FNB
Les éleveurs allaitants mettent la pression sur le gouvernement

Prix en berne, échec du plan de filière, négociations difficiles de la Pac, indifférence et passivité gouvernementale... Les éleveurs bovins allaitants affûtent leurs arguments et demandent à leur ministre de tutelle de faire preuve de responsabilité.

Les éleveurs allaitants mettent la pression sur le gouvernement
Emmanuel Bernard, Bruno Dufayet et Jonathan Janichon face aux représentants des éleveurs de la région Auvergne Rhône-Alpes le 16 février à Aubière (Puy-de-Dôme). (Crédit : C.Rolle)

« L’élevage bovin viande fran­çais est en crise, dans l’in­différence » : c’est par ces mots qu’Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre, président de la section bovine d’Interbev, a ouvert la réunion régionale FNB mardi 16 février à Aubière (Puy-de-Dôme), aux côtés de Bruno Dufayet, président de la FNB et Jonathan Janichon, responsable de la filière bo­vine à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Un temps d’échange avec les représen­tants des éleveurs allaitants de la région durant lequel le prix du produit, la Pac et la mobilisation syndicale étaient au cœur des crispations.

« Pas de prix en dessous du coût de production »

Sur le prix, la Fédération nationale bovine tape du poing sur la table et appelle le gouvernement à prendre enfin ses res­ponsabilités. « Cela fait 3 ans que nous oeuvrons de réunions en réunions pour tenter de faire appliquer la loi Egalim dans les négociations commerciales avec les acteurs de la filière mais rien ne se passe », constate amèrement Bruno Dufayet. Depuis la promulgation de la loi issue des États généraux de l’alimentation (Ega­lim), et alors que les ventes de viandes bovines françaises progressent, le revenu des éleveurs de bovins de race à viande ne cesse de chuter. « Il s’élevait en 2019 à 10 500 € par éleveur et en 2020, c’est avec moins de 700 euros par mois que les producteurs ont dû continuer de vivre et de produire, tout en préservant un modèle d’élevage familial et durable, plébiscité par les consommateurs », poursuit le pré­sident. Un constat pleinement partagé par Emmanuel Bernard qui confirme que la loi Egalim et le plan de filière com­mandé par le président de la République, n’ont pas tenu leurs promesses dans le secteur de la viande bovine. « En dépit d’une conjoncture plutôt positive, ni le taux de ventes faisant l’objet d’une contractua­lisation entre l’amont et l’aval de la filière (moins de 2 %), ni la part de viandes bo­vines label rouge commercialisées (moins de 3 %), ni le prix payé aux producteurs – toujours bien en-dessous de leur coût de production - n’ont progressé. » Face à ce sentiment d’abandon par les acteurs de leur filière et le gouvernement, les éleveurs disent Stop ! « La question main­tenant est de savoir ce que le gouvernement veut faire de l’élevage français. Veut-il le maintenir ou pas ? », interroge Bruno Du­fayet. « L’État doit aller au bout de ses convictions et faire acte de responsabilité. On sauve Airbus, Airfrance, on peut aussi sauver notre élevage ! », surenchérit Em­manuel Bernard. La Fédération nationale bovine demande donc au gouvernement d’interdire d’acheter un produit agricole à un prix ne couvrant pas le coût de pro­duction du vendeur. « C’est aujourd’hui la seule mesure à prendre pour permettre de répondre à l’urgence économique des éleveurs et de concrétiser, enfin, l’am­bition des États généraux de l’alimenta­tion », souligne le président de la FNB. Aux rumeurs qui prédisent de revoir la loi Egalim, les éleveurs répondent que « c’est inutile, il suffit que le gouvernement la fasse appliquer… »

