VITICULTURE
Un "vin" de fraîcheur souffle sur Saint-Péray !

Mylène Coste
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L’AOC Saint-Péray organisait samedi dernier son premier marché aux vins post-confinement. L’occasion pour L’Avenir agricole de mettre en lumière cette appellation en pleine effervescence, portée par des vignerons passionnés. Nous avons rencontré quelques-uns d’entres eux…

Un "vin" de fraîcheur souffle sur Saint-Péray !

Emmanuelle Verset, le vin ou rien !

Emmanuelle Verset, le vin ou rien !
Emmanuelle Verset a travaillé durant plusieurs années chez Jaboulet avant de reprendre le domaine familial à Cornas.

Digne héritière du domaine familial dont elle est la 6e génération, c’est elle qui dirige aujourd’hui la maison. « Des cinq enfants, je suis la seule à avoir voulu reprendre », explique Emmanuelle Verset. Un choix par défaut ? Loin de là. Les vignes, qui ont servi de décor à son enfance, restent pour elle un formidable terrain de jeu. « J’ai toujours voulu travailler dans le vin. Pour rien au monde je n’aurais fait autre chose. »

Le Domaine Verset n’est plus à présenter. Ses 2 ha historiques au cœur de Cornas en ont fait un véritable étendard de l’appellation. « J’ai repris le domaine en 2016. C’est une chance que d’avoir pu démarrer avec cette superbe base de vieilles vignes », affiche Emmanuelle Verset. Loin de se contenter de cet héritage, cette hyperactive a vite fait d’imposer sa signature. Une signature qui s’écrit en rouge, mais aussi en blanc !

Du Cornas au Saint-Péray, une identité qui se réinvente

Car si l’idylle perdure avec les rouges de Cornas, une nouvelle histoire d’amour s’écrit avec le Saint-Péray. « J’ai planté en 2017 1330 m2 de marsanne, en AOC Saint-Péray. J’ai créé mon premier millésime en 2020. C’était ma première vinification sur un Saint-Péray. » Un défi fièrement relevé : avec ses notes d’acacias et de fleurs blanches, ses attaques droites et sa fraîcheur, la première cuvée Saint-Péray du Domaine Verset n’a pas eu de mal à trouver public. « J’ai envie de développer le Saint-Péray, de proposer davantage de blancs. » Outre le Saint-Péray et bien sûr le Cornas, la jeune vigneronne a à cœur de proposer de nouvelles cuvées : « J’ai planté du viognier, et prépare une nouvelle cuvée de syrah pour très bientôt. » Avec 15 000 bouteilles commercialisées par an, le Domaine Verset conserve sa taille humaine. Toute la production est commercialisée en bouteilles, à 70 % à l’export.

Sous l’œil bienveillant de son père Alain, qui conserve toujours un pied dans les vignes, Emmanuelle Verset a déjà déployé ses ailes. Et il n’y a aucun doute : la vigneronne devrait encore nous révéler bien des surprises. 

Thomas Dessagne, la vi(gn)e devant soi

Thomas Dessagne, la vi(gn)e devant soi
Domaine du Géant ? « Le nom est un clin d’œil à la légende du Géant de Crussol », indique Thomas Dessagne.

Thomas Dessagne ne fait rien comme personne. Dans le monde du vin, c’est une sorte d’Ovni, objet vinicole non-identifié. Et pourtant, cet enfant du pays n’a pas mis longtemps à se faire adopter par ses nouveaux confrères vignerons. « Je ne suis pas issu du monde agricole. J’ai un diplôme de manipulateur radio, et j’ai exercé ce métier durant 5 ans à Lyon. » Et pourtant ! Le jeune saint-pérollais succombe bientôt à l’appel du pays : « J’ai eu envie de revenir vivre ici, et de redonner vie à une propriété familiale que plus personne n’entretenait. Le potentiel était pourtant énorme : 5 ha d’un seul tenant, avec des terres exceptionnelles et relativement faciles à travailler. Il poursuit : J’ai toujours été attiré par la vigne. Il n’y en avait jamais eu sur ces terrains, situés plein Nord, là où il était impensable de planter il y a 10 ans encore. » 

Thomas Dessagne se lance tout entier dans l’aventure : « J’ai passé un BPREA viticulture et effectué un stage chez Franck Balthazar, à Cornas, avec qui j’ai fait trois vinifications. Je ne pouvais pas trouver meilleure école, je lui dois beaucoup. » En 2017, il plante ses premières vignes, pour parvenir à 1,3 ha en production aujourd’hui , en AOC Saint-Péray mais aussi IGP Ardèche. Secrétaire de du syndicat de l’AOC Saint-Péray, il a pu compter sur les conseils avisés de ses confrères : « Dès que j’ai eu besoin, ils m’ont aidé. Il y a une vraie solidarité entre les vignerons de l’appellation. »

L’objectif du Domaine du Géant : parvenir à 2 ha. « Je propose aujourd’hui deux cuvées : un Saint-Péray 100 % marsanne élaboré avec des levures indigènes, faiblement sulfité et élevé en fût inox ; et un syrah en IGP Ardèche bio, sans sulfites. Je prépare aussi un Saint-Péray 100 % roussanne, pour bientôt. » Chaque chose, en son temps.

