbe a peu de valeur, elle est déséquilibrée. C’est l’expérience du groupe qui nous a amenés à cette conclusion. On peut échanger entre agriculteurs, se comparer, chacun peut apporter ses compétences, c’est très enrichissant ». Les résultats concrets sont là : « D’avril à octobre, les vaches ont pu trouver leur ration à l’extérieur, sans discontinuité ni apport d’affouragement en vert », constate André Petit-Roulet.

L’élevage comme allier de la biodiversité

Les apiculteurs sont les premiers bénéficiaires de cette diversité floristique : « Pour favoriser la pollinisation, on leur a proposé des emplacements dans les prairies. Cela a recréé du dialogue entre des professions qui ont des intérêts communs » raconte Audrey Stucker. L’enjeu est aussi de faire découvrir ce lien entre élevage et biodiversité préservée au-delà des professions directement concernées. « Dans une prairie naturelle de montagne ou de semi-montagne, on dépasse les 40 espèces, et on ne pourra préserver cette biodiversité qu’en fauchant et en faisant pâturer nos prairies ! D’un point de vue extérieur, ce n’est que de l’herbe… On a matière à apporter au grand public, le maintien de la biodiversité par notre travail est une réalité à mettre en avant », conclut André Petit-Roulet.

Comité technique de la région Auvergne Rhône-Alpes

1. Programme ATOUS : déployé en Alpes du Nord, Pyrénées-Atlantiques et Massif central, ce projet visait à explorer la question suivante : « Comment et en quoi l’autonomie fourragère modifie-t-elle les services rendus par les prairies en zone de production fromagère AOP/IGP de montagne ? »

2. Casdar : Compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural

3. Appel à projet « mobilisation collective pour l’agroécologie » pour lequel le PNR des Bauges fut lauréat avec la problématique suivante : « Quelle gestion des prairies naturelles en système AOP tome des Bauges pour une pérennité de la biodiversité prairiale du massif des Bauges ?