Pac, maintenir le couplage 

2021 sera cruciale quant aux négocia­tions sur la réforme de la Pac 2023. La FNB entend défendre les enjeux et spécificités du secteur bovin viande et démontrer « l’exemplarité du modèle d’élevage français qui doit être reconnu et soutenu au travers des soutiens pu­blics ». Aussi, le syndicat revendique pour la future Pac : le maintien des aides couplées allaitantes à leur niveau actuel (13 % ; + 2 %) pour conserver l’élevage sur tous les territoires ; le maintien d’un paiement redistributif fort ; dans l’eco-scheme récompenser en priorité les services environnementaux existants rendus par l’élevage ; revaloriser l’ICHN sur les productions animales ; soutenir l’installation et proposer des MAEC pour soutenir les zones intermédiaires. Sur l’ensemble de ces points, particulière­ment sur le maintien de l’aide couplée allaitante, « rien n’est encore décidé mais nous devons rester vigilants et ne pas relâ­cher la pression », s’est exprimé Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, président de la FRSEA Massif central. Pour Bruno Dufayet, « le taux de couplage est loin d’être acquis. On peut imaginer qu’il sera entre 10 % et 13 %. A 10 % ce sera un tiers de l’enveloppe en moins », alerte-t-il. Une crainte contre laquelle la FNB a décidé de se battre en appelant la mobilisation syndicale. « La pression syndicale doit être forte dans les jours à venir pour amener la puissance publique à prendre des décisions claires en faveur de l’élevage français », ont conclu les représentants des éleveurs.

C. Rolle

Refuser l’accord Mercosur

Les éleveurs bovins demandent à Emmanuel Macron de prendre ses responsabilités et d’assumer à Bruxelles le discours qu’il porte en France en refusant fermement l’accord avec le Mercosur. « Cet accord est une catastrophe car il accepte l’importation en Europe de 99 000 tonnes de viande bovine du Mercosur à 7,5 % de droits de douane, avec des normes sanitaires de production interdites en Europe », explique Bruno Dufayet.

C.R

Le Draaf dans le viseur des agriculteurs
(Crédit : AA63)

Le Draaf dans le viseur des agriculteurs

Directeur de l’agriculture d’une région dont 70 % du territoire est situé en zone de montagne, la profession agricole aurait pu attendre de Michel Sinoir qu’il s’affirme comme un fervent défenseur de l’élevage herbager et des zones montagnardes dans le cadre de la prochaine Pac. Visiblement, ce dernier estime que les précédentes réformes ont été suffisantes pour compenser les handicaps naturels et rééquilibrer « le trou de l’herbe » creusé dès 1992, a-t-il déclaré la semaine dernière devant une dizaine d’agriculteurs du Cantal qui l’avaient contraint quelques minutes plus tôt à les suivre sur une parcelle des hauteurs d’Aurillac après l’avoir intercepté sur la route suite à une entrevue en préfecture. « Aujourd’hui, le ministre est attentif aux zones intermédiaires et ce qu’on peut sentir, c’est que très probablement, le rythme de l’augmentation des aides Pac vers vos zones va ralentir. Dans cette situation, il faut être attentif à l’autre pan de l’économie agricole, la valeur ajoutée, qui, pour moi, est le pro­blème central dans les zones de montagne et en Auvergne notamment », a affiché le directeur régional citant en exemple les AOP des Savoie, le saint-nectaire fermier... Pouvoir vivre dignement de leurs produits, les agriculteurs du Massif central n’attendent que ça : « Qu’on nous garantisse un lait à 400 € (...) Vous croyez que c’est une fierté de ne pas dégager de valeur ajoutée », a lancé, excé­dé, Anthony Bacquié (JA), tandis que Mathieu Théron, président JA rappelait une autre réalité : aucun contrat signé en viande bovine, malgré les attendus de la loi Egalim. « On ne compte pas faire la manche ni se prostituer auprès de la grande distribution. On ne va pas continuer à travailler comme ça pour 900 € par mois. Il faut un discours plus ambitieux de l’État », a poursuivi Anthony Bac­quié. Au cours des échanges, les responsables syndicaux ont exposé leurs griefs à l’encontre d’un représentant régional de l’administration jugé des moins enclins à défendre les dossiers auvergno-rhônalpins : arrêté régional de lutte contre le campagnol terrestre toujours pas signé alors qu’une vague d’intenses pullulations est redoutée partout en Auvergne notamment, avis défavorable donné par la Draaf à la demande de reconnaissance en calamités sécheresse soumise au CNGRA...