L’élevage d’angora, une filière qui recrute

CAPRIN / Encore marginal en France, l’élevage de chèvres de race angora, exclusivement consacré à la production de mohair, offre pourtant de belles opportunités avec une demande soutenue.

L’élevage d’angora, une filière qui recrute
Pascal Gouache, éleveur à Saint-Pierreville. ©Bérenger Morel.

Il y a longtemps déjà que Pascal Gouache a abandonné l’élevage de chèvres laitières pour se consacrer exclusivement à la production de mohair, une laine fabriquée à partir de la toison de l’angora. Installé à Saint-Pierreville depuis 1988, avec son épouse Isabelle, il élève aujourd’hui une centaine de chèvres de la race sur près de 100 ha de parcours, essentiellement en sous-bois. « C’est aujourd’hui notre unique activité, et nous en vivons bien ! » affirme-t-il.

Président de la section chèvre angora au sein de Capgènes, il accueillait cette année sur son exploitation des éleveurs de la race venus des quatre coins de l’Hexagone à l’occasion de l’assemblée générale.

Une conduite d’élevage bien spécifique

La production de mohair requiert des conditions bien différentes de la production de lait. « Nous n’avons pas la contrainte de la traite à heure fixe deux fois par jour ! s’amuse Pascal Gouache. Nous n’avons pas une production journalière comme en lait : la production s’étale sur six mois, avec deux tontes par an. » En général, les animaux sont tondus mi-février et mi-août, débarrassés de 2,5 kg de mohair pour les adultes et de 1 à 1,5 kg en moyenne pour les chevreaux.

« La gestion de l’alimentation est peut-être moins rigoureuse qu’en élevage laitier, quoi que ! La chèvre angora reste un ruminant, qui a besoin d’une alimentation à base de fourrage, riche en matières azotées et protéiques, pour un bon développement de la panse et de la corpulence. Ce sont des impératifs pour avoir une bonne densité de toison et un mohair de qualité. » Il convient aussi de bien gérer des apports supplémentaires durant les périodes de gestation et d’allaitement.

La gestion du parasitisme interne (coccidiose, cryptosporidiose, strongles) est également importante, et nécessite une gestion d’élevage adaptée : organiser une rotation des pâtures, maîtriser les densités animales, gérer les zones humides, traitements anthelmintiques ciblés... Le parasitisme externe fait également l’objet d’une grande vigilance, et en particulier les poux qui peuvent occasionner des pertes importantes de mohair.

Autre différence : « Il n’y a pas le même besoin de renouvellement du troupeau, souligne le producteur : l’angora peut produire un mohair de qualité durant de nombreuses années »

De la chèvre à l’homme : la transformation

Une fois les animaux tondus en élevage, les toisons sont triées et nettoyées puis envoyées à la transformation via des structures spécifiques : « Il existe deux organismes de transformation : la coopérative Sica Mohair et EurECA, explique Pascal Gouache. Ces structures réalisent un contrôle du mohair avant la transformation. » La toison est triée en fonction de la qualité et de la taille de la fibre. Aussi celle des femelles est-elle plus fine que celle des mâles mais moins douce que celle des chevreaux, chacune étant destinée à créer des produits différents. La transformation est ensuite confiée à des teinturiers, tisserands, tricoteurs de toute la France.

Un marché de niche

« Si la conduite d’élevage d’angoras est moins rigoureuse et contraignante qu’en chèvres laitières, la commercialisation demande en revanche qu’on y consacre beaucoup de temps, reconnait Pascal Gouache. On peut acheter des fromages de chèvre chaque semaine, pas des pulls en mohair ! » Ses créations, « de la paire de chaussettes à la couverture en passant par l’écharpe » sont vendues en direct à la ferme, mais également lors de salons, jusqu’à Paris ou Bruxelles. De plus en plus d’éleveurs commercialisent aussi leurs produits par Internet.

Le marché est bien valorisé, le kilo de mohair étant vendu autour de 220 €. « Aujourd’hui, l’offre ne satisfait pas la demande, il y a donc de la place pour de nouveaux éleveurs, affirme Pierre Martin, directeur de Capgènes. La demande de qualité, d’origine française et de conditions d’élevage respectueuses de l’animal joue en faveur de l’élevage français d’angora ». Il existe d’ailleurs deux labels permettant de certifier l’origine et le respect d’un cahier des charges répondant à ces exigences : le Mohair de nos chèvres et le Mohair des fermes de France.

La filière installe, et ce n’est pas Pascal Gouache qui dira le contraire : à l’aube de la retraite, le producteur cherche un repreneur pour son exploitant… A bon entendeur !

Mylène Coste

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