Déboulonner les clichés

Il faut dire que le jeune vigneron est déjà bien occupé : « Je continue de travailler en radiologie un jour/semaine. Je suis en pleine construction de la cave. J’ai également mis en place une vigne pédagogique avec mon collègue Stéphane Robert et le soutien de la mairie, pour accueillir les écoliers et le grand public. Je souhaite développer l’œnotourisme. L’idée est de créer du dialogue, de faire connaître nos pratiques, nos efforts pour réduire les intrants, protéger la ressource en eau… L’agriculture est trop souvent décriée, y compris au sein du village. » Sur ses parcelles, Thomas Dessagne tente de recréer un écosystème : îlots de végétation, mûrs en pierres sèches, plantation d’arbres fruitiers… « J’ai pas mal de projets. » 

Domaine du Géant ? « Le nom est un clin d’œil à la légende du Géant de Crussol, qui aurait fondé la ville et dont des ossements auraient été retrouvés. » Un joli nom pour ce petit domaine, qui n’a rien à envier aux grands.

Domaine Chaboud-Cellier, le trait d’union entre les générations

Domaine Chaboud-Cellier, le trait d’union entre les générations
Stephan Chaboud et Charlène Cellier du Domaine Chaboud-Cellier à Saint-Péray. © Domaine Chaboud

Il est l’un des plus vieux domaines viticoles de Saint-Péray. Le Domaine Chaboud-Cellier est l’héritier d’une longue histoire, débutée en 1798 à Saint-Péray lorsque Louis-Alexandre Faure fonde le domaine. Deux siècles et des poussières plus tard, il est toujours là, et semble avoir encore de beaux jours devant lui. 

Mené d’une main de maître depuis 1997 par Stephan Chaboud, 6e génération, il écrit une nouvelle page de son histoire en 2020 avec l’arrivée de Charlène Cellier. « J’ai grandi à Saint-Péray, et bien que n’étant pas issue du monde viticole, j’ai toujours été passionnée par le vin », raconte-t-elle. Une passion qui l’a portée dans un parcours sans faute : diplôme d’ingénieur viti-oeno obtenu haut la main, elle réalise une saison en Nouvelle-Zélande, empoche son premier emploi à Châteauneuf-du-Pape puis rejoind la maison Jaboulet comme œnologue durant 4 ans. Mais la jeune femme aspirait déjà à rentrer à la maison. « J’ai planté ma première parcelle de Saint-Péray en 2018, sur des terrains de mes grands-parents qui faisaient de la polyculture-élevage. »

 « Avec Stephan, nous avions une passion commune pour l’équitation, raconte Charlène. Ça a "matché". Après deux ans de réflexion, on s’est associé. Le Domaine compte aujourd’hui 13 ha en production dont la majorité sur Saint-Péray, mais aussi Cornas, Saint-Joseph, Crozes-Hermitage, et Vins de France en appellation Côtes-du-rhône. Stephan se consacre majoritairement au travail de la vigne, et je m’occupe davantage de la partie cave et marketing. » Un mariage de la tradition et du sang neuf, qui fonctionne ! « On discute beaucoup, on apporte chacun notre regard. Avec toujours, une même philosophie : le respect du vin et des terroirs. »

Des bulles, s’il vous plait !

La légende raconte que la première bouteille du fameux Saint-Péray pétillant fut vinifiée en 1826 par Louis-Alexandre Faure. « Le Domaine Chaboud en a toujours fait, même dans les années 1990 alors que la production avait chuté, souligne Charlène Cellier. Aujourd’hui, 7 vignerons produisent du Saint-Péray effervescent : c’est une belle renaissance ! » Le Domaine Chaboud-Cellier propose deux cuvées de Saint-Péray à bulles : la cuvée Louis-Alexandre, en hommage à son fondateur, et la cuvée « Hommage », issue d’une sélection parcellaire de vieilles vignes.

Le Domaine de Lorient, l'art de la biodiversité dans les vignes !

Le Domaine de Lorient, l'art de la biodiversité dans les vignes !

Sur les hauteurs du Saint-Péray granitique et sauvage, les jeunes vignes du Domaine de Lorient respirent la vigueur et l’énergie, tout à l’image de ceux qui les travaillent : Laure Colombo et Dimitri Roulleau-Gallais sont installés dans ce petit écrin de nature depuis 2014. « L’exploitation compte 18 ha, quasiment d’un seul tenant, dont 6 ha de vignes, essentiellement à Saint-Péray mais aussi Cornas et Saint-Romain-de-Lerps, explique la jeune femme. Le vignoble, majoritairement mécanisable, est conduit en bio. Nous travaillons les sols le moins possible… Plus largement, nous essayons d’avoir une démarche la plus favorable possible à la biodiversité. »

Dans les vignes, pour la plupart plantées récemment, un rang sur deux est naturellement enherbé, l’autre revêtu d’un couvert végétal. « On sème un mélange mellifère tous les 8 rangs, pour nos abeilles, ajoute Laure Colombo. Nous souhaitons aussi développer la viti-foresterie : nos parcelles sont bordées de bois ou de haies champêtres et nous comptons planter des oliviers, arbres fruitiers, frênes, corbiers et autres espèces dans les parcelles. » Et pour boucler la boucle de ce système vertueux, le Domaine de Lorient pourrait également bientôt expérimenter le maraîchage dans l’inter-rang.

Dans la pure tradition des fermes d’antan

Au Domaine de Lorient, la vigne n’est qu’une partie d’un écosystème où chaque élément interagit de manière vertueuse avec les autres. La ferme compte également, une dizaine de brebis, deux vaches, quelques cochons, des ruches et des oliviers, quelques pommiers et petits fruits, des plantes aromatiques et des légumes, avant tout en autoconsommation. Au printemps, il n’est d’ailleurs pas rare de voir quelques animaux brouter dans les rangs de vignes. 

Le couple de vignerons a également replanté quelques cépages oubliés (dureza, mondeuse). Côté Saint-Péray, le Domaine propose deux cuvées, l’une à dominante marsanne, l’autre en roussanne.

Mylène Coste