AG DE LA FNSEA
Un « virage historique » pour un « choix responsable »

Mylène Coste
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AG DE LA FNSEA / La deuxième partie de l’assemblée générale de la FNSEA s’est tenue le jeudi 10 septembre à Villejuif (Val-de-Marne). L’occasion pour les plus de 160 délégués présents, dans le strict respect des consignes sanitaires, de valider le rapport d’orientation sur le défi climatique.

Un « virage historique » pour un « choix responsable »
La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert.

La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert en est convaincue : « le rapport d’orientation que vous venez d’adopter fera date. Il amorce un virage historique et positionne la FNSEA comme un acteur opérationnel de la lutte contre le changement climatique », a-t-elle indiqué dans ses interventions lors de l’assemblée générale du 10 septembre, la première journée s’étant tenue, par visioconférence, le 18 juin. « C’est un virage comparable à celui des années 60 qui oblige à nous réformer, à nous adapter et à entraîner l’agriculture sur des chemins nouveaux », a-t-elle martelé.

Contractualisation

Quelques instants plus tôt les 164 délégués avaient pu débattre, porter et défendre leurs amendements sur ce rapport intitulé : « Faire du défi climatique une opportunité pour l’agriculture ». Après avoir expliqué que le changement climatique est une réalité scientifique et établie et que la neutralité carbone est un défi que peut relever l’agriculture française, chacun des quatre co-rapporteurs a pu également présenter les six conditions nécessaires pour réussir cette « transition écologique », une expression « totalement assumée » par Christiane Lambert. Le message délivré aux congressistes est qu’il est encore temps d’agir et que l’agriculture peut tirer son épingle du jeu, y compris financièrement. À condition toutefois que les pouvoirs publics clarifient bien les enjeux, que « l’on décentralise les prises de décision et que les élus locaux s’emparent aussi du sujet », notamment dans la lutte contre l’artificialisation des sols, ont indiqué les deux co-rapporteurs, Joël Limouzin et Olivier Dauger. Leur collègue, Hervé Lapie, souhaite privilégier la labellisation, la certification et aussi la contractualisation qui doit permettre à l’agriculture d’obtenir un juste retour sur investissement du travail fourni en termes de captation carbone.

Rémunérer les engagements

Christiane Lambert n’a pas caché sa déception sur l’application de la loi Egalim : « La montée en gamme des produits s’est fracassée sur la diversité agricole et sur les moyens financiers des Français », a-t-elle dit, laissant sous-entendre que si les Français n’avaient pas les moyens avant la crise du Covid, comment en auraient-ils maintenant et dans les prochains mois ? « Ce n’est pas aux agriculteurs de sacrifier leurs revenus pour maintenir le pouvoir d’achat des Français », a-t-elle insisté. Dans ce domaine, comme dans d’autres (lutter contre nos dépendances, contre les fake news, rebâtir une souveraineté alimentaire solidaire, etc.), « un travail colossal nous attend », a conclu Christiane Lambert.

Christophe Soulard

Adapter la transition écologique aux territoires

RAPPORT D’ORIENTATION / Lors de sa conférence de presse de rentrée le 9 septembre, la FNSEA a présenté sa stratégie globale pour accompagner la transition écologique dans les exploitations.

« L’agriculture est un acteur central du changement climatique. Elle est l’une des solutions au dérèglement climatique. Et nous sommes à la pointe de la mobilisation », a affirmé Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Elle rappelle que le secteur agricole a diminué de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) durant les 20 dernières années. « J’ai la certitude que les agriculteurs sont une solution », a indiqué Henri Biès-Péré, deuxième vice-président. « Ce changement climatique qui déjà modifie les demandes sociétales va aussi structurer la conduite des exploitations elles-mêmes », a-t-il ajouté.

Moins de GES

De manière très concrète et afin de participer à la neutralité carbone d’ici 2050, la FNSEA entend prévenir les sécheresses et les inondations. Joël Limouzin, co-rapporteur, témoigne de la montée en puissance des événements climatiques : « Entre septembre et décembre 2019, il est tombé 900 mm d’eau sur mon exploitation, soit plus qu’en une seule année ». Avoir pu stocker son eau dans des retenues collinaires lui a permis « de passer l’été » très sec. « On sent à ce sujet une pression hystérisée sur l’irrigation », a remarqué Christiane Lambert. « Il faut aussi lutter contre l’artificialisation des sols, car au rythme actuel, c’est-à-dire, la disparition d’un département français tous les cinq ans, c’est 8 % du potentiel de captation de carbone qui pourrait disparaître », a expliqué Henri Biès-Péré. La FNSEA insiste aussi sur la « nécessité de territorialiser l’agriculture et l’agroalimentaire avec des produits d’origine France. En cultivant sur place, nous émettons moins de GES que si nous importons », a souligné Olivier Dauger, co-rapporteur.

Externalités positives

Mieux, l’agriculture française assure déjà 20 % de la production d’énergies renouvelables (396 GWh, soit 3,5 % de la production nationale d’énergie). Même si Olivier Dauger estime qu’il faut développer cette activité, « en aucun cas nous ne devrons sacrifier un sol à vocation alimentaire » pour faire du photovoltaïque, a-t-il ajouté. Dans tous les cas, l’adaptation de l’agriculture au changement climatique ne sera pas uniforme, s’accorde à reconnaître la FNSEA. Elle devra tenir compte des problématiques territoriales tant il est vrai que la gestion des sols, de la sécheresse ou de l’eau diffère selon qu’on se trouve dans les Alpes de Haute-Provence, dans le Bassin parisien ou sur le Causse Méjean. « Nous n’avons guère le choix. Les océans, les forêts et l’agriculture : voilà les trois seuls puits de carbone que nous avons à notre disposition », a souligné Hervé Lapie, co-rapporteur. S’intégrant dans le plan de relance et compatible avec les objectifs de la Commission européenne (Biodiversité 2030 et De la ferme à la table), le rapport d’orientation de la FNSEA souhaite que cette économie décarbonée puisse aussi faire vivre les agriculteurs. « Il faut rechercher les externalités positives et inciter les acteurs économiques à investir dans la compensation carbone en France », a exhorté Hervé Lapie.

Du rapport au livre

Le rapport d’orientation a fait l’objet d’environ 300 amendements. Une commission ad hoc a été constituée pour les analyser. Une dizaine d’entre eux rassemblant les thématiques du rapport ont été retenus et débattus. En octobre et novembre prochains, les rapporteurs iront sur le terrain pour « mettre les agriculteurs en mode projet ». Le rapport d’orientation de la FNSEA sera édité sous forme de livre « pour démocratiser le débat et faire connaître le travail de la FNSEA », a indiqué Christiane Lambert. Il sera préfacé par l’académicien Erik Orsenna, ancienne plume de François Mitterrand.